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Bourgogne-Franche-Comté

Blé tendre : quand positionner l’apport du stade tallage ?

Le premier apport d’azote peut être effectué à la reprise de végétation en sortie d’hiver, quand la culture atteint le stade « début tallage ». On peut estimer la reprise de végétation après 200°C j cumulés à partir du 1er janvier. Qu’en est-il pour cette année ?

Un homme photographie la végétation pour estimer l'indice foliaire du blé tendre - bilan azoté en sortie d'hiver et préconisation des apports de fertilisation, début janvier 2025 en Franche-Comté

Après un automne particulièrement humide, un climat hivernal « dans la normale »

Le cumul moyen de pluie depuis le 1er octobre 2024 se situe entre 250 et 300 mm dans l’Yonne et la Côte d’Or, soit légèrement supérieur à la médiane de ces 20 dernières années. Les fortes pluviométries du début de l’automne ont comme conséquence des implantations dans des conditions parfois dégradées. Par ailleurs, les cumuls de températures observés depuis le 1er octobre 2024 sont également dans la moyenne, mais avec un ensoleillement restreint, des herbicides racinaires et une fréquence élevée de limaces ; on peut observer un léger retard de végétation sur la sole implantée entre le 25 octobre et 15 novembre. Les cultures se développent normalement et les semis du 25 octobre au 5 novembre (la majorité) sont actuellement au stade début tallage. Pour les semis plus tardifs, le modèle de prévisions des stades indique une arrivée du stade début tallage pour début février. Toutefois, le peuplement sortie d’hiver a pu être impacté dans les zones ayant souffert des excès d’eau, surtout pour les semis les plus tardifs de novembre.

Carte 1 : Cumuls de pluies du 1er octobre 2024 au 10 janvier 2025 en mm en Bourgogne-Franche-Comté
Carte 1 : Cumuls de pluies du 1er octobre 2024 au 10 janvier 2025 en mm - en Bourgogne / Franche-Comté
Source : ARVALIS
Carte 2 : Cumul de pluies excédentaire du 1er octobre 2024 au 10 janvier 2025 par rapport à la médiane des vingt dernières années en Bourgogne-Franche-Comté
Carte 2 : Cumul de pluies excédentaire du 1er octobre 2024 au 10 janvier 2025 par rapport à la médiane des vingt dernières années en Bourgogne-Franche-Comté
Source : ARVALIS

Le modèle CHN indique une minéralisation de l’humus de l’ordre de 70 unités en plaine et de 75 unités sur les plateaux (courbe noire), soit environ 15 unités de plus que la moyenne de ces cinq dernières années. En lien avec les fortes pluies de cet automne, la totalité de cet azote minéralisé ne pourra pas être valorisée par la plante, puisqu’une partie a percolé vers les horizons plus profonds (courbe verte), en particulier sur les sols superficiels. Il est à noter que le développement racinaire de nombreuses parcelles n’aura pas permis de capter cette minéralisation automnale avant que les gelées de mi-janvier arrivent (cas des blés de tournesol ou de maïs fauchés tardivement par exemple). Ces graphiques restent toutefois des estimations et seuls les reliquats sortie d’hiver (RSH) permettront de mesurer finement les fournitures actuelles du sol en azote.

Figure 1 : Flux d’azote pour le cas-type plaine (à gauche) et plateaux (à droite) d’après le modèle CHN 
Figure 1 : Flux d’azote pour le cas-type plaine (à gauche) et plateaux (à droite) d’après le modèle CHN 
Minéralisation humus 2025 (courbe noire) = 65 uN en Plaine et 75 uN sur plateaux du 1er août 2024 au 10 janvier 2025. Moyenne minéralisation humus 2020-2024 = 50 uN en plaine et 60 uN sur plateaux

Ne pas dépasser 40 kg N/ha en cas d’apport au tallage

Cette année, la somme des « 200°C j cumulés à partir du 1er janvier » sera atteinte entre le 15 et le 25 février. Réglementairement, en zones vulnérables, les premiers apports au stade tallage pourront être réalisés à partir du 1er février (tableau 1). Attention, la date réglementaire du 1er février n’est pas un seuil technique pour déclencher les apports, il faut raisonner au cas par cas !

Tableau 1 : Fractionnement des apports pour les zones vulnérables – Directive Nitrates BFC
Tableau 1 : Fractionnement des apports pour les zones vulnérables – Directive Nitrates BFC
Pour rappel, l’apport « tallage » a pour but de permettre à la plante d’atteindre le stade épi 1 cm sans subir de carence azotée. Les besoins de la plante entre le semis et le stade épi 1 cm sont faibles et estimés à 60 kg N/ha maximum (fournitures du sol comprises).

