Améliorer l’autonomie protéique en lait spécialisé : quel impact sur le système ?
L’introduction de l’affouragement en vert ou de la luzerne combinée à la betterave fourragère améliore l’autonomie protéique d’un système spécialisé bovin lait typique des Pays de la Loire. Leur introduction est positive sur l’environnement. À production laitière inchangée, l’impact est neutre à bénéfique sur les résultats économiques bruts… mais négatif en intégrant l’achat du matériel nécessaire. Enfin, la charge de travail s’accroît, selon les simulations réalisées dans le cadre du projet Cap Protéines¹.
Le cas d’étude est une ferme reconstituée à partir des données du réseau d’élevage Inosys sur des systèmes spécialisés en lait dans les Pays de la Loire, avec une performance optimisée. Elle présente une autonomie protéique initiale de 63 % : 63 %2 des protéines consommées par les 75 vaches laitières et leur suite proviennent de l’exploitation de 91 hectares (figure 1).
Affouragement en vert ou introduction de luzerne et betterave fourragère
Des échanges entre experts de l’Institut de l’élevage (Idele), d’ARVALIS et des Chambres d’agriculture de Bretagne et de Pays de la Loire ont permis d’identifier deux leviers d’autonomie protéique adaptés au contexte de production. Ces leviers sont choisis de sorte à maintenir l’effectif, la production de lait et la gestion du troupeau3. La gestion du pâturage est aussi inchangée :
- L’introduction de l’affouragement en vert du 1er mars au 30 novembre. La surface de prairie temporaire augmente - par le semis de 12 hectares d’une prairie multiespèces - au détriment d’une partie de la sole de blé et de maïs ensilage, pour respectivement 5 et 7 ha. L’autonomie protéique monte à 75 % (+ 12 points).
- L’introduction de luzerne pour environ 8,5 ha et de 3 ha de betterave fourragère, en réduisant partiellement les surfaces de blé et de maïs ensilage, de 3,5 et 8 ha respectivement. La luzerne est ensilée. L’autonomie protéique s’améliore de 14 points : elle grimpe à 77 %.
L’affouragement en vert requière l’achat d’une machine dédiée. L’introduction de luzerne et de betterave fourragère nécessite l’achat de matériel ou le recours à la prestation pour la conduite des cultures et le nettoyage des betteraves fourragères. Ces leviers reposent sur la réussite technique de leur conduite.
Baisse de la fertilisation azotée minérale, de l’IFT et des émissions de gaz à effet de serre
L’introduction de l’affouragement en vert diminue les émissions de gaz à effet de serre (GES) : de 5 % pour les productions animales et de 6 % pour les productions végétales. En lien, la fertilisation minérale diminue de 3 kg/ha/an, pour s’établir à 69 kg/ha/an. L’indice de fréquence de traitement (IFT) baisse fortement : - 23 %.
L’introduction de luzerne et de betterave fourragère réduit les émissions de GES des productions animales de 5 % et celles des productions végétales de 10 %. Entre autres explications, la fertilisation minérale diminue de 16 kg N/ha/an. L’IFT se réduit de 13 %.
La charge de travail augmente
En contrepartie de ces bienfaits environnementaux, la charge de travail augmente sensiblement : + 10 jours par an, à raison de 8 heures par jour, pour le levier luzerne et betterave, + 16 jours par an pour l’affouragement en vert.
La consommation de carburant est stable pour l’affouragement en vert mais augmente pour le levier combinant luzerne et betterave fourragère.
Un EBE stable ou en hausse mais un résultat courant miné par la mécanisation
Les indicateurs économiques ont été calculés au regard de trois conjonctures de prix :
- année 2020, correspondant à un niveau de prix intermédiaire ;
- année 2022 : prix hauts pour l’approvisionnement et la vente ;
- « effet ciseaux » : projection avec des prix de vente en baisse (2021) et des prix d’approvisionnement hauts (2022).
L’excédent brut d’exploitation (EBE) de la simulation avec affouragement en vert est stable ou en hausse (+ 4 %) par rapport à la situation initiale, selon la conjoncture de prix. Le produit issu de la vente des cultures diminue mais les charges opérationnelles aussi. En revanche, les charges de mécanisation et l’amortissement augmentent avec l’achat de l’autochargeuse équipée d’une faucheuse, ce qui induit une baisse de résultat courant de 5 à 7 %. Une augmentation de la rémunération, comme plus-value à l’autonomie protéique, de 11 €/1 000 l lait permettrait de compenser la baisse de résultat courant.
L’EBE de la combinaison de leviers est stable quelle que soit la conjoncture : le produit et les charges évoluent de façon similaire. Il est à noter que l’introduction de luzerne et betterave fourragère dans la ration améliore la qualité du lait (taux butyreux et protéique) et donc sa rémunération.
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1 Cap Protéines est le volet de recherche-développement du Plan Protéines 2030 – la traduction dans France Relance que la souveraineté protéique est devenue un enjeu stratégique national.
2 Pour mesurer l’évolution des performances de cette ferme-type, les outils SYSTERRE, SIMULBOX, CAP2ER® et DEVAUTOP ont été utilisés.
3 La gestion de troupeau se caractérise notamment par le nombre et type d’animaux, ou la durée de leur présence sur l’exploitation.
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