Observatoire PhosphoBio : les pratiques de gestion de la fertilité mises en place par les agriculteurs
Les pratiques culturales mises en œuvre sur les parcelles de l’observatoire PhosphoBio ont fait l’objet d’une enquête en 2022 et 2023. Gros plan sur les informations recueillies en matière de gestion de la fertilité des sols.
La gestion de la fertilité des sols est une notion essentielle en agriculture biologique. Pour la majorité des agriculteurs interrogés, elle passe, entre autres, par l’apport de matières fertilisantes. Toutefois, on observe une diversité de pratiques culturales et d’objectifs mis en place : recherche d’autonomie maximale sans élevage ni achat extérieur, volonté d’apporter des fertilisants achetés pour améliorer la fertilité, fertilisation basée sur les effluents d’élevage de la ferme uniquement…
Il semble essentiel de considérer cette diversité de pratiques culturales pour appréhender la fertilité des sols vis-à-vis du phosphore en agriculture biologique.
Pour rappel, les parcelles de l’observatoire sont localisées sur l’ensemble de la France et sont conduites en systèmes de grandes cultures, polyculture-élevage ou élevage. Chacun des agriculteurs a été questionné sur ses pratiques culturales à l’échelle de l’exploitation agricole et plus particulièrement sur la ou les parcelles suivies dans l’observatoire.
Les pratiques culturales à l’échelle de l’exploitation
Parmi les 158 exploitations agricoles de l’observatoire, 152 ont été enquêtées par trois groupes d’étudiants (deux de l’école Bordeaux Sciences Agro et un de l’école ISARA).
Figure 1 : Evolution des pratiques de fertilisations (102 fermes répondantes)
Parmi les 102 exploitants ayant répondu à cette question, 72 estiment ne pas avoir profondément modifié leurs pratiques de fertilisation depuis leur conversion à l’agriculture biologique. 30 seulement affirment avoir augmenté ou diminué leurs pratiques de fertilisation. La majorité des réponses portent soit sur l’arrêt d’utilisation de certains fertilisants (manque de disponibilité, évolution de la réglementation, arrêt avec la certification AB…), soit sur la mobilisation de nouvelles sources (compost végétal, fientes, fumiers…).
Pour 110 des 152 exploitations enquêtées, cette gestion de la fertilité générale des sols s’accompagne de l’utilisation d’outils de diagnostic. La majorité (90) s’appuie sur les analyses de terre, les autres utilisant différents outils, seuls ou en appui de ces analyses de terre : analyses de végétaux (11), mesures de reliquats azotés (11)…
Parmi les références existantes, il a été demandé aux agriculteurs s’ils connaissent la méthode de raisonnement de la fertilisation P et K du COMIFER. Seuls 37 des 151 répondants la connaissent, dont 8 évoquent son utilisation dans la gestion de la fertilité des sols. Sur les 29 ayant connaissance de cette méthode mais ne l’utilisant pas, 8 pensent qu’elle n’est pas adaptée à l’agriculture biologique et/ou aux systèmes peu productifs, tandis que 4 autres ne la considèrent pas « utile ».
Figure 2 : Répartition des exploitations agricoles selon la connaissance de la méthode COMIFER et de son utilisation (151 réponses)
Pour terminer, les agriculteurs ont été questionnés sur leur approvisionnement en fertilisants. Tout d’abord, les critères de choix ont été mentionnés par 118 répondants (plusieurs réponses possibles) :
- Le prix (60 réponses)
- La qualité, l’efficacité et/ou la composition des produits (57)
- La disponibilité (29)
- …
Figure 3 : Répartitions des exploitations agricoles selon leur difficulté à s'approvisionner en fertilisants (127 réponses)
Le prix des produits et leur disponibilité, étroitement liés, sont mentionnés par la moitié et un quart des agriculteurs. Sur 127 répondants, 53 expriment même avoir déjà rencontré des difficultés d’approvisionnement en fertilisants. Les raisons évoquées sont les mêmes que mentionnées ci-dessus : 42 (sur 53) estiment que l’augmentation des prix est un frein tandis que 41 sont confrontés à des problèmes de disponibilité et de tensions sur le marché. Les produits les plus concernés par un problème d’approvisionnement sont les effluents d’élevage de volailles (fumiers, fientes…) (32 réponses) et les engrais du commerce sans distinction (15 réponses).
Figure 4 : Raisons des difficultés d'approvisionnement en fertilisants (53 exploitations agricoles)
Les pratiques culturales à l’échelle de la parcelle
Parmi les 201 parcelles de l’observatoire, les enquêtes ont permis de collecter les pratiques culturales de 191 d’entre elles. Les agriculteurs indiquent que 154 parcelles reçoivent ponctuellement ou régulièrement des matières fertilisantes (engrais et/ou amendements) tandis que 37 sont gérées en autonomie, sans aucun apport. Les apports se présentent majoritairement sous forme de fertilisants (fumiers, lisiers, fientes, PAT…) et, dans une moindre mesure, sous forme d’amendements organiques (fumiers compostés voire composts de végétaux).
