Stratégie fongicide sur blé dur : nos préconisations pour le bassin méditerranéen
Raisonner la protection du blé dur contre les maladies passe par plusieurs étapes, ce qui revient à répondre à plusieurs questions : de quelles maladies doit-on se prémunir ? A quelle nuisibilité doit-on faire face ? Quel investissement prévoir pour combien de traitements a priori ? Comment ajuster le tir en cours de campagne ? Voici les éléments de réponse pour les régions Est-Occitanie et PACA.
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Préconisations ARVALIS pour le choix de programme fongicides par bassin de production :
> Bassin Centre
> Bassin Ouest Océan
> Bassin Sud-Ouest
> Bassin Sud-Est
A lire dans cet article :
- De quelles maladies doit-on se prémunir de manière générale ?
- A quelle nuisibilité doit-on s’attendre ?
- Combien de traitement prévoir ?
- Quel investissement prévoir a priori ?
- Nos propositions de programmes fongicides
- Comment s’ajuster si la pression maladies augmente ou diminue ?
De quelles maladies doit-on se prémunir de manière générale ?
Dans le Sud-Est, on retrouve comme principales maladies fongiques la septoriose, la rouille brune, l’oïdium et la fusariose des épis. Le contexte climatique de chaque année influence leur développement et leur nuisibilité.
La rouille brune est la maladie la plus nuisible historiquement dans la région. Elle arrive généralement tardivement en fin de cycle, mais peut arriver parfois courant montaison, surtout sur des variétés plus sensibles. Il suffit d’une petite attaque pour occasionner de gros dégâts. La rouille brune est une maladie à traiter rapidement.
Quant à la septoriose, elle arrive généralement assez précocement, mais son développement est souvent ralenti par des épisodes de sécheresse. Certaines années, elle peut provoquer des dégâts importants. A surveiller sur variétés sensibles.
La fusariose des épis est présente lors de fin de cycle pluvieux. La dernière attaque importante remonte à 2018. Elle est plus fréquente dans les secteurs tardifs tels que les Alpes-de-Haute-Provence.
Au-delà de ces maladies fréquentes, il convient d’être vigilant car d’autres pathogènes peuvent survenir. C’est le cas de la rouille jaune qui peut occasionner des dégâts non négligeables quand elle est installée. L’oïdium peut être problématique également le long du littoral méditerranéen et particulièrement en Camargue. On retrouve également les maladies des pieds : piétin verse, piétin échaudage et fusariose du plateau de tallage, qui sont visibles presque chaque année.
Pour rappel : les septorioses et les rouilles brunes sont assez spécifiques de l’espèce, ce qui veut dire que la rouille brune ou la septoriose du blé tendre n’attaque pas le blé dur, et inversement. Leur présence sur blé tendre n’est pas synonyme de présence sur blé dur, même sur des parcelles voisines.
A quelle nuisibilité doit-on s’attendre ?
La nuisibilité attendue est la conjonction de la nuisibilité moyenne, de la tolérance variétale aux maladies et du système de culture. Dans la région, la nuisibilité moyenne est autour de 13 q/ha, mais elle peut varier de 8 à plus de 25 q/ha selon les années et les variétés.
Figure 1 : Nuisibilité des variétés de blé dur dans le Sud-Est (moyenne 2013-2023)
Les effets variétaux sont forts, du simple au double avec les variétés cultivées actuellement. Cela va conditionner le niveau de protection et le nombre de passage à imaginer. Il faudra prévoir une protection plus faible sur CLAUDIO et CANAILLOU, variétés naturellement tolérantes aux maladies. A l’inverse, une protection plus conséquente sera à prévoir sur RELIEF, plus sensible aux maladies.
Bien évidemment, certaines situations agronomiques sont favorables au développement précoce des maladies et augmentent la nuisibilité (semis précoces, sols limoneux, précédent paille favorable à la septoriose).
