Résultats d’essais

L’autonomie protéique en élevage bovin : une rentabilité dépendante du contexte économique

En polyculture-élevage bovin, les leviers en faveur de l’autonomie protéique améliorent le bilan environnemental mais augmentent souvent la charge de travail. L’impact économique dépend des leviers activés et du contexte de prix, selon les simulations réalisées dans le cadre du projet Cap Protéines¹ sur quatre systèmes d’élevage bovin.

Paysage avec vaches

Les références agronomiques et zootechniques ne suffisent pas aux éleveurs pour se projeter dans l’amélioration de leur autonomie protéique. Pour pallier ce frein, des simulations évaluent les impacts techniques, environnementaux, économiques et organisationnels de leviers favorisant l’autonomie protéique sur quatre cas d’études basés sur les cas-types2 du réseau d’élevage Inosys :

Les systèmes avec une forte dominante herbagère n’ont pas été étudiés. Pour mener à bien cette étude portant sur des exploitations comprenant un atelier d’élevage et un atelier végétal, les outils SYSTERRE, SIMULBOX, CAP2ER® et DEVAUTOP ont été utilisés.

L’autonomie protéique améliorée sans modification de la conduite de troupeau

Les leviers sont choisis selon le contexte et les contraintes de l’exploitation, à effectifs d’animaux et production de lait et viande inchangés (équilibre des rations conservé). Ils portent donc exclusivement sur l’assolement. Une ou deux solutions, combinant un ou plusieurs leviers, sont évaluées pour chacun des quatre cas-types : introduction ou développement des surfaces de luzerne ou féverole, affouragement en vert, changements dans l’autoconsommation de céréales ou dans les modes d’exploitation des surfaces fourragères...

Les matières protéiques achetées sont substituées par des fourrages plus riches en protéines ou des protéagineux à graines, produits sur l’exploitation. Pour équilibrer la ration, davantage de céréales autoproduites sont consommées. Les surfaces pâturées restent inchangées, sauf pour le système naisseur.

Les solutions améliorent l’autonomie protéique de 6 à 46 points, avec parfois l’atteinte de l’autonomie protéique totale.

Davantage de travail mais un impact environnemental et carbone positif

Du fait du changement d’assolement et de ration, le temps de travail tend à augmenter, en particulier au champ.

Les cultures introduites sont fréquemment des légumineuses, qui fixent l’azote. Ainsi, la fertilisation azotée minérale diminue, donc les émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à la fabrication et l’application d’engrais aussi. Cela contrebalance les éventuelles hausses de GES pour le carburant et les autres intrants.

Les émissions de GES de la conduite des animaux se réduisent grâce à la baisse d’achats d’aliments. Les émissions liées à la fermentation entérique, la gestion des effluents et au carburant consommé pour l’alimentation et le curage sont globalement stables.

L’IFT diminue presque toujours.

Des effets variables sur l’économie de l’exploitation

Trois conjonctures de prix d’approvisionnement et de vente ont été retenues : prix hauts (2022), prix moyens (2020) et effet ciseaux.

Sur les 21 simulations (3 conjonctures de prix * 7 solutions) :

  • 4 améliorent le résultat courant par rapport à la situation initiale ;
  • 5 ont un impact neutre ;
  • tandis que les 12 autres détériorent la performance économique de l’exploitation. La baisse de produit issu des cultures vendues n’est compensée ni par celle des charges, ni par les aides couplées végétales, ni par l’éventuelle amélioration du revenu avec un lait de meilleure qualité.

Pour ces 12 situations, une prime de 15 €/1000 litres de lait pour les exploitations laitières, et de 0,13 €/kg de carcasse pour les systèmes engraisseurs, suffirait à compenser la baisse de revenu, voire à l’améliorer légèrement. Ce surcoût minime pour le consommateur permettrait de prendre en compte les risques inhérents au changement de pratiques, ainsi qu’une rémunération de l’accroît de temps de travail.

Une robustesse améliorée à l’échelle de l’exploitation

L’autonomie protéique augmente la robustesse économique en réduisant la dépendance aux intrants dont les coûts fluctuent : l’écart de résultat courant entre une année-prix « équilibrée » telle que 2020 et une année-prix à effet ciseaux se réduit lorsque des leviers d’autonomie protéique sont activés.

De même, la robustesse de l’exploitation face au changement climatique s’améliore, grâce à l’introduction de cultures plus tolérantes ou dont la production s’adapte mieux aux périodes de chaleur ou de sécheresse. La production fourragère est plus constante.

Vers un conflit d’usage des sols ?

L’amélioration de l’autonomie protéique extensifie le système, en mobilisant davantage de surfaces pour l’alimentation du troupeau au sein de la ferme, au détriment des cultures de vente, pour six des sept solutions étudiées.

Cette réallocation des surfaces vers l’élevage peut accroître la compétition sur l’usage des terres nationales avec l’alimentation humaine et réduire les exportations françaises. Dans le même temps, ces élevages contribuent à la souveraineté alimentaire française par la production locale et ont un meilleur bilan environnemental. Un dilemme à résoudre par un choix politique !

1 Cap Protéines est le volet de recherche-développement du Plan Protéines 2030 – la traduction dans France Relance que la souveraineté protéique est devenue un enjeu stratégique national.
2 Les cas-types sont des fermes virtuelles techniquement optimisées à partir des exploitations suivies dans le réseau coordonné par l’Institut de l’Elevage (Idele).

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