Stratégie « fongicides » sur blé dur : nos préconisations pour le Centre et l’Ile-de-France
Raisonner la protection du blé dur contre les maladies passe par plusieurs étapes, ce qui revient à répondre à plusieurs questions : de quelles maladies doit-on se prémunir ? A quelle nuisibilité doit-on faire face ? Quel investissement prévoir pour combien de traitements a priori ? Comment ajuster le tir en cours de campagne ? Voici les éléments de réponse pour les régions Centre-Val de Loire et Ile-de-France.
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Préconisations ARVALIS pour le choix de programme fongicides par bassin de production :
> Bassin Centre
> Bassin Sud-Ouest
> Bassin Sud-Est
A lire dans cet article :
- De quelles maladies doit-on se prémunir dans notre bassin de production ?
- A quelle nuisibilité doit-on s’attendre ?
- Combien de traitement prévoir ?
- Quel investissement prévoir a priori ?
- Nos propositions de programmes fongicides
- Comment ajuster son programme prévisionnel à la pression maladie de l’année ?
De quelles maladies doit-on se prémunir dans notre bassin de production ?
Dans le Centre et l’Ile-de-France, le blé dur est généralement affecté par la septoriose, la rouille brune, parfois la rouille jaune, et en fin de cycle par les fusarioses sur épis (figure 1).
Pour rappel : les septorioses et les rouilles brunes sont assez spécifiques de l’espèce, ce qui veut dire que ni la rouille brune, ni la septoriose du blé tendre n’attaquent le blé dur, et inversement. Leur présence sur blé tendre n’est pas synonyme de présence sur blé dur, même sur des parcelles voisines.
A quelle nuisibilité doit-on s’attendre ?
La nuisibilité attendue est la conjonction de la nuisibilité moyenne, de la tolérance variétale aux maladies et du système de culture. Dans nos régions, la nuisibilité moyenne s’élève à 9,5 q/ha. Cette moyenne cache une grande hétérogénéité et peut varier de 0 à presque 40 q/ha selon les années et les variétés (figure 2). Nous avons rencontré notamment des nuisibilités très élevées en 2012 (fusarioses) et 2014 (forte attaque de rouille jaune) et, à l’inverse, des nuisibilités beaucoup plus faibles (quasi nulles) lors des campagnes 2022 et 2023.
*Année 2016 : l’écart T-NT mesuré dans les essais sous-estime largement la nuisibilité réelle de l’année car les protections fongicides n’ont pas permis de maintenir le potentiel de rendement en situations traitées.
# : Aucune donnée acquise sur cet essai
De forts effets variétaux
Au-delà du facteur climatique de l’année, imprévisible a priori, et de la situation agronomique de la parcelle, la variété joue un rôle essentiel dans la lutte contre les maladies. La variété conditionne dès le départ la nuisibilité maximale atteignable dans la parcelle, et par conséquent le niveau de protection et le nombre de passages à prévoir. Globalement, dans notre bassin de production, un grand nombre de variétés ont un comportement satisfaisant vis-à-vis des maladies.
Les variétés RGT KAPSUR et ROCAILLOU ont une très bonne tolérance aux maladies du feuillage (rouille jaune, rouille brune et septoriose). Une protection minimale est possible au stade début floraison. Les références RGT VOILUR, ANVERGUR et RGT BELALUR, variétés au comportement intermédiaire, nécessiteront une surveillance et une protection adaptées. Les inscriptions récentes (2024), CABAYOU et RGT INSIEMUR, nous invitent à rester vigilants. Leurs comportements seront à surveiller sur la campagne 2025, avec pour la première un profil maladies plutôt bon, et pour la deuxième, une sensibilité à la septoriose confirmée en 2024.
Par ailleurs, un contournement de résistance est toujours possible, y compris sur des variétés plus anciennes. La vigilance reste de mise.