Combien de traitement prévoir ?
Dans la région, la protection des blés durs contre les maladies requiert généralement deux traitements, sur la dernière feuille (T2) et sur l’épi (T3) (figure 2). Lors d’une année où la pression parasitaire est forte et précoce ou en présence de variétés sensibles, la protection pourra s’appuyer sur un traitement supplémentaire courant montaison des blés (T1). En cas d’attaque de rouille jaune très précoce, ce traitement supplémentaire pourra être anticipé début montaison (T0).
Figure 2 : Les trois stratégies possibles de protection du blé dur contre les maladies dans le Sud-Est
Une protection de l’épi indispensable !
Sur blé dur, la tolérance à la fusariose des épis étant insuffisante, la protection de l’épi (T3) est quasi systématiquement nécessaire. Ce traitement permet de contrôler les fusarioses des épis et de maintenir un niveau de mycotoxines DON inférieur au seuil réglementaire (1500 ppb à partir de juillet 2024). Ce traitement tardif permet également de protéger les feuilles contre la rouille brune en fin de cycle. Ce positionnement est la protection minimale sur toutes les variétés. En cas de très faible pression maladie, ce seul traitement peut être suffisant et se positionne entre le stade épiaison et floraison.
Les fongicides à privilégier : avant ou après le début de la floraison (apparition des premières étamines), l’efficacité des molécules est réduite. Sur la cible Fusarium graminearum et Microdochium spp, seul le prothioconazole est efficace sur ces deux cibles. Il convient donc de garder cette molécule pour ce traitement et l’associer à d’autres triazole pour augmenter son efficacité si rouille brune.
A noter que, pour maintenir la qualité sanitaire, il convient d’éviter l’utilisation de l’azoxystrobine et de la picoxystrobine. En revanche, la fluoxastrobine (Fandango S) peut être utilisée en T3 pour lutter contre les fusarioses. Les résultats acquis ont montré que les effets négatifs observés sur la qualité sanitaire, du fait de l’utilisation des strobilurines à la floraison, étaient généralement absents ou peu marqués avec cette molécule.
Une protection à dernière feuille étalée à raisonner
La protection des feuilles au stade dernière feuille étalée (T2) est généralement nécessaire pour protéger les trois dernières feuilles contre la septoriose et la rouille brune, et garantir un rendement optimal (pas avant pour éviter qu’une partie de la dernière feuille ne soit pas protégée). Cette protection est rentabilisée assez souvent. Il est possible de s’en passer les années à très faible pression, comme en 2023, et sur variétés tolérantes aux maladies.
Les fongicides à privilégier : à ce stade, les équilibres triazoles / SDHI / strobilurines amènent de très bonnes efficacités. Il est parfois possible de se passer de strobilurines mais, sur dominante rouille brune, elles restent les matières actives les plus efficaces.
Une protection précoce rarement utile
La protection précoce, au stade 2 nœuds (T1), est rarement nécessaire. Même sur de forte nuisibilité, cette protection est rarement rentabilisée. Il faut en général plus de 35 q/ha de nuisibilité globale pour rentabiliser un T1, ce qui arrive rarement, y compris sur les variétés les plus sensibles aux maladies.
Ce traitement vise essentiellement une arrivée précoce de septoriose et de rouille brune au stade 2 nœuds (F2 définitive pointante, permettant une protection complète de la feuille « tremplin » F3 définitive). Avant ce stade, une intervention contre la rouille brune ou la septoriose n’a jamais montré d’intérêt.
Les fongicides à privilégier : à 2 nœuds, en présence uniquement de septoriose, plusieurs solutions sont possibles : 100 % biocontrôle (soufre, phosphonate), biocontrôle associé à du folpel, ou encore une triazole efficace. En présence simultanée de septoriose et de rouille brune à ce stade, on privilégiera une association de triazole avec du folpel.
