Chrysomèle du maïs : raisonner sa stratégie de protection insecticide au semis en pluriannuel
En Alsace, tous les bassins de production du maïs sont désormais concernés par la problématique chrysomèles. Il est nécessaire d’aborder sa stratégie de lutte à l’échelle de la rotation.

L’incidence des dégâts de larves de chrysomèles est restée limitée en 2024. Toutefois, la surveillance des adultes réalisée au cours de l’été à l’aide de pièges chromatiques montre que près de 15 % des parcelles ont capturé plus de 5 individus par piège et par jour de surveillance : soit une abondance susceptible d’entraîner une nuisibilité économique pour les semis de printemps 2025 si du maïs est à nouveau cultivé dans ces parcelles.
En Alsace, la proportion de parcelles ayant capturé entre 0,5 et 5 individus par jour et par piège est de 74 %. Ce qui signifie que la chrysomèle du maïs est largement présente dans un grand nombre de champs, sans que l’abondance soit susceptible d’occasionner une nuisibilité à très court terme. Il conviendra de poursuivre la surveillance des populations de chrysomèles du maïs dans ces situations.
Les résultats pluriannuels témoignent d’une augmentation régulière de la fréquence de parcelles dont le niveau de capture est supérieur à 0,5 adulte par piège et par jour. L’objectif est de maintenir un taux dépassant 5 adultes/piège/jour en-dessous de 15-20 % en cultivant une autre culture que du maïs l’année suivante dans les situations les plus à risque.
Par ailleurs, les traitements à l’aide de pyréthrinoïdes contre les pyrales réalisés début juillet n’ont eu que très peu d’effet sur les adultes de chrysomèles ayant émergé mi-août en 2024. Cela laisse à penser que les populations de larves seront toujours abondantes en début d’été 2025.
La protection insecticide au semis : un complément utile
L’application d’une protection insecticide au semis du maïs vise deux objectifs sur cibles chrysomèles :
- réduire les dégâts des larves sur les racines du maïs pour l’année N ;
- limiter l’abondance d’adultes qui émergeront de la parcelle (pour limiter la population dans la parcelle et les parcelles environnantes en année N+1).
Réduction des dégâts sur racines
Concernant la réduction des dégâts sur racines l’année N, les essais menés en Italie en 2019 puis en Alsace en 2023 et 2024 ont mis en évidence une efficacité de l’ordre de 40 à 80 % selon les produits. Cela se traduit par un gain de rendement de 16 à 19 q/ha en Alsace en 2023 et 2024 (soit 10 à 15 %) pour la meilleure modalité testée (figure 1). Ces essais alsaciens ont été conduits en situation irriguée : la perte de rendement pourrait être bien plus élevée en cas de stress hydrique plus important.
![Figure 1 : Intérêt d’une protection insecticide appliquée au semis sur les dégâts observés sur racines [NIS], sur le nombre d’adultes ayant émergé et sur le rendement – Synthèse de deux essais réalisés en Alsace en 2023 et 2024](/sites/default/files/styles/block_img/public/articles/imported/fig1_mais_als.jpg?itok=Dct_x3KA)
L’application d’une telle protection est conseillée dans les situations où l’abondance de populations de chrysomèles est importante mais sans dépasser le seuil de risque, soit des populations entre 0,5 et 5 captures d’adultes par piège et par jour. Lorsque l’abondance dépasse ce seuil, l’emploi d’une protection insecticide au semis ne sera plus suffisant : mieux vaut alors substituer le maïs par une autre culture l’année suivante. En situation de faible infestation de chrysomèles du maïs, sans risque de dommage économique, l’application d’une protection insecticide pour la cible chrysomèles uniquement ne sera pas rentabilisée car elle ne procurera pas de gain de rendement.
Limitation de l’émergence des adultes
En ce qui concerne la limitation de l’émergence d’adultes de la parcelle, les essais menés en Italie en 2019 mettaient en évidence une efficacité variant de 50 % pour Force 1.5G (12,2 kg/ha), à 30 % pour les autres solutions, telles que Karaté 0.4GR (15 kg/ha) et Force 20CS (traitement de semences). Les deux essais réalisés en Alsace en 2023 et 2024 montrent des efficacités légèrement supérieures, de l’ordre de 70 % pour Force 1.5G (12,2 kg/ha), 33 % pour Belem 0.8MG (12 kg/ha) et 41 % pour Force 20CS (figure 2). Les résultats, acquis dans des contextes différents, confirment l’intérêt de la protection insecticide appliquée au semis sur la réduction de populations.

S’il n’y avait qu’une chose à retenir

Quelques rappels
En cas de forte population, les larves occasionnent des dommages au système racinaire du maïs, ce qui augmente l’exposition de la plante au stress hydrique et à un risque de verse. La perte de rendement est alors proportionnelle à l’abondance de larves d’une part, et aux conditions climatiques/stress hydrique d’autre part. Seule l’observation des racines, de préférence autour de la floraison, permet d’identifier les éventuels dégâts racinaires.
La rotation, pilier de la gestion de la chrysomèle
Le levier le plus efficace consiste à rompre la culture de maïs dans la parcelle durant une année. En effet, l’insecte a besoin de consommer des racines de maïs durant son stade larvaire pour accomplir son développement. En absence de maïs au cours du printemps qui suit les pontes (déposées l’été précédent), la quasi-totalité de la population de chrysomèles du maïs présente dans la parcelle sera anéantie. Une seule année suffit pour détruire près de 100 % de la population et assainir la parcelle. Lorsque du maïs sera à nouveau cultivé, des adultes de chrysomèles du maïs provenant des parcelles environnantes viendront à nouveau déposer des œufs dans la parcelle où la population augmentera d’autant plus vite que :
- la densité de parcelles où la culture de maïs succède à une autre culture de maïs est importante dans la petite région agricole où se situe la parcelle ;
- le type de sol et les conditions d’humidité du sol au cours du printemps favorisent la survie des jeunes larves. A noter que les sols sableux sont défavorables à la chrysomèle du maïs, tout comme les sols hydromorphes et très humides au moment de l’éclosion des œufs en mai.
Ne pas cultiver de maïs durant une année est un levier efficace mais coûteux si aucune autre culture ne permet de dégager une marge économique équivalente. C’est pourquoi cette mesure doit être mise en place en priorité dans les parcelles où les adultes de chrysomèle du maïs ont été les plus abondants l’année précédente.
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