Blé dur : raisonner son programme de désherbage selon la pression ray-grass

Pré ou post ? Défi ou chlortoluron ?

Que ce soit en prélevée ou en postlevée précoce, le prosulfocarbe et le chlortoluron utilisés seuls ont dans les essais menés en Méditerranée entre 2014 et 2017 une efficacité moyenne de 50 à 60 %, très variable, de quasi nulle à plus de 90 %.

En prélevée, le prosulfocarbe est plus régulier que le chlortoluron.

En postlevée, c’est le chlortoluron qui est le plus efficace, le prosulfocarbe voyant rapidement son efficacité diminuer dès que le ray-grass dépasse 1,5 à 2 feuilles.

D’après les conditions des essais lors de la réalisation des traitements, ce sont les pluies avant application, et donc l’humidité du sol lors du traitement, qui comptent le plus.

Le prosulfocarbe s’avère plus efficace (+15 % environ) en cas d’humidité du sol limitante. Au-delà de 25 mm reçus, il n’y a plus de différence.

Ainsi, en climat méditerranéen où l’humidité du sol à l’automne est variable et impossible à prévoir, le désherbage du ray-grass en prélevée sera plus sûr avec du prosulfocarbe (Défi à 3 l par exemple) qu’avec du chlortoluron (1500 g). L’ajout de 75 g/ha de DFF (Compil 0,2 l) régularise fortement l’efficacité du prosulfocarbe en prélevée (+30 % en moyenne).

Cela permet en outre de conserver le chlortoluron comme 2^e cartouche pour réintervenir vers 3 feuilles.

1 ou 2 applications ?

Dès que la densité de ray-grass risque de dépasser 100 plantes/m², seul un programme en 2 applications permet d’atteindre 95 % d’efficacité.

Et même à faible densité de ray-grass, c’est le seul moyen de réduire drastiquement l’adventice de la parcelle.

L’enchaînement le plus efficace est logiquement :

• Prélevée : Défi (3 l/ha) + Compil (0,15 l/ha)
• A 2 feuilles, 20 – 30 jours après : chlortoluron (1500 g/ha).

A ce stade :

• Le chlortoluron (1500 g), moins sensible au stade du ray-grass, est en tendance plus efficace que le Défi (3 l) : +25 % en moyenne, sauf dans un essai.
• L’ajout de DFF au chlortoluron peut provoquer des marquages foliaires importants, même s’ils sont temporaires. L’apport d’efficacité est moins important que sur un stade plus précoce et il n’est pas conseillé d’en apporter lors des deux traitements, son apport est donc à privilégier en association avec du prosulfocarbe en prélevée de la culture.

Quatre stratégies de désherbage possibles

Le climat automnal n’est pas toujours favorable aux applications d’herbicides.

La démarche qui suit (figure 1) est proposée pour avoir toutes les chances de désherber le ray-grass au plus tôt.

Figure 1 : Programmes de désherbage précoce du ray-grass sur blé dur

Plan A : prélevée relayée

C’est le plan optimal, qui se réalise en deux applications.

La première application en prélevée se fait avec du Prosulfocarbe + DFF, par exemple Défi (3 l) + Compil (0,15 l).

Il faut renoncer à cette première application de prélevée en cas de :

1. Sol sec sur 4 cm ou plus, (sous la semence de blé), sans espoir d’humidification par-dessous, et pas de pluie annoncée dans les 7 jours.
2. Pluie annoncée dans les 5 jours supérieure à 30 mm Le risque de phytotoxicité serait élevé.
3. Grains en surface (semis de « mauvaise qualité »).

Si jamais le blé a commencé à lever (quelques plantes qui pointent déjà), il est conseillé d’utiliser le prosulfocarbe seul sans le DFF.

Après l’application en prélevée de prosulfocarbe + DFF, une application en postlevée avec du chlortoluron à 1500 g/ha au stade 2 feuilles du blé est recommandée. Sur les parcelles ayant aussi une forte densité de dicotylédones, notamment de coquelicot, utilisez-le chlortoluron sous forme d’Aubaine (associe chlortoluron et isoxaben).