Lire aussi : « Blé dur : comment se comportent les variétés face aux maladies en région Centre / Ile-de-France »
Se prémunir en activant les leviers agronomiques avant le semis
La gestion des maladies fongiques repose sur la mise en œuvre de leviers agronomiques adaptés aux principales maladies rencontrées dans notre bassin de production. En plus du choix variétal, qui est de loin le premier levier agronomique, il est possible de jouer sur la rotation, le travail du sol, l’enfouissement et/ou le broyage de résidus, le précédent, la date et la densité de semis ou encore la maîtrise de la fertilisation azotée.
Lire aussi : « Maladies des céréales : activer tous les leviers agronomiques pour gérer le risque »
Combien de traitement prévoir ?
Dans notre région, la protection des blés durs contre les maladies requiert généralement deux traitements, l’un à dernière feuille étalée et l’autre à épiaison-floraison (figure 3). Lors d’une année où la pression parasitaire est forte et précoce ou en présence de variétés sensibles, la protection pourra s’appuyer sur un traitement supplémentaire courant montaison des blés. En cas d’attaque de rouille jaune très précoce ou de présence de piétin-verse, ce traitement supplémentaire pourra être anticipé début montaison.
Une protection de l’épi indispensable !
Sur blé dur, la tolérance variétale aux fusarioses des épis étant limitée, une intervention au stade épiaison/floraison est quasi systématiquement nécessaire pour assurer une protection des épis et également du feuillage (septoriose et rouille brune). Ce traitement permet de contrôler notamment les fusarioses des épis et donc de maintenir un niveau de mycotoxines (DON) inférieur au seuil réglementaire (1500 ppb à partir du 1er juillet 2024). Quelle que soit la variété, cette intervention constitue la protection minimale.
Les solutions à privilégier : Avant ou après le début de la floraison (apparition des premières étamines), l’efficacité des molécules est réduite. Sur les cibles Fusarium graminearum et Microdochium spp, seul le prothioconazole est efficace sur ces deux cibles. Il convient donc de garder cette molécule pour ce traitement et l’associer à d’autres triazoles pour augmenter son efficacité si rouille brune. Notre préférence va vers les solutions de type PROSARO ou KESTREL, efficaces sur Microdochium (réduction possible de la moucheture), Fusarium (réduction du DON).
Si la pression est faible (sécheresse autour de la floraison et variété peu sensible), on peut réduire la dose de PROSARO (0,6 l/ha) ou celle du KESTREL (0,5 l/ha).
Une protection à dernière feuille à raisonner
Le traitement au stade dernière feuille étalée est le pivot de la protection des blés durs dans notre bassin de production. Ce traitement vise la rouille brune lorsqu’elle est précoce, la septoriose sur les variétés les plus sensibles, et éventuellement Microdochium nivale sur feuilles. Le stade exact du traitement et la dose du produit est à adapter à la pression parasitaire : variété, année, maladies en présence. L’impasse de ce traitement est possible sur variétés peu sensibles aux maladies foliaires et/ou une année à faible pression (2019 par exemple).
Les solutions à privilégier : Au stade dernière feuille étalée, des associations triazoles / SDHI (voire strobilurine) ou triazoles / fenpicoxamide amènent à de très bonnes efficacités sur le complexe des maladies généralement rencontré dans notre bassin de production.
Une protection précoce très rarement utile
Une intervention précoce, au stade 2 nœuds du blé dur, est exceptionnelle dans notre bassin de production. Même avec de fortes nuisibilités, cette protection est rarement rentabilisée. Il faut pour cela, atteindre une forte nuisibilité, comme ce fut le cas en 2007 où la rouille brune a été exceptionnellement précoce, et en 2014 avec l’apparition précoce et virulente de la rouille jaune. Bien sûr, cela ne concernait que les variétés les plus sensibles.
