Articles et actus techniques

Chrysomèle du maïs : des solutions à adapter à l’abondance des populations

Le levier le plus efficace contre la chrysomèle du maïs consiste à ne plus cultiver de maïs dans la parcelle durant une année pour anéantir près de 100 % de la population. Une protection insecticide appliquée au semis peut être intéressante pour réduire les dégâts de larves et l’émergence d’adultes, mais elle ne sera jamais suffisante pour endiguer une population abondante de chrysomèle du maïs. Ces techniques de lutte doivent être proportionnées selon le risque de nuisibilité du ravageur, évalué grâce au piégeage des adultes durant l’été précédent.

Chrysomèle du maïs : le point sur les méthodes de lutte

En cas de forte population, les larves de chrysomèle occasionnent des dommages au système racinaire du maïs, ce qui augmente l’exposition de la plante au stress hydrique et à un risque de verse. La perte de rendement est alors proportionnelle à l’abondance de larves d’une part et aux conditions climatiques d’autre part.

Les attaques les plus sévères peuvent occasionner la verse des maïs, mais les dommages peuvent également passer inaperçus. Seule l’observation des racines, de préférence autour de la floraison, permet d’évaluer l’ampleur des dégâts.

Figure 1 : Eléments de biologie de la chrysomèle du maïs et de son incidence sur la culture
Figure 1 : Eléments de biologie de la chrysomèle du maïs et de son incidence sur la culture

 La rotation, pilier de la gestion de la chrysomèle du maïs

Le levier le plus efficace consiste à rompre la culture de maïs dans la parcelle durant une année. En effet, l’insecte a besoin de consommer des racines de maïs durant son stade larvaire pour accomplir son développement. En l’absence de maïs au cours du printemps qui suit les pontes (déposées l’été précédent), la quasi-totalité de la population de chrysomèle du maïs présente dans la parcelle sera anéantie. Une seule année suffit pour détruire près de 100 % de la population et assainir la parcelle.

Lorsque du maïs sera à nouveau cultivé, des adultes de chrysomèle du maïs provenant des parcelles environnantes viendront à nouveau déposer des œufs dans la parcelle. La population augmentera d’autant plus vite que :

  • la densité de parcelles où la culture de maïs succède à une autre culture de maïs est importante dans la petite région agricole où se situe la parcelle,
  • le type de sol et les conditions d’humidité du sol au cours du printemps favorisent la survie des jeunes larves. A noter que les sols sableux sont défavorables à la chrysomèle du maïs, tout comme les sols hydromorphes et très humides au moment de l’éclosion des œufs en mai.

Ne pas cultiver de maïs durant une année est un levier efficace mais coûteux si aucune autre culture ne permet de dégager une marge économique équivalente au maïs. C’est pourquoi, cette mesure doit être mise en place en priorité dans les parcelles où les adultes de chrysomèle du maïs ont été les plus abondants l’année précédente (tableaux 1 et 2).

Lire aussi : « Chrysomèle du maïs : bilan des captures en 2024 »

Tableau 1 : Recommandations techniques pour gérer la chrysomèle du maïs dans le maïs grain et le maïs fourrage en Alsace et Rhône-Alpes, en fonction du nombre d’adultes capturés sur pièges chromatiques au cours de l’année précédente
Tableau 1 : Recommandations techniques pour gérer la chrysomèle du maïs dans le maïs grain et le maïs fourrage en Alsace et Rhône-Alpes, en fonction du nombre d’adultes capturés sur pièges chromatiques au cours de l’année précédente

* Valeur indicative. Les seuils pratiqués dans d’autres pays oscillent entre 5 (aux USA sous conditions pluviales) et 10-15 adultes/piège/jour (en Italie sous conditions d’irrigation non limitantes). Ces valeurs restent à préciser pour les différents contextes pédoclimatiques rencontrés en France.
** Une protection insecticide appliquée au semis peut éventuellement être mise en œuvre pour réduire le nombre d’adultes qui émergeront de la parcelle. Dans le cadre de la protection contre la chrysomèle du maïs, la protection insecticide n’est pas justifiée pour la culture de maïs de l’année N si la culture de l’année N-1 n’est pas du maïs.