Figure 5 : Répartition des 191 parcelles selon l'utilisation ou non de fertilisants / amendements
Pour la majorité des 154 parcelles concernées par des apports, les matières fertilisantes épandues sont importées (engrais du commerce ou effluents d’élevage provenant de fermes voisines) en totalité (83 parcelles) ou en partie (30 parcelles). L’origine, biologique ou non, des matières fertilisantes importées est précisée pour 83 parcelles. 38 ne reçoivent que des produits « AB » (engrais du commerce utilisables en AB ou effluents d’élevages certifiés en AB), 36 ne reçoivent que des effluents d’élevages conventionnels et 9 reçoivent aussi bien des matières fertilisantes « AB » que des matières fertilisantes provenant d’élevages conventionnels.
Figure 6 : Types d'apports fertilisants sur les 154 parcelles indiquant réaliser des apports
Figure 7 : Répartition des 154 parcelles indiquant réaliser des apports fertilisants selon la provenance de ces apports
La gestion de la fertilité des sols semble donc prise en compte par la majorité des agriculteurs enquêtés. Le niveau de satisfaction sur la fertilité globale et, plus spécifiquement, sur la fertilité vis-à-vis du phosphore a d’ailleurs été abordé lors des enquêtes. Les agriculteurs ont donné une note de satisfaction comprise entre 1 (pas satisfait) et 5 (très satisfait).
Concernant la fertilité globale des sols, peu de parcelles obtiennent des niveaux de satisfaction de 1 et 2 (respectivement 4 et 24 sur 168). La majorité des répondants sont donc moyennement à très satisfaits de la fertilité globale des parcelles de l’observatoire (83 %). Si l’on se penche sur la fertilité vis-à-vis du phosphore, la part de parcelles présentant des niveaux insatisfaisants pour les agriculteurs augmente : 20 parcelles avec une note de 1 et 17 avec une note de 2 sur 97 parcelles évaluées. La part de parcelles avec des niveaux de satisfaction moyen à très bon n’est plus que de 61 %. A noter que l’information a été donnée pour uniquement 97 parcelles, indiquant qu’une grande partie des agriculteurs n’avaient pas vraiment d’avis sur la question du phosphore. Certains reconnaissent ainsi être peu préoccupés par la fertilité vis-à-vis du phosphore mais davantage par la fertilité vis-à-vis de l’azote, élément chimique très souvent limitant en agriculture biologique.
Figure 8 : Répartition des parcelles selon le niveau de satisfaction de l'agriculteur sur la fertilité en Phosphore (97 réponses)
Figure 9 : Répartition des parcelles selon le niveau de satisfaction de l'agriculteur sur la fertilité générale (168 réponses)
En plus de la fertilité chimique du sol vis-à-vis du phosphore, les agriculteurs ont été questionnés sur leur perception de l’état physique du sol. Sur 175 réponses, seulement 12 agriculteurs considèrent que l’état physique du sol de leurs parcelles se dégrade, tandis que 79 d’entre eux trouvent qu’il s’est amélioré après la conversion à l’agriculture biologique.
Parmi les points d’amélioration précisés (plusieurs réponses possibles pour une même parcelle), on peut retenir :
- Une amélioration de l’activité biologique du sol (35 réponses)
- Une amélioration de la structure du sol (25)
- Une augmentation du taux de matière organique (21)
Figure 10 : Répartition des parcelles selon la perception des agriculteurs face à l'évolution de l'état physique du sol (175 réponses)
En complément, les pratiques de fertilisation mise en œuvre sur la période 2017-2021 ont été détaillés pour 175 des 191 parcelles enquêtées, en se focalisant sur les apports de phosphore. Ainsi, sur cette période de 5 ans, les apports de P ont été caractérisés selon :
- Le type d’apports :
- Apports exogènes de P - correspond à des imports de fertilisants et amendements (matières fertilisantes achetées à l’extérieur ou cédées par une ferme voisine par exemple en échange de paille)
- Apports non exogènes de P – correspond à des fertilisants (AB ou non) produits sur l’exploitation agricole (effluents d’élevage présent sur l’exploitation)
- Aucun apport réalisé pendant les 5 années
- La fréquence d’apports :
- Peu fréquents – apports de phosphore 1 ou 2 années sur les 5
- Réguliers – apports de phosphore 3 à 5 années sur les 5
La figure 11 nous indique que 35 parcelles n’ont reçu aucun apport entre 2017 et 2021, 60 parcelles ont reçu des apports 1 à 2 années sur 5 et 80 parcelles, des apports 3 années sur 5 ou plus. Ainsi, 80 % des parcelles ont été fertilisées au moins une fois et 46 % fertilisées de façon « régulière ». La majorité des parcelles reçoit donc du phosphore.
Une majorité de parcelles a reçu des apports de P exogène à l’exploitation agricole. Pour 74 parcelles, il s’agit exclusivement de P exogène et pour 26 une part seulement du P apporté est exogène, le reste provenant de l’exploitation. La fertilité vis-à-vis du phosphore repose donc sur l’apport exclusif d’effluents issus de l’exploitation pour seulement 40 parcelles.
Figure 11 : Répartition des 175 parcelles selon leurs apports en P sur la période 2017-2021
Article rédigé par Morgan MAIGNAN, chargé de projet PhosphoBio chez ARVALIS.