En bovin lait avec cultures, l’autonomie protéique améliore la robustesse face à la volatilité des prix

Le cas d’étude est une ferme reconstituée à partir des données du réseau d’élevage Inosys, optimisée dans le système « ferme laitière avec cultures de vente » en Normandie. Il présente une autonomie protéique initiale de 58 % : 58 %² des protéines consommées par les 96 vaches laitières et leur suite proviennent de l’exploitation de 190 hectares (figure 1).

Augmentation de la sole de féverole, renforcée ou non d’une augmentation de l’ensilage d’herbe et de l’introduction de maïs épi

Des échanges entre experts de l’Institut de l’élevage (Idele) et d’ARVALIS ont permis d’identifier deux leviers d’autonomie protéique adaptés au contexte de production. Ces leviers sont choisis de sorte à maintenir l’effectif, la production de lait et la gestion du troupeau³. La gestion du pâturage est aussi inchangée :

• L’agrandissement de la sole de féverole de printemps de 10 ha, en remplacement de l’orge d’hiver, qui disparaît. L’autonomie protéique monte à 76 % (+ 18 points) avec l’autoconsommation de la féverole.
• Le remplacement partiel des surfaces de céréales (- 11,5 ha de blé et disparition de l’orge) par de la féverole de printemps (+ 8,5 ha) et de la prairie temporaire (+ 14,5 ha), ainsi qu’une modification de la conduite du maïs. Initialement ensilé à 100 %, une partie est récoltée en maïs épi. De plus, une dérobée de ray-grass précède la moitié de la sole de maïs. L’autonomie est améliorée de 32 points grâce aux leviers combinés : elle atteint 90 %.

Ces deux leviers requièrent la maîtrise technique des nouvelles conduites ainsi que la disponibilité du matériel et de la main d’œuvre, en prestation ou non, pour la récolte des fourrages.

Baisse de la fertilisation azotée minérale et des émissions de gaz à effet de serre

L’augmentation de la seule sole de féverole entraîne une légère baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES) : de 5 % pour les productions végétales et de 3 % pour les productions animales, grâce à la réduction de l’achat de tourteau de colza. La substitution d’une céréale par un protéagineux permet de supprimer la fertilisation sur cette parcelle, soit une réduction de 9 kg N/ha/an à l’échelle de l’exploitation. Quant à l’indice de fréquence de traitement (IFT), il est identique à la situation initiale.

La combinaison de leviers incluant le maïs épi, la féverole de printemps et l’ensilage d’herbe réduit les émissions de GES des productions animales de 4 % et celles des productions végétales de 4 % également. En principale explication, la fertilisation minérale passe de 90 à 80 kg N/ha/an. L’IFT est réduit de presque 10 %.

Une charge de travail stable ou en hausse

La charge de travail augmente de 22 jours par an pour la combinaison de leviers, mais elle est stable pour la seule augmentation de la féverole, avec des journées de 8  heures. L’évolution de la consommation de carburant suit celle du temps de travail.

Une évolution des performances économiques variables selon le levier activé

Les indicateurs économiques ont été calculés au regard de trois conjonctures de prix :

• année 2020, correspondant à un niveau de prix intermédiaire ;
• année 2022 : prix hauts pour l’approvisionnement et la vente ;
• « effet ciseaux » : projection avec des prix de vente en baisse (2021) et des prix d’approvisionnement hauts (2022).

La modification de la ration fait baisser le taux protéique (TP), donc le prix du lait, de façon plus ou moins importante selon le levier.

L’excédent brut d’exploitation (EBE) de la simulation avec féverole de printemps est stable (- 1 %) ou en hausse (+ 4 %) par rapport à la situation initiale, selon la conjoncture de prix. Le produit issu de la vente des cultures se maintient. Les charges sont en hausse pour la conjoncture de 2020 alors qu’elles diminuent légèrement en contexte 2022 et effet ciseaux, par économie d’aliment bovin acheté.

Inversement, l’EBE de la combinaison de leviers est en recul de 3 % à 9 %. En effet, le produit brut de l’exploitation diminue légèrement pour les trois conjonctures de prix, principalement pour l’atelier végétal, alors que les charges opérationnelles sont stables. Les charges de mécanisation et l’amortissement augmentent.

Moins de sensibilité à la volatilité des prix

L’accroissement de la sole de féverole de printemps permet d’obtenir un revenu plus stable face aux variations de prix de marché pour les approvisionnements et les ventes : l’écart d’EBE entre l’année 2020 et la conjoncture « effet ciseaux » est deux fois plus faible que celui de la situation initiale.

Cette moindre sensibilité est encore plus marquée pour la combinaison de leviers : l’écart d’EBE devient trois fois plus faible qu’initialement.

Retour vers l'article de synthèse générale.

¹ Cap Protéines est le volet de recherche-développement du Plan Protéines 2030 – la traduction dans France Relance que la souveraineté protéique est devenue un enjeu stratégique national.
² Pour mesurer l’évolution des performances de cette ferme-type, les outils SYSTERRE, SIMULBOX, CAP2ER^® et DEVAUTOP ont été utilisés.
³ La gestion de troupeau se caractérise notamment par le nombre et type d’animaux, ou la durée de leur présence sur l’exploitation.