En cas d’attaques de rouille jaune très précoces, un traitement est recommandé avant le stade 2 nœuds (T0) mais pas avant épi 1 cm. Les produits à base de triazoles ont une efficacité très satisfaisante sur cette cible. Ils peuvent être complétés éventuellement par une strobilurine.
Quel investissement prévoir a priori ?
En reprenant l’ensemble des courbes de réponses aux fongicides en blé dur, il est possible de calculer l’optimum technico-économique en fonction de la nuisibilité. Pour cela, on résonne en gain net (en retranchant le prix des produits appliqués). Il faut donc prendre en compte les prix attendus du blé dur (en moyenne entre 280 et 350 €/t ces dernières années). Plus le prix du blé dur est haut, plus l’optimum technico-économique va être élevé. A l’inverse, si le prix est attendu bas, seul les programmes à très bon rapport production/prix seront privilégiés.
Tableau 1 : Enveloppe fongicide optimale en fonction de la nuisibilité attendue et du prix du blé dur attendu
Ce qui diffère par rapport au blé tendre, c’est qu’il y a une enveloppe minimum, même en faible nuisibilité, du fait de la protection fusariose nécessaire et du minimum d’investissement pour contrôler la rouille brune. Mais à l’inverse, sur des nuisibilités importantes, l’enveloppe à investir n’est pas aussi élevée qu’en blé tendre car la rouille brune est généralement bien gérée avec des doses de fongicides modestes et la septoriose est largement limitée à ces niveaux d’investissement.
Nos propositions de programmes fongicides
En croisant l’ensemble des paramètres essentiels à la construction d’un programme de protection contre les maladies : variétés, maladies fréquentes, nuisibilité habituelle, nombre de traitement, investissement à envisager, nos propositions de programme de protection sont disponibles en téléchargement.
Elles prennent en compte les recommandations inscrites dans la note commune Inrae, ARVALIS, Anses pour limiter le développement de résistance : pas plus d’un SDHI et d’une strobilurine par an, alterner les triazoles au cours de la saison (éviter d’utiliser 2 fois la même matière active), privilégier les molécules les plus efficaces contre les maladies présentes.
CANAILLOU, CLAUDIO, RGT VOILUR, RGT BELALUR, CASTELDOUX, ROCAILLOU, RGT VANUR, RGT AVENTADUR, ANVERGUR sont des variétés plutôt tolérantes aux maladies. Sur ces variétés, la nuisibilité attendue se situe entre 5 et 15 q/ha, ce qui correspond à un investissement optimal entre 75 et 100 €/ha. Pas de traitement précoce (T1) à prévoir a priori, excepté sur CASTELDOUX en cas de septoriose et ANVERGUR si année à très forte pression.
Sur variétés plutôt sensibles, comme MIRADOUX et RELIEF, la nuisibilité attendue se situe entre 20 et 35 q/ha, soit un investissement optimal entre 105 et 135 €/ha. Sur ces variétés, un T1 est à prévoir 4 années sur 10.
Tableau 2 : Nuisibilité moyenne des maladies (en q/ha) sur blé dur selon la variété
Dans les propositions de programme, les solutions proposées sont techniquement comparables. Il existe cependant quelques nuances en fonction de la maladie visée.
Comment s’ajuster si la pression maladies augmente ou diminue ?
Tous les points précédents permettent de construire un programme de protection a priori. Il est important de l’ajuster en fonction de l’évolution des maladies à la baisse ou à la hausse. Généralement, l’investissement calculé a priori s’ajuste de plus ou moins 40 €/ha.
En fonction des observations et des maladies, il existe des seuils d’intervention. En dessous de ces seuils, la maladie n’est pas une problématique technico-économique et le retour sur investissement n’est pas assuré. A l’inverse, quand les seuils sont dépassés, la nuisibilité doit être levée.
Pour suivre l’évolution des maladies en cours de campagne, consultez le bulletin de santé du végétal de la zone Arc Méditerranéen.
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