Blé tendre : miser sur le fractionnement des apports d’azote
Viser une efficacité maximale de l’azote doit toujours être une finalité, en particulier cette année au vu du contexte sur la flambée du prix des engrais, où chaque unité compte. Plusieurs points sont importants dans cette logique : valoriser au mieux les apports selon les conditions météo, fractionner en fonction de la dynamique d’absorption de l’azote par la plante, diagnostiquer et piloter avec les outils numériques.
Au final, l’optimum technico-économique bouge peu cette année, compte tenu du prix des céréales
En octobre 2021, un tableau a été diffusé, illustrant la déformation de l’optimum technique des doses d’azote à apporter selon deux critères économiques : le prix de l’azote et le prix du blé (synthèse des courbes de réponse à l’azote réalisées en région).
Les prix actuels du blé tendre pour cette campagne se maintiennent à des niveaux rémunérateurs, l’optimum technico-économique bouge donc peu : quelques unités en jeu dans une logique rendement, pas d’écart si on intègre un objectif de qualité du blé (seuil minimum pour les protéines).
Dans cette analyse, la vigilance sera particulièrement pour l’année prochaine en espérant que « l’effet ciseau » sera le plus faible possible (ratio entre prix de l’azote et du blé).
Rappel des bonnes conditions de valorisation de l’azote
A tallage, le critère essentiel d’une bonne valorisation de l’azote est la vitesse de croissance de la plante, c’est-à-dire la température. Les conditions actuelles de février sont favorables avec des températures non gélives et légèrement supérieures à la normale.
Lors de la montaison, l’efficacité de l’azote est principalement liée aux pluies, le critère idéal ressortant de l’analyse des essais étant d’essayer de viser un apport avec 15 mm de pluies dans les 15 jours suivant l’épandage. D’autres critères interviennent également comme le vent, les formes d’azote selon le type de sol.
Même si un apport dans des conditions relativement sèches présentera une certaine efficacité (50-70 % = pour 100 unités apportées, 50 à 70 unités seront valorisées), l’azote ne sera pas totalement valorisé et des pertes auront lieu (volatilisation par exemple).
Les clés de réussites sont donc de ne pas hésiter à anticiper mais aussi retarder (plus ou moins 10-15 jours) les apports par rapport aux stades visées (épi 1 cm / dernière feuille étalée) selon les conditions météo. Il y a, dans tous les cas, une part résiduelle d’incertitude dans le raisonnement, compte tenu de la fiabilité des prévisions météo…
Fractionner et piloter permettent de gagner en efficacité
Le fractionnement de l’azote en trois ou quatre passages permet de coller au plus proche de la dynamique d’absorption de l’azote par la plante, et donc de limiter qu’une dose importante à un stade donné ne soit pas complément valorisée et soit soumise à des pertes.
L’apport à tallage permet de commencer la nutrition des plantes en complément des fournitures du sol. Cet apport présente un intérêt en cas de faibles/moyens reliquats sortie hiver (RSH) ou en anticipation de conditions plus sèches à montaison amenant à des carences précoces.
Rappelons tout de même qu’à ce stade :
- la capacité de rattrapage des céréales d’hiver est importante, avec des compensations possibles en lien avec plus ou moins de régressions de tiges dans la montée à épis, plus ou moins de grains dans les épis et plus ou moins de PMG (poids de mille grains). Les fortes doses d’azote au moment du tallage n’ont aucun effet sur le nombre de talles mis en place. Par contre, elles ont pour conséquence de prolonger la croissance de talles secondaires qui ne monteront pas à épis (consommant eau et azote au détriment des talles principales).
- les besoins en azote des plantes sont faibles (environ 50 kg/ha). Ils sont très liés à la biomasse produite durant le cycle des céréales. Pendant le tallage, un blé de potentiel 90 q/ha consomme environ 1 kg/ha d’azote par jour.
