Céréales à paille : comment reconnaître les principales maladies de l'épi ?

Toutes les céréales à paille peuvent être contaminées par l’ergot, mais un gradient de sensibilité existe entre le seigle (espèce la plus sensible à ce pathogène), le triticale, le blé dur, le blé tendre, l’orge et l’avoine (espèce la moins sensible). La nuisibilité de l’ergot ne s’exprime pas sur le rendement, mais par la production d’alcaloïdes toxiques pour l’homme et les animaux. La présence de sclérotes dans les semences et dans les lots de céréales destinés à l’alimentation humaine ou animale est réglementée.

Les symptômes apparaissent seulement sur les épis car le champignon attaque l'inflorescence des céréales :

• Apparition de miellat (liquide sucré et visqueux) contenant les spores du champignon dispersées notamment par les insectes et autres arthropodes (photo).
• Apparition d’une masse blanchâtre puis noir-violacé entre les glumelles formant le sclérote ou ergot (photo). Ce dernier peut dépasser nettement de l’épi de blé, mais pas systématiquement, rendant alors son observation difficile.

Quelques jours après la contamination, les fleurs infectées produisent un miellat contenant de nombreuses spores.

Un sclérote sur épi de blé.

Pour se développer, les sclérotes d’ergot ont besoin d’un hiver suffisamment froid suivi d’un printemps humide avec des températures comprises entre 10 et 25°C.

Un manque d’ensoleillement et du froid au stade « méiose » des céréales peuvent altérer la viabilité du pollen, entraînant une baisse de fertilité des épis. Les fleurs non fécondées « baillent » dans l’attente d’une fécondation croisée et sont particulièrement réceptives à une contamination par l’ergot. D’une manière générale, tous les accidents de fécondation de la plante hôte favorisent la contamination. Une vigilance accrue devra donc être nécessaire cette année.

Lire aussi : « Céréales à paille : comment diagnostiquer des problèmes de stérilité des épis ? »

Le charbon nu affecte surtout l’orge, le blé et parfois l’avoine, le seigle et le triticale. Cette maladie ne s’observe qu’à partir de l’épiaison sur les épis. Les symptômes apparaissent en foyer ou sur des tiges isolées.

Le charbon nu entraîne le remplacement des enveloppes de la graine par une masse noirâtre composée de spores (téliospores) pulvérulentes, sèches et noires, visibles peu après la sortie des épis. Les épis charbonnés sont généralement entièrement stériles et après dissémination des spores, seul persiste le rachis. D'où le nom de charbon nu.

La perte de rendement est proportionnelle au nombre d’épis charbonnés, qui oscille entre 1 à 10 %, mais peut atteindre 50 % dans le cas de contaminations sévères. Le plus souvent, les pertes de rendement sont minimes. Le charbon nu n’est pas toxique, la parcelle peut donc être récoltée et valorisée.

La transmission par la semence est la seule voie d’infection. La seule source de contamination est donc liée à l’utilisation de semences contaminées et non traitées. En revanche, les conditions climatiques du printemps peuvent favoriser les nouvelles infections en prolongeant la phase de sensibilité de la plante avec des fleurs « qui baillent » et des floraisons qui durent plus longtemps. La remontée d’observations significatives de charbon nu de l’orge dans certains secteurs et les conditions climatiques du printemps invitent donc à être vigilant dans les parcelles de multiplication et dans les préconisations sur les futurs traitements de semences.

Les symptômes ne sont visibles qu’à partir de l’épiaison. Les épis sont couverts de masses de spores pulvérulentes et noires, très facilement dispersées par le vent à la floraison.

La carie peut être présente sur différentes céréales. Le blé est très sensible à ce pathogène, avec des différences variétales. A l’inverse, le triticale est beaucoup plus résistant, tout comme l’orge et le seigle.

En plus de la perte de rendement due à des grains cariés, la carie conduit au déclassement de la récolte. Son incidence économique est donc très élevée.

Les plantes infectées sont généralement plus courtes et tallent plus que les plantes saines. A l’épiaison, les épis cariés présentent un aspect ébouriffé, un retard de maturité et une couleur vert glauque. Les glumes s'écartent anormalement et laissent apparaitre les grains cariés.

À la récolte, les grains cariés sont très légers, brun grisâtre à noirs et s’écrasent à la moindre pression. Ils libèrent une poussière de spores noires qui contaminent les épis voisins et le sol.

L'épi de blé carié conserve ses enveloppes florales (glumes, glumelles, arêtes). Il garde jusqu'à la moisson l’aspect d'un épi qui tout en étant ébouriffé peut passer inaperçu. Les grains contiennent des millions de spores qui contamineront le sol et les semences.

