Couverts permanents - Comment réguler le développement des légumineuses présentes dans le blé ?
La réussite d’un blé implanté dans un couvert permanent tient en grande partie à la capacité de bien réguler la croissance du couvert, surtout quand celui-ci est conservé vivant sur tout le cycle du blé.
Deux périodes sont propices pour cette régulation : à l’automne, au moment du semis du blé, et en sortie d’hiver, au moment où le blé entame sa montaison. Cela passe par des techniques culturales (seulement à l’automne) et des applications herbicides.
La difficulté est de trouver la bonne dose de chaque intervention pour à la fois favoriser le blé et réguler le couvert sans le détruire. Dans cette optique, ARVALIS a mis en place 11 essais depuis 2014 pour évaluer l’efficacité et la sélectivité de plusieurs familles d’herbicides utilisables à ces périodes.
Pour rappel, les couverts - principalement du trèfle blanc ou de la luzerne - ont été implantés de quelques mois à plus d’un an (en association avec le précédent cultural) avant le semis du blé. Le cas le plus fréquent a été de semer ces légumineuses en même temps que le colza qui précédait le blé.
Assurer une bonne implantation du blé
Au niveau du semis, un semoir « semis direct » à disques permet le plus souvent de placer les graines de blé dans un environnement favorable. Seuls des couverts fortement lignifiés, comme les lotiers corniculés après leur floraison, peuvent parfois être gênants.
En présence de campagnols ou avec des semoirs non adaptés au semis direct, un travail très superficiel à moins de 5 cm est recommandé avant le semis, via un déchaumeur à disques indépendants, une herse rotative ou un semoir SD à dents par exemple. Cette opération perturbe les campagnols, crée un lit de semences pour les semoirs non adaptés au semis direct et limite mécaniquement le développement du couvert. Il faut toutefois que la légumineuse soit bien implantée pour survivre à cette intervention. Ce passage d’outil peut toutefois favoriser la levée d’adventices dans le blé, en perturbant le sol juste avant le semis.
Avant ces opérations, une destruction d’adventices ou de repousses du précédent avec du glyphosate peut être nécessaire. Si l’objectif est de garder le couvert vivant, les doses appliquées doivent être assez modérées (tableau 1). Des doses de 720 à 1080 g/ha ont un impact assez fort, ou du moins aléatoire, sur le couvert à long terme (en fin de cycle du blé). En revanche, des doses modérées de 360 à 540 g/ha limiteront assez peu la croissance du couvert à l’automne. Si le couvert est développé et homogène, les adventices et repousses seront, de toute façon, peu nombreuses et peu développées, et ces doses sont en général suffisantes.
Tableau 1 : Sélectivité sur des couverts de légumineuse sous blé d’une application de glyphosate avant le semis du blé - Sélectivité quelques jours après le traitement et en fin de cycle du blé
Désherber à l’automne : coup double contre les graminées adventices et les couverts trop développés
A l’automne, de nombreux herbicides sont utilisables (tableaux 2 et 3), laissant la possibilité de désherber certaines graminées et dicotylédones tout en préservant le couvert. Le désherbage d’automne est assez largement recommandé en présence de graminées car les sulfonylurées de sortie d’hiver sont peu sélectives des trèfles et luzernes.
Si les populations de graminées ne sont pas résistantes, il est également possible d’utiliser des antigraminées stricts de la famille des inhibiteurs de l’ACCase (FOPs et DEN) en sortie d’hiver. Ces herbicides seront sélectifs de tous les couverts de dicotylédones.
La bonne sélectivité des herbicides d’automne peut par contre être un problème, notamment sur un couvert qui pousserait fortement en automne. C’est par exemple le cas du trèfle blanc, qui reste en croissance active lors d’automnes doux. Il faut alors compléter le programme de désherbage avec des substances actives ou des associations de substances moins sélectives (metsulfuron à très faible dose par exemple). Un travail très superficiel du sol avant semis est un autre moyen de limiter la croissance automnale du trèfle sans nécessairement le détruire.