Dans le cas d’une arrivée précoce de ces maladies, il est indispensable de prendre en compte les seuils d’intervention suivants :
- Rouille brune et septoriose : aucune intervention n’a jamais montré d’intérêt technico-économique avant le stade 2 nœuds
- Rouille jaune :
- Ne pas intervenir sur variétés résistantes (note > 6) avant le stade 2 nœuds
- Sur variétés sensibles (note ≤ 6 : MIRADOUX, RELIEF) : uniquement en présence de foyers actifs au stade épi 1 cm et dès les premières pustules au stade 1 nœud
Les solutions à privilégier : En cas d’attaques précoces de rouille jaune, les produits à base de triazoles ou des associations triazoles + strobilurines ont une bonne efficacité sur cette cible. Privilégier une solution à base de metconazole afin de conserver les autres triazoles pour les interventions suivantes (notamment la protection de l’épi).
Si présence d'oïdium sur le blé (variétés sensibles) : ajouter au premier traitement une demi-dose d'une spécialité efficace sur cette maladie : Nissodium par exemple, en vérifiant que le mélange soit autorisé (consultez notre OAD gratuit).
Quel investissement fongicides prévoir a priori ?
En reprenant l’ensemble des courbes de réponses aux fongicides en blé dur, il est possible de calculer l’optimum technico-économique en fonction de la nuisibilité. Pour cela, on résonne en gain net (en retranchant le prix des produits appliqués). Il faut donc prendre en compte les prix attendus du blé dur (en moyenne entre 280 et 350 €/t ces dernières années). Plus le prix du blé dur est haut, plus l’optimum technico-économique va être élevé. A l’inverse, si le prix est attendu bas, seuls les programmes à très bon rapport production/prix seront privilégiés.
Nos propositions de programmes fongicides
En croisant l’ensemble des paramètres essentiels à la construction d’un programme de protection contre les maladies : variétés, maladies fréquentes, nuisibilité habituelle, nombre de traitement, investissement à envisager, voici nos propositions de programmes. Elles sont adaptées au contexte régional, c’est-à-dire aux maladies et leurs nuisibilités généralement rencontrées dans notre bassin de production. En aucun cas ces programmes ne pourraient être considérés comme exhaustifs et les produits indiqués exclusifs.
Ces programmes prennent en compte les recommandations inscrites dans la note commune INRAE, ARVALIS, ANSES pour limiter le développement de résistances et préserver l’efficacité des matières actives : pas plus d’un SDHI et d’une strobilurine par an, alterner les triazoles au cours de la saison (éviter d’utiliser 2 fois la même matière active), privilégier les molécules les plus efficaces contre les maladies présentes.
L’alternance des matières actives est illustrée par le jeu de couleurs suivant :
- En vert : les SDHI
- En rose : les strobilurines
- En marron : les triazoles
- En bleu : le prothioconazole
- En rouge : la fenpicoxamide (QiI)
- En noir : les matières actives n’appartenant à aucune des familles citées précédemment
Eviter d’intervenir 2 fois avec la même matière active ou la même spécialité
* les prix sont donnés à titre indicatif
(1) doses à adapter à la pression de rouille brune ou de septoriose
Dans le cas de forte pression de septoriose (tritici), préférer les solutions à base de SDHI
Eviter d’intervenir 2 fois avec la même matière active ou la même spécialité
* les prix sont donnés à titre indicatif
Eviter d’intervenir 2 fois avec la même matière active ou la même spécialité
* les prix sont donnés à titre indicatif
En cas de piétin verse : Intervenir avec 0,4 l/ha de Flexity (26 €/ha) entre épi 1 cm et 2 nœuds, puis opter pour les programmes 1 ou 2 selon la pression maladies de l’année.
Comment ajuster son programme prévisionnel à la pression maladie de l’année ?
Tous les points précédents permettent de construire un programme de protection a priori. Il est important de l’ajuster à la baisse ou à la hausse, en fonction de l’évolution des maladies en cours de campagne. Généralement, l’investissement calculé a priori s’ajuste de plus ou moins 40 €/ha. Cet ajustement prend en compte le contexte parcellaire et climatique ainsi que la pression réelle des maladies.
En fonction des observations et des maladies, il existe des seuils d’intervention. En dessous de ces seuils, la maladie n’est pas une problématique technico-économique et le retour sur investissement n’est pas assuré.
Pour connaître le niveau de tolérance de vos variétés, consultez les fiches variétés d'ARVALIS.
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