Orges d'hiver : la campagne 2023/2024 en résumé
Retrouvez le bilan agro-climatique de la campagne orge d'hiver 2023/2024, avec un point sur les rendements et la qualité.
En 2023 – 2024, le cumul des surfaces implantées en orges d’hiver en Bourgogne / Franche-Comté et en Alsace s’établit à, respectivement, 157 600 ha et 6 000 ha (Graphique 1). En Bourgogne, ces orges sont à 80 % à destination de la filière brassicole ; alors qu’en Alsace, c’est essentiellement pour du fourrage. Pour la Franche-Comté, le débouché est réparti à 50/50 entre orge brassicole et fourragère (Carte 1). Ces surfaces restent stables par rapport à la moyenne quinquennale. En effet, plus de 90 % des orges d’hiver ont été implantées avant l’arrivée de l’épisode pluvieux de mi-octobre.
Ces surfaces intègrent les orges de printemps semées à l’automne, en nette baisse cette année à cause des pluies.
Côté rendements, la moyenne est décevante en 2024, en se positionnant au 1er août à 54 q/ha (source : expertise ARVALIS) pour la région Bourgogne / Franche-Comté, soit en retrait de près de 10 % par rapport à la moyenne quinquennale (Graphique 1).
Carte 1 : surfaces orges brassicoles en France en 2024 (Source : Agreste, enquêtes variétés BVA)
Graphique 1 : Evolution des surfaces et rendements des orges d’hiver en Bourgogne Franche-Comté (Source : Agreste)
Un début de campagne pluvieux et précoce
L’humidité s’est maintenue durant tout l’automne-hiver, associée à des températures douces. La campagne 2023/2024 s’inscrit comme un nouveau record de pluviométrie (dépassant 2013) et de températures (dépassant 2020). Les orges d’hiver passent l’hiver sans gros épisodes de gel, sous des températures douces : il en résulte une date moyenne de début montaison à mi-mars, positionnant 2024 comme une année précoce. Le nombre de talles à plus de 3 feuilles est sur une valeur moyenne.
Du côté des ravageurs, les pucerons se sont faits discrets à l’automne mais des symptômes de jaunisse nanisante de l’orge (JNO) ont pu être observés en plaine, la douceur leur a sûrement permis un temps de présence long sur les parcelles, parfois jusqu’en décembre. Des attaques de zabres ont aussi été signalées, ces larves de carabe phytophage vivent dans une galerie verticale creusée au pied de la plante et sortent la nuit pour dévorer les feuilles des plantes (jusqu’à les détruire). Sa présence est favorisée par des rotations céréalières courtes (blé/blé ou orge/blé) et l’absence de labour.
Des conditions printanières défavorables
La montaison des orges d’hiver se déroule sous des conditions toujours aussi pluvieuses et peu lumineuses. Cela entraîne plusieurs conséquences :
- Une densité des épis en retrait de 25 % par rapport à la moyenne sur vingt ans (Graphique 2). La montée à épis est, au sein de la plante, source de concurrence pour l’azote, l’eau et la lumière. En situation de manque de rayonnement comme nous l’avons connu durant la montaison (Graphique 3), la photosynthèse est limitée, et seules les talles les plus développées montent à épis. Il n’est pas rare de voir des taux de régression de talles supérieurs à 50 %. Les excès d’eau ont pu aussi amplifier ce phénomène. Le faible rayonnement engendre un allongement des entrenœuds, et donc, une fragilité des tiges. Le risque de verse est accru.
Graphique 2 : Densité des épis en fonction du nombre de tiges à plus de 3 feuilles. Observatoire ARVALIS BFC
Graphique 3 : Rayonnement journalier et stade des orges d’hiver - cas type : KWS FARO semé le 15/10/23 à Dijon (Source : ARVALIS Météo France)
- La biomasse produite et la fertilité des grains s’en trouvent également affectées.
D’un point de vue physiologique, les céréales d’hiver ont des capacités de compensation des composantes de rendement : un manque d’épi peut être compensé par un bon nombre de grains par épi, et aboutir à un nombre total de grains à remplir tout à fait correct. En 2024, les conditions n’ont pas été propices à une compensation : le nombre de grains par épi est globalement dans la moyenne, et cela aboutit à un nombre de grains en retrait de 15 % (Graphique 4).