Tableau 2 : Recommandations techniques pour gérer la chrysomèle du maïs dans le maïs grain et le maïs fourrage ailleurs qu’en Alsace et Rhône-Alpes, en fonction du nombre d’adultes capturés sur pièges à phéromone au cours de l’année précédente
Tableau 2 : Recommandations techniques pour gérer la chrysomèle du maïs dans le maïs grain et le maïs fourrage ailleurs qu’en Alsace et Rhône-Alpes, en fonction du nombre d’adultes capturés sur pièges à phéromone au cours de l’année précédente

La protection insecticide au semis : un complément parfois utile

L’application d’une protection insecticide au semis du maïs peut être intéressante dans les situations où l’abondance de population de chrysomèle du maïs est importante mais sans dépasser le seuil de risque de 5 adultes capturés par piège chromatique par jour. Lorsque ce seuil est dépassé, ce traitement ne sera plus suffisant et mieux vaut substituer le maïs par une autre culture l’année suivante. En situation de faible infestation où il n’y a pas de risque de dommage économique (moins de 0,5 adultes capturés par piège et par jour), une protection insecticide spécifique sur cette cible ne sera pas rentabilisée car elle ne procurera pas de gain de rendement.

Des différences entre produits insecticides

Pour rappel, l’application d’une protection insecticide au semis du maïs vise deux objectifs :

  • Réduire les dégâts des larves sur les racines du maïs pour l’année N ;
  • Limiter l’abondance d’adultes qui émergeront de la parcelle, et donc limiter la population de larves pour l’année N+1 dans cette parcelle et les parcelles environnantes.

Concernant la réduction des dégâts sur racines l’année N, les essais menés en Italie en 2019 puis en Alsace en 2023 et 2024 ont mis en évidence une efficacité de l’ordre de 40 à 80 % selon les insecticides appliqués au semis. Cela se traduit par un gain de rendement de 16 à 19 q/ha en Alsace en 2023 et 2024 (soit +10 à +15 %) pour la meilleure modalité testée (figure 2).

A noter que ces essais alsaciens ont été conduits en situation irriguée : la perte de rendement pourrait être bien plus élevée en cas de stress hydrique plus important.

Figure 2 : Intérêt d’une protection insecticide appliquée au semis sur les dégâts de larves de chrysomèle du maïs sur racines [échelle de notation NIS], sur le nombre d’adultes ayant émergé et sur le rendement
Figure 2 : Intérêt d’une protection insecticide appliquée au semis sur les dégâts de larves de chrysomèle du maïs sur racines [échelle de notation NIS], sur le nombre d’adultes ayant émergé et sur le rendement - Synthèse de 2 essais réalisés en Alsace en 2023 et 2024
Synthèse de 2 essais réalisés en Alsace en 2023 et 2024

En ce qui concerne la réduction du nombre d’adultes émergents de la parcelle, les essais menés en Italie en 2019 mettaient en évidence une efficacité variant de 50 % pour Force 1.5G (12,2 kg/ha) à 30 % pour les autres solutions telles que Karaté 0.4GR (15 kg/ha) et Force 20CS (traitement de semences). Les deux essais réalisés en Alsace en 2023 et 2024 montrent des efficacités légèrement supérieures, de l’ordre de 70 % pour le Force 1.5G (12,2 kg/ha), 33 % pour le Belem 0.8MG (12 kg/ha) et 41 % pour Force 20CS (traitement de semences). Les résultats, acquis dans des contextes différents, confirment l’intérêt de la protection insecticide appliquée au semis sur la réduction de population, avec néanmoins des différences selon la solution insecticide appliquée.

Au final, la protection insecticide appliquée au semis peut contribuer à limiter partiellement l’accroissement de population de chrysomèle du maïs. Cet effet peut s’avérer intéressant dans le cas d’une population déjà significative sur la parcelle, c’est-à-dire lorsque les niveaux de captures sur pièges chromatiques se rapprochent des seuils de risque. Mais aucune protection insecticide appliquée au semis ne sera suffisante pour endiguer une population abondante de chrysomèle du maïs.

Figure 3 : Stratégie de lutte contre la chrysomèle du maïs dans les secteurs où les populations sont abondantes (Alsace et Rhône-Alpes en 2024)
Figure 3 : Stratégie de lutte contre la chrysomèle du maïs dans les secteurs où les populations sont abondantes (Alsace et Rhône-Alpes en 2024)

Réagissez !

Merci de vous connecter pour commenter cet article.