Semis précoces de maïs : peser le pour et le contre
À la faveur des températures douces de la semaine dernière, les semoirs à maïs étaient de sortie, notamment en Beauce. Rappelons que le choix d'une implantation précoce doit se baser sur une fine analyse des benéfices/risques pour chaque parcelle.
Un début d’année plutôt sec
Si les températures cumulées ont été conformes aux normales, le déficit de pluviométrie est un des éléments marquants de l’hiver 2021 (-50 à 80 mm sur la région). Les faibles pluies depuis octobre n’ont pas permis de recharger complètement toutes les nappes. Ce déficit s’est prolongé sur mars, avec un retour des pluies, certes bénéfiques mais hétérogènes, laissant des secteurs peu pourvus en eau : l’Ile-de-France, le Loiret et le Loir-et-Cher.
Carte 1 : Ecart de pluviométrie cumulée sur la période du 20 février au 20 mars 2022 par rapport à la moyenne historique (2001-2021)
Le temps chaud et sec de ces derniers jours a néanmoins permis la reprise des sols en bonnes conditions pour préparer les semis. Ces passages étaient nécessaires, car l’absence de véritable alternance gel/dégel et le peu de pluies avaient pu laisser des mottes conséquentes dans les limons argileux.
Un retour d’un temps plus froid et humide est attendu cette semaine. Les premiers semis de maïs réalisés dans le sec vont pouvoir bénéficier de quelques millimètres d'eau. Les conditions de la semaine passée étaient plutôt favorables aux semis précoces de maïs, dans les sols suffisamment réchauffés. Néanmoins, cette pratique doit être raisonnée selon les risques associés au secteur et au type de sol.
Les semis précoces : intérêts et limites ?
La précocité des semis reste un levier essentiel pour la compétitivité du maïs. L’intérêt de ces semis est d’avoir une offre en températures plus élevée sur le cycle de la culture pour espérer avoir des dates de récolte plus précoces et/ou un niveau d’humidité du grain plus bas (donc une économie de frais de séchage) et une qualité sanitaire préservée. De plus, les semis précoces permettent de valoriser des variétés plus tardives pour bénéficier d’un potentiel de rendement supérieur, même si l’humidité à la récolte peut être un facteur de frein. Les semis précoces permettent enfin une « esquive partielle », par l’atteinte plus précoce des stades-clés pour la mise en place du rendement - avant les stress les plus intenses ou les éventuelles restrictions estivales d’irrigation.
Côté risque, le gel est souvent évoqué pour les semis précoces. Du semis à 6 feuilles, l’apex se situe dans le sol, il est donc peu exposé ; mais les feuilles peuvent subir des dégâts ou décolorations. Dépassé le stade 6 feuilles, les conséquences du gel peuvent conduire à des problèmes de stérilité du maïs, voire à la destruction du pied. Ce risque a tendance à baisser avec les évolutions du climat : un semis de mi-avril en 2020 n’est pas plus exposé qu’un semis de début mai dans les années 90. A noter qu’une température de 0°C enregistrée sous abri peut correspondre à un -2°C au champ selon l’exposition de la parcelle.
En plus des conditions fraîches annoncées dans les prochains jours, le risque d’une période froide voire humide post-semis n’est pas à exclure, à l’image des conditions du printemps 2021. La levée et les premiers stades peuvent être ralentis (les maïs « patinent »), exposant la culture aux problèmes agronomiques :
- En sols à risque (limons argileux, sols lourds), il faut être particulièrement vigilant aux préparations trop fines en surface, qui pourraient s’avérer battantes au retour des pluies.
- De même, si une problématique ravageurs est identifiée sur la parcelle (taupins, oiseaux, etc.), il est conseillé de limiter au maximum la période d’exposition : en semant précocement, on augmente ce risque (figure 1).
Figure 1 : Nombre de jours entre le semis et le stade 6 feuilles du maïs, pour différentes dates - station météo d’Orléans (45)
(Source : MétéoFrance)
Les points-clés pour semer du maïs
Quelle profondeur pour les semis de maïs ?
Avant toute intervention, il est indispensable de s’assurer du ressuyage en profondeur du sol. Les opérations de travail du sol ont pour objectif de créer une structure favorable à la levée et à l’enracinement. Un bon enracinement permettra une meilleure valorisation de l’eau et des éléments minéraux. Les discontinuités dans le profil de sol sont particulièrement dommageables.
En conditions sèches, il est préférable d’éviter de créer des horizons foisonnants. Les préparations creuses et soufflées doivent être proscrites, puisque le contact graine/sol et racines/sol sera limité, entraînant une limitation de l’humidification de la graine et de l’alimentation hydrique et minérale de la jeune plante.
