La réponse au phosphore des cultures conduites en AB : les premiers résultats d’essais
L’Action 2 du projet PhosphoBio porte sur l’estimation de l’effet du statut phosphaté des sols sur la productivité des cultures et la mise au point d’outils de diagnostic de la fertilité P en agriculture biologique. Retour sur les résultats des cinq essais au champ mis en place en 2021/22.
Pour évaluer l’influence de la fertilisation azotée sur la réponse des cultures au phosphore en AB, six doses d’apport de P ont été testées avec deux niveaux de fertilisation azotée (tableau 1).
Compte tenu de la réglementation AB, le recours à des fertilisants minéraux n’est pas possible. Il a fallu identifier un fertilisant riche en P disponible et pauvre en N et un autre riche en N et pauvre en P applicables en AB. Après plusieurs tests et analyses, un compost de guano et de fumier de fientes de volailles issus d’élevages biologiques riche en P et de la poudre de plume riche en N ont été retenus.
Tableau 1 : Plan expérimental croisant des doses de fertilisants organiques P et N
Carte 1 : Localisation des essais au champ pour établir des courbes de réponse au phosphore en AB
Pour établir les courbes de réponses au phosphore, des parcelles avec des teneurs en P Olsen faibles, inférieures à 20 ppm, ont été retenues (tableau 2). Des analyses de sol avant et après les apports ont permis d’évaluer leur impact sur la disponibilité en P. Par exemple, sur le site de Seillac, les doses de P apportées ont conduit à la création d’un gradient de disponibilité en P avec des valeurs comprises entre 12 et 51 mg P2O5/kg. Les effets des apports de fertilisants sur les valeurs de P Olsen sur les autres sites ont été moins prononcés (tableau 3).
Tableau 2 : Dispositifs expérimentaux et principales caractéristiques des sols au moment de l’implantation des essais (« - » sols en cours d’analyse)
Il est bien connu que les variations de disponibilité en P du sol avec un apport de fertilisant sont dépendantes des propriétés physico-chimiques du sol (Mollier et al., 2019), mais également de la composition du fertilisant et des conditions d’incorporation au sol.
Le fertilisant organique P utilisé ayant une valeur fertilisante proche de celle d’un engrais minéral et étant enfoui dans tous les essais, les différences de comportement entre les sites s’expliquent par les contextes pédoclimatiques de chacun.
Différentes mesures et analyses ont été réalisées sur les cultures : les biomasses, les teneurs en azote et en phosphore au stade floraison, le rendement, l’indice de récolte et la composition des grains en N et P.
Sur l’année 2021-2022, les effets des traitements ont été globalement très faibles sur les cultures de blé tendre (tableau 3). Au stade floraison, les teneurs en P de la biomasse aérienne augmentent avec la dose de P pour les traitements N2. Cet effet ne s’exprime pas en N1. A la récolte, il n’y a pas eu d’effet significatif des traitements sur les rendements. Malgré des doses importantes d’apport de P, les rendements sont similaires entre les traitements sans apport et les doses de 120 kg P2O5/ha.
Tableau 3 : Synthèse des réponses des différentes variables mesurées aux traitements appliqués pour les sites cultivés en blé tendre en 2021-2022
+++ effet fort ; ++ effet modéré ; + effet faible ; - absence d’effet, nd en cours d’analyse.
(les résultats de l’essai maïs en Pays-de-Loire sont en cours d’analyse)
Figure 1 : Teneur en P Olsen du sol avant et après apport de fertilisants organiques (2 doses d’azote et 6 doses de phosphore) – essai 2022 à Seillac (41)
T0 = mesure avant les apports d’engrais
T1 = mesure quelques semaines après l’apport
A l’issue de cette première année d’expérimentation, sur quelques sites, un début de réponse au phosphore s’observe en termes de rendement. Par exemple, sur le site de Seillac, le rendement en blé tend à légèrement diminuer pour les valeurs les plus faibles de P2O5 Olsen, mais il n’y a pas encore de réduction franche (figure 2).
Figure 2 : Exemples de courbes de réponse du rendement du blé conduit en AB en fonction de la teneur en P Olsen du sol - essai 2022 à Seillac (41)
Les essais sont reconduits une année supplémentaire
Globalement, les résultats ne permettent pas d’établir des courbes de réponse à P et des seuils dans le contexte AB pour les comparer aux références du COMIFER (COMIFER, 2019).
Les mêmes protocoles expérimentaux vont être reconduits en 2022-2023. Les effets des traitements cumulés sur deux années devraient accentuer les gradients de disponibilité et augmenter la probabilité d’avoir une réponse des cultures à P pour tester nos hypothèses.
COMIFER, 2019. La fertilisation P-K-Mg : Les bases du raisonnement.
Mollier, A., Denoroy, P., Morel, C., 2019. Évaluation de la disponibilité et la gestion du phosphore dans les agrosystèmes : avancées scientifiques et techniques. Agron. Environ. Sociétés 9, 87–98.