Attention aux semis tardifs

Les dates de semis précoces sont défavorables à la carie : la plante lève vite et échappe au parasite. Elle parvient très vite au stade 2-3 feuilles, stade au-delà duquel la contamination n’est plus possible. Inversement, les semis profonds et dans des conditions peu poussantes exposent davantage les plantes aux contaminations. Ainsi, une attention particulière pourra être apportée dans des zones à semis tardifs dans des parcelles potentiellement contaminées ou avec des semences non traitées.

Lors de campagne très humide, il est assez courant d’observer sur les épis de blé tendre des colorations allant du brun foncé au noir violacé, partant de la pointe des glumes, sous forme de stries. Avec la maturation des épis, cette coloration s’accentue grâce au contraste de couleur. Ces symptômes nommés black chaff de manière générique, peuvent être la conséquence de deux réactions complètement différentes.

Une réaction variétale nommée « pseudo‐black chaff » ou « mélanisme »

Cette réaction est régie par la génétique de la plante ou la réponse à un stress non spécifique. Certaines variétés produisent en effet des pigments, les mélanines qui sont à l’origine de cette coloration. D’ailleurs, cette réaction variétale spécifique a longtemps été utilisée par les sélectionneurs car une corrélation importante existe entre le mélanisme et la présence d’un gène de résistance à la rouille noire (Sr2). Sans aucun impact sur le rendement ou la qualité des récoltes, les stries peuvent être présentes sur les glumes, les rachis et le col de l’épi mais ne seront généralement pas visqueuses. Le grain apparaît parfaitement sain. Enfin, dans les mêmes conditions pédoclimatiques, la réaction sera assez homogène entre les épis d’une même variété.

Des bactérioses à la répartition hétérogène

Le black chaff sensu stricto est une maladie causée par une bactérie nommée Xanthomonas campestris pv. Transluscens. Cette bactérie est soit transmise par la semence soit par un inoculum provenant des débris ou des hôtes alternatifs. Elle se développe de manière épiphyte sur les feuilles et remonte les étages foliaires, véhiculées par les éclaboussures de pluie (splashing) jusqu’à l’épi. D’après des études réalisées aux Etats-Unis, les parcelles sous irrigation semblent les plus sensibles.

Si les symptômes observés sur les glumes sont similaires à ceux causés par le mélanisme, les stries présentent un aspect visqueux associé au développement des bactéries. Contrairement à une réaction variétale, les grains sont touchés et les feuilles peuvent également présentées des nécroses en forme de stries longitudinales entre les nervures. Cette maladie est rarement décrite comme présente en France et les symptômes seront probablement moins homogènes d’une parcelle à l’autre pour une même variété.

Une autre bactérie, Pseudomonas syringae pv. atrofaciens peut causer des symptômes plus ou moins proches de ceux du black chaff. Mais, à la différence de ce dernier, où les symptômes apparaissent généralement par le haut de la glume, les symptômes débutent généralement par la base de la glume (d’où le nom anglais « basal glume Rot ») et sont plus intenses à l’intérieur de la glume qu’à l’extérieur.

Symptômes de « pseudo black chaff » observés en 2016.

Le black chaff et pseudo black chaff peuvent être confondus avec de la septoriose des épis causés par Parastagonospora nodorum, qui est la seule espèce du complexe « septoriose » capable de générer des symptômes sur les épis.

Des colorations brunes à violacées apparaissent sur l’épi, parfois sous forme de stries. Comme toutes les espèces responsables de la septoriose, P. nodorum produit des pycnides (structures de fructification du champignon de forme sphérique) brun‐noir, qui sont la clef du diagnostic. L’observation de ces pycnides sur les glumes, associée à la présence de septoriose sur le feuillage, permet une identification sûre. Par sa capacité à infecter les épis, et donc les grains, P. nodorum est transmissible par la semence.

Photo de septoriose sur épis avec observation de pycnides.

Lorsque le temps est pluvieux en fin de cycle et spécialement lorsque les récoltes sont retardées, les épis de blé prennent une coloration noire liée au développement superficiel de champignons saprophytes, appelés fumagines (qui vient de « fumée ») à cause de la couleur noire. Ces champignons saprophytes, également appelés parasites de faiblesse, sont non spécifiques d’un hôte et peuvent affecter toutes les céréales. Le plus souvent, les symptômes sont visibles sur des épis dispersés correspondant à une sur-maturité de ces épis, mais les fumagines peuvent aussi se développer sur une partie, voire dans toute la parcelle, mais avec seulement quelques épis au m². En effet, dans le cas d’une sur-maturité liée à un stress biotique ou abiotique survenu en cours de saison, la densité d’épis noirs peut être très importante et concerner des foyers comme la totalité de la parcelle.

Sur épis, les tissus nécrosés par les fumagines sont généralement de nature superficielle au niveau des glumes.