Stratégie fongicide sur blé dur : nos préconisations pour l’Ouest Occitanie
Raisonner la protection du blé dur contre les maladies passe par plusieurs étapes, ce qui revient à répondre à plusieurs questions : de quelles maladies doit-on se prémunir ? A quelle nuisibilité doit-on faire face ? Quel investissement prévoir pour combien de traitements a priori ? Comment ajuster le tir en cours de campagne ? Voici les éléments de réponse pour la région Ouest-Occitanie.
- De quelles maladies doit-on se prémunir de manière générale ?
- A quelle nuisibilité doit-on s’attendre ?
- Combien de traitement prévoir ?
- Quel investissement prévoir a priori ?
- Nos propositions de programmes fongicides
- Comment s’ajuster si la pression maladies augmente ou diminue ?
De quelles maladies doit-on se prémunir de manière générale ?
Dans la région, le blé dur est généralement affecté par la septoriose, la rouille brune et la fusariose des épis. La rouille brune est la maladie la plus nuisible historiquement. Elle arrive généralement tardivement, mais il suffit d’une petite attaque pour occasionner de gros dégâts. Il est donc nécessaire de ne pas négliger les protections tardives.
Quant à La septoriose, elle est de plus en plus présente. Elle arrive assez précocement, mais son développement est généralement ralenti par des épisodes de sécheresse. Certaines années, des dégâts peuvent être observés. A surveiller sur variétés sensibles.
Les fusarioses se développent fréquemment mais pas systématiquement sur les épis.
Au-delà des maladies fréquentes, il convient d’être vigilant car d’autres pathogènes peuvent survenir certaines années. C’est le cas de la rouille jaune, qui peut occasionner des dégâts non négligeables quand elle est installée. On peut également retrouver les maladies des pieds : rhizoctone, piétin verse, piétin échaudage et fusariose du plateau de tallage.
Pour rappel : les septorioses et les rouilles brunes sont assez spécifiques de l’espèce, ce qui veut dire que la rouille brune ou la septoriose du blé tendre n’attaque pas le blé dur, et inversement. Leur présence sur blé tendre n’est pas synonyme de présence sur blé dur, même sur des parcelles voisines.
A quelle nuisibilité doit-on s’attendre ?
La nuisibilité attendue est la conjonction de la nuisibilité moyenne, de la tolérance variétale aux maladies et du système de culture. Dans la région, la nuisibilité moyenne est autour de 20 q/ha, mais elle peut varier de 2 à plus de 40 q/ha selon les années et les variétés.
Figure 1 : Nuisibilité des variétés de blé dur dans le Sud-Ouest (moyenne 2013-2023)
Les effets variétaux sont fort, du simple au double avec les variétés cultivées actuellement. Cela va conditionner le niveau de protection et le nombre de passage à prévoir. Sur RGT Voilur et Canaillou, variétés naturellement tolérantes aux maladies, une protection plus faible est possible. A l’inverse, il faudra prévoir une protection plus conséquente sur Relief, plus sensible aux maladies.
Bien évidemment, certaines situations agronomiques sont favorables au développement précoce des maladies et augmentent la nuisibilité : semis précoces, sols limoneux, précédent paille favorable à la septoriose.
Combien de traitement prévoir ?
Dans la région, la protection des blés durs contre les maladies requiert généralement deux traitements, sur la dernière feuille (T2) et sur l’épi (T3) (figure 2). Lors d’une année où la pression parasitaire est forte et précoce ou en présence de variétés sensibles, la protection pourra s’appuyer sur un traitement supplémentaire courant montaison des blés (T1). En cas d’attaque de rouille jaune très précoce, ce traitement supplémentaire pourra être anticipé début montaison (T0).
Figure 2 : Les trois stratégies possibles de protection du blé dur contre les maladies dans le Sud-Ouest
Une protection de l’épi indispensable !
Sur blé dur, la tolérance à la fusariose des épis étant insuffisante, la protection de l’épi (T3) est quasi systématiquement nécessaire. Ce traitement permet de contrôler les fusarioses des épis et de maintenir un niveau de mycotoxines DON inférieur au seuil réglementaire (1500 ppb à partir de juillet 2024). Ce traitement tardif permet également de protéger les feuilles contre la rouille brune en fin de cycle. Ce positionnement est la protection minimale sur toutes les variétés.
Les fongicides à privilégier : avant ou après le début de la floraison (apparition des premières étamines), l’efficacité des molécules est réduite. Sur la cible Fusarium graminearum et Microdochium spp, seul le prothioconazole est efficace sur ces deux cibles. Il convient donc de garder cette molécule pour ce traitement et l’associer à d’autres triazole pour augmenter son efficacité si rouille brune.
A noter que, pour maintenir la qualité sanitaire, il convient d’éviter l’utilisation de l’azoxystrobine et de la picoxystrobine. En revanche, la fluoxastrobine (Fandango S) peut être utilisée en T3 pour lutter contre les fusarioses. Les résultats acquis ont montré que les effets négatifs observés sur la qualité sanitaire, du fait de l’utilisation des strobilurines à la floraison, étaient généralement absents ou peu marqués avec cette molécule.
Une protection à dernière feuille étalée à raisonner
La protection des feuilles au stade dernière feuille étalée (T2) est généralement nécessaire tous les ans pour protéger les trois dernières feuilles contre la septoriose et la rouille brune, et garantir un rendement optimal. Dans de très rares cas, il est possible de s’en passer lors d’années à très faible pression des maladies du feuillage et sur variétés tolérantes aux maladies. Il est assez difficile d’identifier les cas où cette protection pourrait être supprimée. Par contre, il est possible de la moduler en fonction de la pression.