Il est également possible de venir associer le chlortoluron à du Bifénox (Fox à 1,5 l/ha par exemple) en cas de pression en chardons marie et coquelicots.

Tout comme la première application, il faut renoncer à cette deuxième application si certaines conditions ne sont pas au rendez-vous :

1. Sol sec ou fortes pluies prévues, comme pour la prélevée.
2. Froid annoncé dans les 5 jours (températures minimales < -3 à -5°C).
3. Blé peu poussant, notamment par excès d’eau.

Plan B : postlevée précoce relayée

Si vous n’avez pas pu passer en prélevée, c’est le plan A retardé d’environ 15 jours.

La 1^re application se réalise alors lorsque la 2^e feuille pointe sur 50 % des plantes de blé. Le blé pousse alors vite et le risque de phytotoxicité des herbicides racinaires diminue. Le ray-grass n’est pas plus développé que le blé. Les produits et les doses sont les mêmes que pour le plan A. Le risque de phytotoxicité du DFF est néanmoins plus élevé sur blé dur levé mais il s’en remet généralement très bien.

Il faudra renoncer à cette application en cas de :

1. Sol sec ou fortes pluies prévues, comme pour la prélevée.
2. Blé peu poussant, notamment par excès d’eau.

La deuxième application se réalise environ 4 semaines plus tard sur les parcelles avec des historiques de forte pression. L’application va être repoussée en décembre, sous un climat plus froid, mais des périodes favorables existent souvent fin décembre ou en janvier. Il faut renoncer à cette application si les mêmes conditions que dans le plan A sont présentes.

Plan C : postlevée 2-3 feuilles relayée

C’est un plan plus risqué que le plan A, car le ray-grass a généralement lui aussi 2-3 feuilles. Il est de moins en moins sensible aux herbicides racinaires.

La première application doit être réalisée idéalement avant mi- décembre ; au-delà, les températures négatives sont plus fréquentes.

Le plus tôt est donc le mieux dès que le climat est favorable :

• La première application va être réalisée avec du chlortoluron (1500 g/ha).
• La deuxième application sera réalisée avec un herbicide foliaire (risque de résistance) en sortie d’hiver quand les conditions météorologiques le permettront. Si vous savez qu’une famille (HRAC 1 ou 2) ne fonctionne plus sur votre ray-grass, privilégiez l’autre famille.

Si vous ne savez pas si vous avez des problèmes de résistance, préférez Archipel Duo (1 l/ha) qui semble être le plus efficace dans la région.

Pour améliorer l’efficacité des herbicides foliaires, vous pouvez :

• Faire l’application quand l’hygrométrie est supérieure à 60 %. Plus elle est élevée, mieux c’est ; une rosée encore visible est l’idéal.
• Températures supérieures à 5°C lors de l’application.
• Renoncez à cette application uniquement si la période est non poussante, soit T° mini < -2°C et T° maxi < 8°C.

Plan D : en présence de cultures non-cibles à moins de 500 m

Pour rappel, le prosulfocarbe est interdit d’utilisation en présence de culture non-cible à moins de 500 m.

Le programme suivant est conseillé uniquement dans les cas concernés par cette interdiction avec de fortes pression ray-grass (besoin d’avoir un programme en pré et postlevée). En cas de faible pression, le plan C précédent peut convenir.

La première application est réalisée en prélevée : une spécialité à base de flufénacet à 150 g associé à de la pendiméthaline (Trooper) ou un flufénacet à 140 g associé à du DFF (Battle Delta).

Il faudra renoncer à cette application s’il y a un risque d’excès d’eau ou si le blé risque de patiner pour la levée.

La deuxième application se réalise avec un chlortoluron à 1500 g/ha pour venir compléter l’efficacité du flufénacet qui est insuffisante sinon.

Il faudra reporter cette application si le sol est sec, en cas de fortes pluies prévues, comme pour la prélevée ou encore si du froid est annoncé dans les 5 jours (T° mini < -3 à -5°C).