La transition entre le lit de semences et l’horizon délimité par les outils de reprise doit être progressive, car au sevrage (stade 4-5 feuilles), les jeunes racines se développeront dans cette zone.
Viser une profondeur de semis régulière d’environ 4-6 cm, dans le frais. Moins profond, la semence est plus exposée aux attaques d’oiseaux et risque de ne pas germer en cas de sec prolongé. Trop profond, la levée sera plus lente et moins régulière. De plus, semer à une profondeur trop importante accentue les risques d’attaques de taupins. Pour garantir un semis homogène, il est recommandé de ne pas dépasser, en bonnes conditions, 7-8 km/h avec un semoir conventionnel. En conditions plus difficiles (mottes), la vitesse sera réduite à 5 km/h.
Concernant le calcul de la densité et l’écartement au champ
La densité de culture se raisonne en fonction du potentiel de la parcelle (en premier lieu, la profondeur du sol et la possibilité d’irriguer), du groupe de précocité, du type de grain et de la destination de la culture.
Les variétés précoces nécessitent plus de pieds à l’hectare par rapport aux variétés tardives, afin de contrebalancer le déficit en termes de rayonnement intercepté.
Sur les parcelles à potentiel élevé, préférer la densité de droite dans le tableau 1, car les plantes souffriront moins de la concurrence pour les ressources en eau. En conduite pluviale, on se calera plutôt sur le premier chiffre des fourchettes. Pour les situations où la probabilité de restrictions en eau est forte, on préconisera la mise en place de gammes plus précoces. Réduire davantage la densité ne constitue pas une économie très conséquente et revient à hypothéquer le rendement accessible si la pluviométrie estivale s’avère favorable.
Tableau 1 : Densités optimales à la récolte du maïs, pour des écartements entre 75 et 80 cm
* Les pertes à la levée doivent considérer les pourcentages de germination (de l’ordre de 98 % en maïs), la qualité de la préparation du lit de semences, la date de semis et le niveau de protection des plantes. Pour un maïs fourrage, ajouter 5000 plantes par rapport à un maïs grain.
Certains agriculteurs se posent la question de semer à écartement réduit (50-60 cm), afin de rentabiliser leur semoir sur une grande diversité de cultures (maïs, betteraves, colza, etc.). Les essais ARVALIS, conduits récemment dans le Sud-Ouest, montrent en moyenne un effet neutre et parfois bénéfique des écartements réduits en maïs (80 cm comparés à 60 cm, voire 40 cm, avec des densités à l’hectare égales), expliqué par une interception lumineuse accrue par le couvert végétal. De plus, la floraison semble être précocifiée de quelques jours en écartement réduit, ce qui peut être intéressant en stratégie d’esquive du stress hydrique.
En revanche, si ces stratégies semblent plutôt pertinentes, elles nécessitent des ajustements matériels (bineuses, cueilleurs de la moissonneuse-batteuse…), et toutes les variétés ne semblent pas répondre de la même manière.
Utiliser un engrais starter pour une meilleure récolte
L’utilisation d’engrais starter a de nombreux avantages : développement plus rapide, homogène, et gain de précocité à floraison qui constitue un levier dans une stratégie d’évitement du stress hydrique. Dans le cas de semis précoces, il est d’autant plus conseillé d’apporter une dose d'engrais starter au maïs, pour lui permettre de limiter l’exposition aux ravageurs de début de cycle.
Pour tirer les bénéfices de cette stratégie, il est primordial de bien positionner l’engrais starter. Trop loin, il est moins efficace et ne joue plus son rôle de « booster » de la culture ; trop près, l’acide phosphorique peut brûler le germe et provoquer une perte de pieds. Le réglage des distributeurs d’engrais starter est donc un élément incontournable pour réussir cette technique. La localisation devra se faire en dessous de la ligne de semis (5 cm) et décalée de 4 et 5 cm du rang.
La dose recommandée est de 130 kg/ha de 18-46 (ou 130 l/ha de 14-48), ce qui permet d’avoir un bon effet starter et d’éviter des irrégularités de répartition sur la ligne (surtout vrai en solide). Il est possible d’aller jusqu’à 150-170 kg/ha en cas de parasitisme (nématodes par exemple). Par ailleurs, il est déconseillé de baisser la dose en dessous de 100 kg/ha, car on risque d’obtenir une répartition hétérogène de cet engrais starter, et donc de favoriser des levées décalées.
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