Les fongicides à privilégier : à ce stade, les équilibres triazoles / SDHI / strobilurines amènent de très bonnes efficacités. Il est parfois possible de se passer de strobilurines mais, sur dominante rouille brune, elles restent les matières actives les plus efficaces.
Une protection précoce rarement utile
La protection précoce, au stade 2 nœuds (T1), n’est généralement pas nécessaire. Même sur de fortes nuisibilités, cette protection est rarement rentabilisée. Il faut en général plus de 35 q/ha de nuisibilité globale pour rentabiliser un T1, ce qui arrive moins d’une année sur 2 sur les variétés les plus sensibles aux maladies (et qui n’arrive jamais sur les autres variétés). Des économies sont donc possibles, mais un ajustement doit être réalisé en fonction de la sensibilité variétale et de la pression de l’année.
Ce traitement vise essentiellement une arrivée précoce de septoriose et de rouille brune. Avant le stade 2 nœuds, une intervention contre la rouille brune ou la septoriose n’a jamais montré d’intérêt.
Les fongicides à privilégier : à 2 nœuds, en présence uniquement de septoriose, plusieurs solutions sont possibles : 100 % biocontrôle (soufre, phosphonate), biocontrôle associé à du folpel, ou encore une triazole efficace. En présence simultanée de septoriose et de rouille brune à ce stade, on privilégiera une association de triazole avec du folpel.
En cas d’attaques de rouille jaune très précoces, un traitement est recommandé avant le stade 2 nœuds (T0) mais pas avant épi 1 cm. Les produits à base de triazoles ont une efficacité très satisfaisante sur cette cible. Ils peuvent être complétés éventuellement par une strobilurine.
Quel investissement prévoir a priori ?
En reprenant l’ensemble des courbes de réponses aux fongicides en blé dur, il est possible de calculer l’optimum technico-économique en fonction de la nuisibilité. Pour cela, on résonne en gain net (en retranchant le prix des produits appliqués). Il faut donc prendre en compte les prix attendus du blé dur (en moyenne entre 280 et 350 €/t ces dernières années). Plus le prix du blé dur est haut, plus l’optimum technico-économique va être élevé. A l’inverse, si le prix est attendu bas, seul les programmes à très bon rapport production/prix seront privilégiés.
Tableau 1 : Enveloppe fongicide optimale en fonction de la nuisibilité attendue et du prix du blé dur attendu
Ce qui diffère par rapport au blé tendre, c’est qu’il y a une enveloppe minimum, même en faible nuisibilité, du fait de la protection fusariose nécessaire et du minimum d’investissement pour contrôler la rouille brune. Mais à l’inverse, sur des nuisibilités importantes, l’enveloppe à investir n’est pas aussi élevée qu’en blé tendre car la rouille brune est généralement bien gérée avec des doses de fongicides modestes et la septoriose est largement limitée à ces niveaux d’investissement.
Nos propositions de programmes fongicides
En croisant l’ensemble des paramètres essentiels à la construction d’un programme de protection contre les maladies : variétés, maladies fréquentes, nuisibilité habituelle, nombre de traitement, investissement à envisager, nos propositions de programme de protection sont disponibles en téléchargement.
Elles prennent en compte les recommandations inscrites dans la note commune Inrae, ARVALIS, Anses pour limiter le développement de résistance : pas plus d’un SDHI et d’une strobilurine par an, alterner les triazoles au cours de la saison (éviter d’utiliser 2 fois la même matière active), privilégier les molécules les plus efficaces contre les maladies présentes.
CANAILLOU, RGT VANUR, ROCAILLOU, RGT BELALUR, RGT VOILUR, CASTELDOUX, ANVERGUR sont quelques variétés cultivées dans le Sud-Ouest qui ont un profil plutôt tolérant aux maladies. Sur ces variétés, la nuisibilité attendue se situe entre 10 et 25 q/ha, ce qui correspond à un investissement optimal a priori entre 80 et 105 €/ha. Pas de traitement précoce à prévoir (T1), excepté sur CASTELDOUX si septoriose et sur ANVERGUR si année à très forte pression.
Les variétés MIRADOUX et RELIEF sont plutôt sensibles aux maladies. Sur ces variétés, la nuisibilité attendue se situe entre 30 et 40 q/ha, ce qui correspond à un investissement optimal a priori entre 110 et 140 €/ha. Un traitement précoce (T1) est à prévoir 4 années sur 10.
Tableau 2 : Nuisibilité moyenne des maladies (en q/ha) sur blé dur selon la variété
Efficacités par maladie des fongicides et association de fongicides des programmes blé dur
Dans les propositions de programme, les solutions proposées sont techniquement comparables. Il existe cependant quelques nuances en fonction de la maladie visée.
Comment s’ajuster si la pression maladies augmente ou diminue ?
Tous les points précédents permettent de construire un programme de protection a priori. Il est important de l’ajuster en fonction de l’évolution des maladies à la baisse ou à la hausse. Généralement, l’investissement calculé a priori s’ajuste de plus ou moins 40 €/ha.
En fonction des observations et des maladies, il existe des seuils d’intervention. En dessous de ces seuils, la maladie n’est pas une problématique technico-économique et le retour sur investissement n’est pas assuré. A l’inverse, quand les seuils sont dépassés, la nuisibilité doit être levée.
Pour suivre l’évolution des maladies en cours de campagne, consultez le bulletin de santé du végétal de votre zone : Midi-Pyrénées ou Languedoc.
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