Agriculture de conservation - Le maïs cohabite dangereusement avec les couverts permanents
Le maïs n’est pas la culture qui se prête le mieux au semis sur un couvert pérenne et maintenu vivant. Les risques de compétition sur le maïs sont très élevés. Quatre années d’essais révèlent les points-clés des itinéraires les plus appropriés.
Six essais ont été réalisés de 2013 à 2017 par ARVALIS dans le but d’implanter un maïs dans un couvert de légumineuse déjà installé et maintenu vivant dans la culture. Différentes espèces de couverts, techniques de préparation du semis et solutions de désherbage du maïs ont été étudiées.
Il en ressort que la production du maïs n’est pas garantie s’il est implanté sur un couvert de légumineuse maintenu vivant. Les pratiques qui régulent le plus la croissance du couvert du début à la fin de printemps donnent les meilleurs résultats. La compétition du couvert avec le maïs est toutefois complexe à gérer, dans la mesure où les légumineuses démarrent leur cycle végétatif plus tôt au printemps que le maïs. La levée du maïs doit aussi être préservée, ce qui n’est pas toujours évident en semis direct dans le couvert ou si un travail du sol a créé des mottes dans le lit de semences. Par ailleurs, ces techniques ne peuvent s’envisager dans des situations où l’eau peut être limitante.
Au sommaire : • Travailler ou non le sol avant le semis ?
• Réguler le couvert dans le maïs
• Des espèces de légumineuses plus faciles à gérer
• A réserver aux situations non limitantes en eau
• Mieux vaut détruire le couvert avant le maïs
Travailler ou non le sol avant le semis ?
Les couverts ont été semés l’été précédant l’implantation du maïs dans 4 essais sur 5. A la Jaillière (44), le trèfle blanc avait été semé l’été 2014, un an et demi avant le maïs 2016. Selon les essais, les biomasses des couverts étaient variables, de faibles à assez élevées (comprises entre 0.5 et 3 tMS/ha) quelques jours avant le semis du maïs. Les « petits » couverts peuvent être très concurrentiels malgré un faible développement en début de printemps car ils ont tendance à « exploser » d’avril à juin s’ils ne sont pas suffisamment régulés.
Un léger travail du sol au printemps a montré ses atouts. Sur quatre essais réalisés à Lyon-Saint-Exupéry (69) et à la Jaillière (44) de 2015 à 2017, un à deux passages de strip-till au printemps ont sécurisé la levée du maïs tout en limitant la compétition du couvert sur la culture. Toutefois, le trèfle blanc est capable de recoloniser rapidement le rang dégagé au semis. Un travail superficiel du sol peut aussi limiter la compétition en détruisant partiellement le couvert, mais il crée parfois un lit de semences motteux gênant la levée du maïs. Ce fut le cas à Lyon notamment derrière un trèfle violet.
En l’absence de travail du sol sur toute la largeur, la régulation de la croissance du couvert s’avère indispensable, par exemple avec des spécialités à base de glyphosate, 2 à 3 semaines avant le semis du maïs.
Dans tous les cas, il est nécessaire de favoriser un départ rapide du maïs, en semant sur un sol réchauffé, ressuyé, avec un engrais starter pour prendre le dessus sur le couvert. Un écartement réduit (60 cm par exemple) peut permettre de couvrir plus rapidement le sol et priver de lumière le trèfle par exemple.
Réguler le couvert dans le maïs
Dans la culture, une régulation précoce avec les herbicides sélectifs du maïs est aussi impérative (tableau 1). Dans les essais de Lyon, les programmes à base d’Adengo à 2 l/ha en prélevée, en plein ou en localisé, sont nettement avantagés par rapport à une application de prélevée trop sélective du trèfle (Dual gold ou Isard).
Une application en postlevée viendra ensuite « contrôler » le couvert : l’association nicosulfuron 12 g + mésotrione 30 g + Kart ou dicamba à faible dose permet par exemple un bon contrôle du couvert et des adventices. Dans l’essai de Lyon Saint-Exupéry de 2015, une impasse de postlevée après deux applications de glyphosate puis d’Adengo a conduit à un redémarrage tardif (juin) du trèfle blanc, très pénalisant pour le maïs.
Dans les parcelles très sales, en graminées notamment, il sera globalement très difficile de gérer le salissement tout en gardant le couvert vivant. Le choix d’une variété Duo peut être une piste pour s’adapter à ce contexte.
Sur le site de Lyon St-Exupéry (69) en 2017, le maïs a subi une compétition précoce sévère sur des couverts insuffisamment régulés.
Des espèces de légumineuses plus faciles à gérer
Concernant le choix des espèces de couvert, de nombreux essais ont porté sur le trèfle blanc nain, espèce peu onéreuse à implanter et capable de fortement couvrir le sol grâce à ses stolons. Ce trèfle s’avère toutefois très agressif envers le maïs. A Lyon St Exupéry, le trèfle violet et le sainfoin se sont montrés moins pénalisants pour le maïs (tableau 1). Le sainfoin a été difficilement régulé par les applications de glyphosate + 2,4D au printemps avant un semis direct. Des itinéraires avec un déchaumage ou glyphosate + 2,4D puis strip-till ont été plus satisfaisants.
Au contraire, le trèfle violet a été très bien régulé chimiquement mais a pénalisé la levée du maïs sur sol déchaumé (mottes).
A réserver aux situations non limitantes en eau
En cas de printemps sec comme en 2017, des couverts vivants peuvent exercer une compétition précoce et sévère pour l’eau. Des compensations sont possibles en cas d’irrigation ou d’été arrosé. Mais 2017 a tout de même montré qu’un semis de maïs sur couvert vivant nécessite une disponibilité en eau suffisante (région très arrosée avec sols profonds ou irrigation) pour sécuriser le rendement du maïs.
Mieux vaut détruire le couvert avant le maïs
La synthèse de cinq essais montre que garder un couvert vivant sous maïs fait prendre de gros risques au maïs. Cette pratique permet parfois d’avoir des rendements équivalents à un témoin mais ne permet pas de gain de productivité (tableau 1). Face à tous ces aléas, il paraît donc raisonnable de détruire le couvert « permanent » avant de semer un maïs. Sinon, tout essai sur couvert vivant doit être réalisé sur des petites surfaces. La destruction du couvert avant maïs est aussi un moyen de bien valoriser l’azote qu’il contient. Le maïs, du fait de son cycle estival, bénéficie en effet d’une période de minéralisation des résidus du couvert très efficace. Par exemple, des couverts de trèfle incarnat ou de Perse et vesce commune, seuls ou associés à des graminées, détruits le 26 février 2010 à Lyon St Exupéry avant un maïs grain irrigué, ont produit entre 2,5 et 4 tMS/ha avant leur destruction et ont restitué entre 100 et 120 kg N/ha au maïs.
Tableau 1 : Rendement du maïs grain (en % d’une référence sans couvert permanent) dans cinq essais (Boigneville 2013, Lyon St Exupéry 2015 à 2017, La Jaillière 2016).
Herbicides utilisés en prélevée : Adengo localisé (« Ad. Loc. ») ou Adengo en plein (« Ad. Plein ») ou Dual gold ou Isard (« Dual/Isard »). Ils ont été complétés par de la post-levée (ex : Callisto + Pampa).Gestion du couvert : « Roulage » (rolo faca sans glyphosate préalable) ; « Glypho-SD » (glyphosate seul ou avec 2,4D, sans travail du sol) ; « Glypho-ST » (glyphosate seul ou avec 2,4D, puis strip till avec un ou deux passages) ; « Déch. » (déchaumeur à disques indépendants).
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