Teneurs en phosphore des organes exportés en AB : des différences notables avec les références conventionnelles ?
Dans le cadre du projet PhosphoBio, de nouvelles références sont acquises sur les teneurs en phosphore d’organes exportés en agriculture biologique (AB). Dans un premier temps, il s’agit de vérifier si ces teneurs sont différentes de celles en conventionnel. A terme, ces références seront mobilisées dans des calculs de bilan fertilisation – exportations de Phosphore.
En matière d’exportations de phosphore, deux hypothèses contradictoires existent :
- Hypothèse 1 : les teneurs en P des grains sont plus faibles en AB qu’en conventionnel en raison de teneurs en P des sols généralement plus faibles ;
- Hypothèse 2 : les teneurs en P des grains sont plus élevées en AB qu’en conventionnel en raison de rendements plus faibles (et d’une moindre dilution du phosphore dans les grains et les pailles).
Méthodologie et présentation du jeu de données
Afin de vérifier laquelle était la plus proche de la vérité, des analyses de teneurs en phosphore de grains et de pailles de différentes espèces cultivées seules en AB ont été compilées, avec d’autres informations lorsqu’elles étaient disponibles (tableau 1).
Tableau 1 : Informations compilées dans la base de données teneurs en P des grains et des pailles
Les données collectées sont issues soit d’essais annuels menés par ARVALIS ou des partenaires du projet PhosphoBio dans le cadre du projet ou plus anciens, soit de sites « longue durée ». Ces derniers sont des sites expérimentaux conduits par les partenaires du projet en agriculture biologique depuis 10 à 20 ans pour lesquels des données sont collectées annuellement.
Tableau 2 : Listes des essais annuels mobilisés pour le référencement des teneurs en P d'organes exportés en AB
Tableau 3 : Listes des sites longue durée mobilisés pour le référencement des teneurs en P d'organes exportés en AB
Retour sur les premiers résultats
Les teneurs en phosphore présentées ici sont exprimées en P2O5 afin de pouvoir les comparer avec les références existantes : coefficients multiplicateurs du rendement aux normes du COMIFER issus de travaux de 2007 de référencement des teneurs moyennes en PKMg des grains et pailles de nombreuses cultures en agriculture conventionnelle.
Les teneurs en P des espèces cultivées en AB présentées ci-dessous sont celles pour lesquelles au moins 20 valeurs d’analyses par organe étaient disponibles. Elles sont exprimées sous la forme de coefficients multiplicateurs du rendement (en kg de P2O5 par unité de rendement) et en pourcentage des références du COMIFER afin de permettre une comparaison à ces dernières.
- Valeur supérieure à 100 : la moyenne issue de la base de données « Teneurs en P des organes exportés PhosphoBio » est supérieure à celle du COMIFER (2007)
- Valeur inférieure à 100 : la moyenne issue de la base de données « Teneurs en P des organes exportés PhosphoBio » est inférieure à celle du COMIFER (2007)
Tableau 4 : Teneur en Phosphore de certaines espèces cultivées en AB issues des références PhosphoBio et écart relatif avec les teneurs en phosphore issues des travaux du COMIFER (2007)
Pour la plupart des espèces répertoriées dans le tableau 4 (blé tendre, féverole, maïs, orge, soja), les teneurs en phosphore issues de la base de données AB PhosphoBio sont supérieures aux références conventionnelles du COMIFER. Seuls les grains de tournesol présentent, dans ce référentiel AB, des teneurs en P légèrement inférieures (d’à peine 10 %) aux références COMIFER.
Ces premiers résultats semblent indiquer que l’hypothèse 2 est prédominante par rapport à l’hypothèse 1. La différence de teneurs en P du sol entre les situations en AB et les situations en conventionnel semblent avoir peu d’impact sur les teneurs en P des grains et des pailles. Ces teneurs seraient en moyenne plus élevées en AB en raison d’un phénomène de dilution : plus les rendements augmentent, plus les concentrations en phosphore des grains et des pailles diminuent. En raison de rendements généralement plus faibles en agriculture biologique, les concentrations en phosphore seraient donc supérieures aux références du COMIFER.
En complément de ces références, les relations entre la teneur en phosphore des grains entre le rendement, d’une part, et la teneur en P2O5 Olsen du sol, d’autre part, ont été représentées pour le blé tendre.
Relation entre la teneur en phosphore des grains et le rendement grain du blé tendre
La figure 1 nous indique une légère tendance à la baisse de la teneur en P du grain de blé tendre lorsque le rendement augmente. Ceci va dans le sens de l’hypothèse 2 qui laisse penser que, comme pour l’azote, un phénomène de dilution du phosphore dans les grains se produit lorsque les rendements augmentent. Toutefois, ce résultat reste une tendance qui n’a pas pu être confirmé par l’analyse statistique.
Figure 1 : Dispersion des teneurs en P du grain de blé tendre par classe de rendements grain
Relation entre la teneur en phosphore des grains de blé tendre et la teneur en P2O5 Olsen du sol
L’hypothèse 1 consiste à supposer que plus la teneur en P2O5 Olsen du sol est élevée, plus la teneur en P des grains de blé tendre est élevée en raison d’une meilleure disponibilité du P dans le sol.
Toutefois, aucune corrélation n’a pu être établie entre la teneur en phosphore des grains et la teneur en P2O5 Olsen du sol pour le blé tendre (figure 2). Ceci ne permet donc pas de mettre en évidence l’existence d’une relation entre teneur en P des grains et teneur en P2O5 Olsen du sol.
Figure 2 : Teneur en P des grains de blé tendre en fonction de la teneur en P2O5 Olsen du sol par essai ou site longue durée
Les relations entre teneur en P des grains de blé tendre et rendement d’une part et teneur en P2O5 Olsen du sol d’autre part a également été étudiées pour le maïs grain et la féverole. Toutefois, aucune tendance n’a pu être établie.
Ces résultats préliminaires vont être utilisées dans un premier temps dans le cadre du projet PhosphoBio pour calculer avec plus de précision des bilans de phosphore à la parcelle (différence entre les entrées et les sorties de phosphore via les apports de fertilisants et les exportations de grains voire de pailles) dans des situations conduites en agriculture biologique. Ces références provenant majoritairement de situations en sols calcaires nécessitent encore d’être consolidées pour pouvoir être utilisées plus largement.
Article rédigé par Morgan MAIGNAN, chargé de projet PhosphoBio chez ARVALIS.