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Phytotoxicités sur céréales : comprendre le phénomène pour l'éviter

Le jaunissement des jeunes plantes de blé est fréquent après une application herbicide, en particulier quand celui-ci est suivi d’une forte pluie. Le phénomène est-il préjudiciable pour le développement de la plante ? Affecte-t-il le potentiel de rendement ? Comment l’éviter ? Les réponses avec Ludovic Bonin, spécialiste désherbage chez ARVALIS.

Symptômes de phytotoxicité sur blé

Charles Baudart : Quand on parle de phytotoxicité, quel est le phénomène en jeu ?

Ludovic Bonin : Il s’agit d’une altération passagère de la plante occasionnée par la présence d’une substance active herbicide. Sauf conditions particulières, ces produits ne sont pas toxiques pour les céréales. En cas de conditions particulières, par exemple de fortes pluies après l’application, la culture absorbe le produit par les racines en grandes quantités et l’herbicide arrive à s’exprimer dans la plante, qui blanchit/jaunit/brunit. Ces symptômes s’observent souvent sur des semis irréguliers ou peu profonds.


Ch. B. : Les symptômes varient-ils selon le type de produit ?

L. B. : Oui. Les phytotoxicités les plus visibles sont surtout provoqués par des herbicides appliqués à l’automne, type Défi, Fosburi, Compil, Maténo, Trooper. Leur substance active (prosulfocarbe, diflufénicanil, pendiméthaline, aclonifen) sont appliquées, parfois en association, à des stades très jeunes quand les plantules sont fragiles et peu robustes. Le risque est d’associer plusieurs de ces herbicides en un seul passage : il est conseillé de fractionner les applications – en fonction des produits, pour diminuer la charge sur la jeune culture.

Au printemps, les blés sont déjà bien développés et moins fragiles. Pour autant, les herbicides appliqués en sortie d’hiver peuvent provoquer des arrêts de croissance ou de légers tassements, mais ils sont souvent peu marqués. Et peu visibles. Cela ne veut pas forcément dire qu’il n’y a pas d’impact sur la culture – c’est parfois plus insidieux que les phytotoxicités d’automne, très visibles mais peu impactantes.


Ch. B.: Faut-il s’inquiéter en présence de symptômes ?

L. B. : Dans la grande majorité des cas, il ne faut pas s’inquiéter : les produits à base de diflufénicanil (Fosburi, Compil, Maténo, Constel) provoquent des blanchiments mais ceux-ci s’estompent en trois semaines. Le flufenacet (Mateno, Trooper, Pontos, Fosburi) a un mode d’action plus long et les cultures jaunissent seulement au bout d’un mois environ. Le prosulfocarbe provoque aussi des jaunissements, mais ils s’estompent ensuite.

ARVALIS conduit des essais « sélectivité et rendement » afin d’évaluer l’effet des herbicides sur les cultures de céréales. Nous observons régulièrement des phytotoxicités, les orges sont plus sensibles que les blés, mais les cas de destruction de culture sont très rares. Même dans les situations où les semis sont mal enterrés, avec des altérations très élevées, l’impact de ces phytotoxicités sur les rendements est, la plupart du temps, non significatif.


Ch. B. : Comment ces problèmes peuvent-ils être évités ?

L. B. : La profondeur du semis est importante : ne pas hésiter à enterrer la graine à 2-3 cm de la surface, et à vérifier régulièrement la profondeur durant le semis. Cette consigne s’applique en particulier en sols limoneux battants et hydromorphes. Car si le sol se referme, en cas de fortes pluies, le développement de la culture va ralentir et elle aura du mal à métaboliser les herbicides.

Les conditions météo après l’application sont importantes : si des pluies supérieures à 20 mm par jour sont annoncées, il vaut mieux reporter l’application. Si, en plus, les températures chutent brutalement, l’apparition de phytotoxicité est quasi assurée.

Dans des conditions difficiles de semis, comme cet automne, le message général est donc de privilégier la qualité d’implantation plutôt que la date calendaire. Néanmoins, lorsqu’un semis a été « forcé » avec des grains nombreux en surface ou à peine recouverts, nos essais montrent que l’impact sur la culture peut être particulièrement important avec des bases pendiméthaline, et dans une moindre mesure avec du chlortoluron, prosulfocarbe et flufénacet. Dans ce cas, il convient donc de :

  • si un seul passage est prévu à l’automne : se retenir pour faire son désherbage en prélevée et décaler ses applications en postlevée ;
  • pour les parcelles nécessitant deux passages à l’automne : en prélevée, éviter les grosses associations et rester sur des mélanges simples sans pendimethaline.


Ch. B. : Existe-t-il des variétés plus sensibles aux phytotoxicités ?

L. B. : Tous les agriculteurs ont en tête la sensibilité de leurs variétés au chlortoluron. Pour ce produit, certaines variétés métabolisent moins bien la substance active alors que d’autres la tolèrent et une liste est établie tous les ans. Par contre, dans nos essais, nous n’avons pas observé de sensibilité variétale aux autres produits appliqués à l’automne, qu’il s’agisse de produits à base de diflufénicanil, de flufenacet ou de prosulfocarbe.

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