Tableau 2 : Sélectivité sur des couverts de légumineuse sous blé d’une application d’herbicide d’automne ou sortie d’hiver (hors inhibiteurs de l'ALS et hormones) - Sélectivité quelques jours après le traitement et en fin de cycle du blé
Tableau 3 : Sélectivité sur des couverts de légumineuse sous blé d’une application d’inhibiteur de l’ALS - Sélectivité quelques jours après le traitement et en fin de cycle du blé
Désherber en sortie d’hiver pour garder la maîtrise du couvert
En sortie d’hiver, il est très important de maîtriser la croissance du couvert, dès qu’il redémarre, afin de limiter la compétition avec le blé à partir de début montaison, lorsque celui-ci a de gros besoins. Des applications d’herbicides mi à fin mars peuvent remplir ce rôle tout en permettant de désherber certaines dicotylédones encore présentes.
Les inhibiteurs de l’ALS, dont les sulfonylurées, sont souvent utilisés dans ce but, à dose élevée pour tuer le couvert ou plus modérée pour en « réguler » la croissance. Mais les différences de comportement de cette famille d’herbicides sont très nettes selon la légumineuse (tableau 3). Ainsi le trèfle blanc y est très sensible (à l’exception de l’amidosulfuron au sein du Gratil). Le lotier corniculé, même s’il montre parfois des signes de forte phytotoxicité après l’application d’Atlantis par exemple, redémarre souvent en fin de cycle, sauf derrière Abak. A noter que l’utilisation répétée d’inhibiteurs de l’ALS dans la rotation est à proscrire pour une gestion durable des résistances ; elle est même interdite pour les substances actives ayant une action antigraminées.
Les substances actives de la famille des dérivées auxiniques (hormones) sont également utilisées en sortie d’hiver/printemps pour des désherbages de rattrapage, notamment pour la gestion du gaillet et de certaines vivaces. Ils peuvent également réguler le couvert entre mi et fin montaison pour limiter la compétition et éviter tout risque de gêne à la récolte. Les produits travaillés sont plus ou moins sélectifs selon les couverts (tableau 4). L’halauxifène, substance active qui a été testée le plus récemment, s’est montrée peu sélective.
Tableau 4 : Sélectivité sur des couverts de légumineuse sous blé d’une application dérivées auxiniques (hormones) - Sélectivité quelques jours après le traitement et en fin de cycle du blé
Dans certains cas, des impasses techniques existent, par exemple pour détruire certaines flores difficiles tout en gardant le couvert vivant. Dans ce cas, il faut choisir, en gardant à l’esprit que la culture reste l’objectif, et le couvert, simplement un outil.
En complément du programme de désherbage, la régulation du couvert passe par une céréale « compétitive » pour la lumière - idéalement, des variétés au cycle précoce et à bon pouvoir couvrant. Les apports d’azote sur céréales y contribuent : ils profitent davantage à la céréale qu’au couvert.
Quatre campagnes d’essais sur huit sites différents
L’efficacité et la sélectivité de plusieurs familles d’herbicides ont été testées sur 8 lieux durant 4 campagnes avec 5 partenaires :
- Boigneville (91) : ARVALIS, blés récoltés en 2014 et 2015
- Saint-Hilaire-en-Woëvre (55) : ARVALIS, blés 2015 et 2016
- Somme Vesle (51) : Chambre d’agriculture de la Marne, blé 2016
- Lassicourt (10) : Chambre d’agriculture de l’Aube, blé 2016
- Dosnon (10) : CETA de Romilly, blé 2016
- Mouchy-le-Châtel (60) : AGORA, blé 2016
- Saint-Julien-de-Cassagnas (30) : ARVALIS, blés 2016 et 2017
- Grandes Chapelles (10) : CETA de Romilly, blé 2017
Six espèces de couverts ont été testées : luzerne cultivée, lotier corniculé, trèfles blanc et violet, mélilot officinal, minette. Les données sont cependant peu nombreuses pour les 3 dernières.
Les résultats montrent des capacités de détoxification propre à chaque espèce de couvert et à chaque famille de substance active. Pour certaines situations analogues (herbicide*dose*espèce de couvert), des résultats assez variables ont été obtenus d’un essai à l’autre. Cela peut s’expliquer par l’état végétatif du couvert (croissance active ou non lors du traitement, réserves selon l’âge et la conduite…), les conditions climatiques lors du traitement ainsi que le pouvoir compétitif de la céréale.
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