- et l’efficacité de l’azote est peu performante : autour de 60 % (pour 50 unités appliquées, 30 unités sont valorisées par la plante). Efficacité à tallage à comparer à l’efficacité autour de dernière feuille qui se situe autour de 85-100 %... A prendre en compte dans une logique d’optimisation de chaque unité d’azote.
La Chambre d’Agriculture de la Marne vient de réaliser une synthèse des RSH pour la région (Groupe Azote Régional). Il y a comme chaque année une forte variabilité des RSH selon les parcelles, d’où l’invitation il y a quelques semaines à réaliser ces mesures dans les parcelles.
En craie, le chiffre moyen en précédent colza se situe à 75 kg N/ha et en précédent betteraves à 73 kg N/ha. Ces valeurs sont dans une moyenne haute en comparaison aux années passées.
Dans le cas de doses faibles prévisionnelles (< 130-140 kg N/ha) ou de reliquats d’azote élevés (> 80-100 kg N/ha), il est possible de réduire voire faire l’impasse à tallage. L’apport à épi 1 cm pourra dans ce cas être un peu anticipé.
Figures 1 et 2 : Graphiques de la synthèse des RSH 2022 du groupe azote régional – Chambre de la Marne
L’apport à épi 1 cm marque le début d’une phase intense d’absorption de l’azote par la plante. La consommation en azote atteint 3 à 3,5 kg/ha/jour, sachant qu’un climat ralentissant la croissance (température froide, déficit en eau) diminue ces consommations. L’efficacité de l’azote à ce stade se situe autour de 70-100 % selon les conditions météo.
Les essais historiques régionaux montrent qu’une dose pivot autour de 80 unités minimum est nécessaire. Au-dessus de 100-120 unités à épi 1 cm, il faudra réaliser un fractionnement en deux de cet apport : épi 1 cm et 1 nœud par exemple, ce qui emmène à une stratégie en quatre apports. Cette stratégie est à réserver uniquement aux situations avec une dose totale dépassant les 200 unités (+ 1 q en moyenne toutes situations/doses confondues en comparaison à une stratégie trois apports et + 2 à 4 q/ha dans 25 % des essais – synthèse régionale ARVALIS et partenaires).
Points d’attention :
- En fréquence, il y a toujours une période de sec autour de ce stade dans notre région !
- Penser à mettre en réserve 40 à 60 unités (selon le bq de votre variété) pour l’apport fin montaison = dose à soustraire de la dose totale. C’est la seule façon pertinente de faire des économies éventuelles en fonction du diagnostic fin montaison avec un outil de pilotage !
Tableau 1 : Classement 2022 des variétés de blé tendre selon leur besoin en azote
L’apport fin montaison (DFE/gonflement) est également dans une période d’absorption intense de la plante. La biomasse est élevée à ce stade et a des besoins en azote soutenus. La plante présente de nombreuses feuilles permettant d’assurer une photosynthèse élevée et un fonctionnement optimal. L’efficacité de l’azote est très bonne à ce stade (80-100 %). D’autant plus qu’en fréquentiel dans notre région, la probabilité est forte d’avoir des conditions idéales de valorisation de cet apport en mai.
Contrairement à certaines idées reçues, les apports fin montaison contribuent toujours au rendement, des rattrapages de carences azotées légères sont toujours possibles ! Cet apport permet également d’assurer une bonne teneur en protéines à la récolte.
L’apport à dernière feuille, c’est en moyenne un gain de 3-4 q/ha et 0,6 % de protéines pour 40 unités apportées (source essais régionaux ARVALIS et partenaires).
C’est également à ce stade, que les outils de pilotage fonctionnent et permettent de faire un état fiable de la plante sur la nutrition azotée en fonction du potentiel.
Un des nombreux essais réalisés dans la région par ARVALIS et partenaires (coopératives/négoces, chambres d’agriculture – ceta) afin de bâtir des recommandations fines sur l’azote.
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