Graphique 4 : Nombre de grains/m² en fonction du nombre d’épis (Observatoire ARVALIS BFC)
La fraîcheur enregistrée à partir de fin avril fait perdre tout avance acquise par les orges : la montaison est allongée, mais ne profite pas à la densité épis.
Notons que l’épisode de froid autour du 20 avril a pu impacter la fertilité des épis avec l’observation d’épillets blancs localement.
La pluie est l’humidité persistantes apportent également leur lot de maladies foliaires : la rouille naine est précoce, la rhynchosporiose et l’helminthosporiose sont présentes mais relativement contenues, tandis que la ramulariose apparaît fortement en fin de cycle et flambe le feuillage en quelques jours de manière assez précoce, après floraison, soit dès le 20 mai. En parallèle, les conditions météo n’ont pas toujours permis de trouver des créneaux favorables aux positionnements des produits de lutte contre ces maladies.
Un désherbage difficile à maîtriser
Il y a eu globalement de bonnes efficacités pour les traitements de désherbage fait à l’automne (meilleures efficacités des interventions de prélevée par rapport à celles de postlevée), pour ceux qui ont pu rentrer dans leurs champs. Certaines parcelles n’ont pas pu être désherbées à l’automne avec quelques cas irrattrapables (impasse technique). Les phytotoxicités ont également pu être importante à cause des fortes pluies, mais in fine les dégâts sont restés modérés.
Les adventices ont également profité du temps pluvieux pour se développer, un salissement important des parcelles est observé au printemps. La nuisibilité globale des adventices graminées est sûrement élevée en 2024, à garder en tête pour la gestion du désherbage sur les prochaines années.
Pas ou peu de rattrapage en fin de cycle
La météo qui suit la floraison des orges reste maussade : les orges débutent leur remplissage sous un rayonnement limitant, avec des minimums en dessous du seuil critique de 250 cal/m² début mai. Cela a pour conséquence de limiter la taille des enveloppes des grains d’orge. La cinétique de remplissage des grains (Graphique 5) démarre sur des valeurs assez élevées. En effet, le nombre de grains/m² inférieur à la moyenne « force » l’orge à faire de gros grains. Malheureusement, cette cinétique s’écrase assez vite pour finir à la récolte avec des poids de mille grains (PMG) moyens. Finalement, les rendements sont décevants, surtout en plaine où il manque facilement vingt quintaux. En revanche, les plateaux s’en sortent mieux par rapport à leur historique (Graphique 6).
Niveau qualité, les calibrages sont corrects et les teneurs en protéines sont globalement faibles.
Graphique 5 : Cinétique de remplissage des orges d’hiver. Observatoire ARVALIS BFC.
Graphique 6 : Rendement en fonction du nombre de grains/m². Observatoire BFC.
Des interrogations sur le fonctionnement azoté des orges
Normalement, une baisse significative de rendement se traduit mécaniquement par une hausse des teneurs en protéines. Cette hausse est effective sur notre territoire, mais pas autant qu’on l’imagine, et surtout avec une disparité qui pose question.
La dose d’azote a-t-elle été limitante ? Non, au regard des doses et des cumuls de pluies après apport, les quantités d’azote n’ont pas limité le rendement.
L’azote apporté a-t-il été correctement absorbé ? Nous faisons l’hypothèse que oui, jusque dernière feuille : les plantes ont absorbé l’azote apporté, mais nous imaginons que les plantes ont « priorisé » des organes en croissance pour capter la lumière qui faisait défaut, au détriment des racines, des épis en formation, et en piochant dans les stocks des talles herbacés et des étages foliaires inférieurs. Quand les conditions ne sont pas optimales, le métabolisme du carbone est affecté moins rapidement que celui de l’azote. C’est pourquoi nous jugions l’aspect visuel de nos orges acceptable, avec un niveau de création de biomasse correct (Figure n°8), mais avec un effondrement des états de nutrition azotée entre dernière feuille et floraison !
Par ailleurs, des références montrent que l’efficacité de l’azote peut être affectée par l’excès d’eau (fonctionnement racinaire perturbé).
L’azote a-t-il été correctement remobilisé vers les grains ? Probablement que non, et ce, en raison de la pression maladies : il y a de fortes chances pour que l’azote ait été bloqué dans les feuilles des étages supérieurs, là où il avait été stocké pour tenter de préserver le potentiel.
Figure n°8 : Teneur en azote des orges d’hiver : correcte durant la montaison, baisse significative à partir de dernière feuille sur KWS FARO à Ouges (21)
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