Conservation - Le nettoyage des grains, un puissant levier contre les insectes au stockage
Le nettoyage des grains s’avère très efficace pour gérer les populations d’insectes au stockage. Un essai conduit sur des lots de blé tendre infestés en charançons du riz ou capucins des grains vient démontrer que cette technique agit aussi bien sur les formes adultes que sur les formes « cachées » des ravageurs.
Le nettoyage des lots présente un intérêt pour accéder aux différents marchés. Dans le cadre des échanges commerciaux, les contrats fixent une absence d’insectes vivants.
Le nettoyage est souvent considéré comme un procédé « esthétique » permettant au lot de respecter des critères commerciaux, sans réellement impacter les formes cachées d’insectes.
Un essai ARVALIS conduit sur la plateforme Métiers du grain de Boigneville (91) vient contredire cette idée reçue.
Deux espèces d’insectes primaires au banc d’essai
Cet essai a porté sur les deux espèces d’insectes primaires (développement en partie dans le grain) les plus présentes en France : le charançon du riz et le capucin des grains.
Douze lots de 90 kg de blé tendre (variété Pakito à 14,9 % de teneur en eau) ont été infestés, à hauteur de 5 insectes/kg, soit en charançons du riz, soit en capucins des grains. Après une période de ponte (génération des formes cachées), les lots de blé infestés ont été nettoyés ou transilés (simulation par transvasement dans un autre contenant).
Pour cet essai, un nettoyeur séparateur plan pilote a été utilisé (mini PEKTUS ROHR 200). Il permet de récupérer les freintes de nettoyage individuellement : déchets d’émottage, de criblage, d’aspiration légers et d’aspiration mi-lourds. L’efficacité sur les insectes adultes a été évaluée en observant le nombre d’insectes restant dans le bon grain après nettoyage. Leur répartition dans les freintes a également été étudiée. L’efficacité sur les formes cachées des insectes (réduction d’émergence) a été évaluée par incubation d’échantillons de grains prélevés avant et après nettoyage (ou transilage).
Une efficacité quasi-totale du nettoyage sur les insectes adultes, notamment via l’aspiration
Les taux d’abattement engendrés par le nettoyage ont été systématiquement de 100 % pour le charançon du riz et de 96,5 % pour le capucin des grains. Pour les deux espèces étudiées, la majorité des adultes a été récupérée dans les déchets d’aspiration mi-lourds (figure 1), dans des proportions différentes selon que les insectes sont vivants ou morts.
Figure 1 : Répartition des insectes adultes dans les freintes de nettoyage
La part de charançons récupérée via l’aspiration est de 100 % s’ils sont morts et de 90 % s’ils sont vivants. Pour le capucin des grains, les proportions restent les mêmes dans les deux cas. Il est à noter que pour obtenir un tel niveau d’efficacité, un nettoyage réalisé à environ 40 % du débit nominal doit être envisagé, selon un essai mené en 2015 sur la PFMG. Enfin, les freintes doivent ensuite être rapidement évacuées car elles seront très fortement infestées (261 insectes/kg pour 1,9 % de freintes dans cet essai).
Le mouvement du grain aurait un impact direct sur les formes cachées des insectes
Cet essai montre également que le nettoyage ou le transilage des grains a un effet sur les formes cachées d’insectes, sans écart significatif entre les deux techniques. En revanche, cette efficacité dépend de l’espèce d’insecte et de leur niveau d’infestation initial (figure 2).
Figure 2 : Impact sur les formes cachées d'insectes primaires selon que le grain est nettoyé ou transilé, en fonction du niveau d’infestation initial
Pour le capucin des grains, la relation entre réduction d’émergence et niveau d’infestation initial est très claire, et statistiquement significative. Pour le charançon du riz, la réduction d’émergence semble constante (67 % en moyenne).
Ainsi, puisqu’il n’y a pas de différence significative entre l’effet d’un nettoyage et d’un transilage mais qu’une mortalité des formes cachées est systématiquement observées, il semble qu’un simple mouvement du grain - même léger - puisse les impacter.
Le peu d’études ayant traité le sujet confirme cela et précise les conditions de succès. Deux études ont en effet clairement démontré que la mortalité causée par une chute de grain dépend de la sévérité du choc (hauteur de chute), de la répétition du choc et du stade de développement de l’insecte. Ainsi des chutes de 11 m de hauteur, réalisées 2 fois par mois ont permis de réduire de 76 % l’infestation en formes cachées du charançon du riz. Concernant les stades de sensibilité aux chocs mécaniques, les formes cachées les plus tardives (larve de 4e stade et nymphe) sont les plus sensibles, d’où la nécessité de répéter l’opération.
La bibliographie considère le nettoyage des grains comme pleinement efficace sur les insectes secondaires (développement strictement externe au grain). Notre étude montre qu’un nettoyage des grains réalisé à intervalle régulier sur une infestation en insectes primaires détectée précocement peut permettre d’atteindre une mortalité très élevée voire totale des formes cachées.
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