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Céréales à paille : comment diagnostiquer des problèmes de stérilité d’épis ?

Les conditions climatiques de ce printemps - qui combinent alternativement du froid, des faibles rayonnements et des précipitations fréquentes et abondantes - peuvent déclencher chez les céréales à paille des symptômes variés sur épis. Certains sont la conséquence d’une contamination par un pathogène, d’autres relèvent d’un désordre physiologique. Tour d’horizon des accidents d’ordre physiologique qui peuvent affecter l’épi.

épis de blés verts durant phase/stade de remplissage des grains

Certains symptômes sont bénins voire systématiques, d’autres beaucoup plus inquiétants et liés à une conjonction particulière entre météo et stade des cultures. Ils apparaissent quelques jours à quelques semaines après l’élément déclencheur, et pratiquement aucune parade n’est envisageable, autre qu’anticiper les éventuelles conséquences pour la récolte. D’où la nécessité de poser un diagnostic précoce.

Manque d’épillets ou épillets atrophiés ?

Les épillets des céréales à paille se forment courant montaison, à l’intérieur de la gaine. Lorsqu’un épisode de gel survient début montaison (comme en 2017 ou en 2021), le jeune épi peut être totalement détruit et la tige entière va régresser. Par contre, si l’épisode de gel est plus tardif, comme ce fut le cas en avril 2024, les dégâts peuvent se limiter à quelques épillets ou segments d’épis (photos 1 et 2), mais les structures (rachis, épillets, barbes) restent visibles. Le nombre d’épis par m² reste donc inchangé. En revanche, le nombre de grains par épi est affecté.

Pour un impact significatif sur le rendement, la fréquence d’épis touchés doit être importante. On estime par exemple que des symptômes observés sur 5 % des épis, soit environ 20 épis/m², avec des épis affectés à 50 %, réduisent de 2,5 % le nombre de grains par m².

photos 1 & 2

Gauche : photo 1 : dégât de gel sur épis d’escourgeons (variété KWS Faro), sur une plateforme d’essai ARVALIS près de Dijon (D. Chavassieux)
Droite : photo 2 : dégât de gel sur blé dur sur une plateforme d’essai à Gréoux-les-Bains (04) (M. Marguerie)

Ces symptômes de destruction d’épillets liés à un aléa climatique ne doivent pas être confondus avec deux autres types de symptômes qui, eux, sont systématiques et d’intensités variables :

  • Des épillets atrophiés à la base de l’épi (photo 3) : les 2-3 étages basaux sont systématiquement stériles, et des stress hydriques ou azotés peuvent accroître l’ampleur des symptômes.

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Photo 3 : épillets atrophiés à la base d’épis de blé tendre
(C. Descombe)

  • La régression précoce de la partie supérieure de l’épi des escourgeons, qui est systématique et liée au mode de construction indéterminée de l’épi (photo 4). Là aussi, cet accident peut être accru en cas de forts stress hydriques ou azotés précoces, ou de forte concurrence entre tiges.

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Photo 4 : sommet d’épi d’escourgeon avorté précocement
(ARVALIS)

Des épillets surnuméraires

Des observations d’épillets surnuméraires nous ont été remontés (photo 5) : il s’agit d’une sur-production désordonnée d’épillets le long de l’épi. Cet accident est généralement attribué à des températures froides qui affectent la morphogénèse de l’épi en début de montaison. Cependant, ces symptômes n’ont jamais été associés à une baisse de fertilité des épis.

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Photo 5 : épillets surnuméraires observés sur la variété Karoque sur un essai dans l’Eure
(Q. Girard)

Des fleurs « qui baillent »

Le blé tendre, le blé dur et les orges sont naturellement autogames, et s’autofécondent le plus souvent à l’intérieur des fleurs. Cependant, lorsque le pollen présente des problèmes de fertilité, les fleurs n’arrivent pas à s’autoféconder et s’ouvrent pour tenter de capter du pollen disponible dans l’environnement. On observe donc des fleurs « qui baillent », et qui peuvent apparaître vides par transparence, surtout sur orges à 2 rangs (photo 6). Les conditions météorologiques et l’espèce considérée influencent grandement la facilité d’observation. Si ces fleurs parviennent à être fécondées par du pollen extérieur, la formation et le remplissage des grains se fera avec du retard, mais sans conséquence sensible sur le rendement. Par contre, si aucune fécondation croisée ne s’opère dans les jours qui suivent l’ouverture des fleurs, ceci se traduira par une baisse de la fertilité des épis, et par une perte de rendement pratiquement proportionnelle.

Sur un plan sanitaire, l’ouverture des fleurs peut également permettre la contamination par des pathogènes, tels que l’ergot du seigle ou le charbon nu de l’orge.

Les conditions climatiques observées fin avril et jusque début mai (épisode de froid, puis jours très maussades et humides) pourraient localement avoir affecté la formation du pollen - qui intervient pendant la phase de méiose pollinique - en orge et/ou en blé. Il n’est donc pas exclu que des stérilités partielles soient observées cette année.

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Photo 6 : fleurs ouvertes sur un épi d’orge à 2 rangs
(V. Bontems)

Plus tard, courant remplissage, les symptômes évolueront : en présence de grains en croissance, les épillets s’élargiront ; à l’inverse, les fleurs stériles resteront vides et étroites (photo 7).

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Photo 7 : épis de blés « déformés », conséquence de stérilités partielles de fleurs latérales
(ARVALIS)

Détecter les évènements rares

Le rendement étant le premier critère de variation du résultat économique d’une exploitation agricole, il peut être tentant de l’estimer avant la récolte pour se donner de la visibilité. Mais l’exercice s’avère assez difficile et demande beaucoup d'expertise. En réalité, l’intérêt principal de cet exercice est de détecter les évènements rares comme les problèmes de stérilité des épis. Sur blé tendre, on considère qu’il faut une quarantaine de grains par épi. S’il y en a beaucoup moins, il faut alors augmenter l’échantillon et, si la situation se confirme, prendre contact rapidement avec son assureur pour réaliser une expertise avant récolte.

Quant aux pertes de rendements liés à la présence de maladies, ce n’est qu’à l’approche de la récolte que l’on pourra réellement se faire une idée. C’est très dur à estimer car cela dépend vraiment de la parcelle : de la variété, du nombre de traitements effectués, etc.

Lire aussi : « Céréales à paille : comment reconnaître les principales maladies de l'épi ? »
 

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