Le premier apport ne doit donc pas dépasser 40 kg N/ha dans la mesure où :

  • l’excédent ne sera pas valorisé par la plante, il ne permet donc pas de maximiser le rendement ou la teneur en protéines. Les coefficients apparents d’utilisation de l’azote à ces stades précoces sont en moyenne faibles de l’ordre de 50 %.
  • un excès d’azote peut entraîner des problèmes de verse physiologique, de même que favoriser l’apparition des maladies. Il peut aussi favoriser la production de biomasses en limitant la régression de talles, ce qui pourrait être préjudiciable pour la plante dans la suite du cycle, en particulier en situations de sols superficiels.

Le déclenchement de l’apport tallage doit se raisonner en premier lieu en fonction des conditions d’implantation et/ou excès d’eau. Une des conséquences de mauvaises conditions d’implantation, liées par exemple à l’excès d’eau et l’anoxie, est une croissance des cultures ralentie qui se traduit par des enracinements superficiels. Par ailleurs, en terres superficielles, les faims d’azote sont fréquentes en précédent paille sur les semis antérieurs aux pluies de mi-octobre et masquent parfois la mosaïque Y2 des orges d’hiver. Dans ces contextes, il est recommandé d’éviter toute impasse sur le premier apport en sortie d’hiver sur des cultures dont les racines sont sans doute moins actives. Dans un second temps il sera peut-être opportun de réactualiser l’objectif de rendement. On considère généralement que le seuil de 60 à 100 pieds/m² relativement bien répartis permet de conserver la culture et de couvrir les frais engagés, sans pour autant espérer un rendement élevé.

A contrario, des blés qui ont connu une bonne qualité d’implantation, avec un reliquat d’azote sortie hiver supérieur ou égal à 60 kg N/ha sur toute la profondeur d’enracinement, peuvent subir une impasse de l’apport d’azote au stade tallage (figure 2).

Figure 2 : Arbre de décision - Raisonner l'apport d'azote au tallage
Figure 2 : Arbre de décision - Raisonner l'apport d'azote au tallage

Mais avant cela, la priorité devra être donnée au désherbage antigraminées, et non aux apports d’azote, afin éviter de « fertiliser » les adventices et d’ajouter un facteur limitant supplémentaire.

L’utilisation d’OAD reste une fois de plus incontournable pour adapter sa fertilisation en 2025.

Consultez l’article avec les besoins unitaires en azote des variétés de blés, pour ajuster au mieux la dose.

Et les orges ?

La fertilisation azotée des orges d’hiver s’appuie classiquement sur deux apports : le premier à début tallage et le second au stade épi 1 cm. Les essais d’ARVALIS montrent que si la dose totale dépasse 140 kg N/ha, il est possible de fractionner en trois apports sans risque de perte de rendement. Cela peut aider à assurer une meilleure efficacité des engrais, en particulier en conditions climatiques sèches en début de montaison, autour du stade épi 1 cm. Pour les orges brassicoles, on privilégiera un troisième apport autour du stade 2 nœuds maximum afin de ne pas risquer le dépassement des seuils de teneur en protéines Ainsi, pour le pilotage de l’orge d’hiver brassicole, il est indispensable de mettre en place une zone sur-fertilisée pour pouvoir utiliser la méthode HN-Tester. Cette méthode est valable aussi pour les blés améliorants.

Cas particulier des orges de printemps semées à l’automne (OPA)
Semées entre le 5 et le 15 novembre, ces orges sont au stade 2 feuilles. Leur cycle est décalé avec les orges d’hiver et il convient de ne pas fertiliser en même temps l’orge d’hiver et l’OPA, car elles ne seront pas au même stade : il faut bien attendre le stade tallage de l’OPA pour réaliser le premier apport d’azote. D’autant que les teneurs en protéines des OPA sont fréquemment trop basses (limite inférieure 9,5 %).

Les reliquats sortie d’hiver : réaliser une mesure fiable pour ajuster au mieux la fertilisation azotée

Le niveau de reliquat d’azote minéral en sortie d’hiver (RSH) est le résultat de différents processus liés au sol. Il dépend de la quantité d’azote minéral laissée par la culture précédente, de la production par minéralisation dans le sol, de la consommation d’azote par les couverts pendant l’automne et du drainage hivernal. Le RSH est un poste du bilan prévisionnel d’azote. Connaître cet indicateur permet d’ajuster au plus juste la dose totale d’azote à apporter… C’est le moment de faire les prélèvements !

On rappelle que dans le cadre de la Directive Nitrates, les exploitations ayant au moins 3 hectares en zone vulnérable (ZV) doivent réaliser au moins un RSH sur une des trois cultures principales de l’exploitation. Par ailleurs, les exploitations ayant plus de 100 ha de céréales à paille en ZV devront réaliser un RSH sur au moins deux îlots culturaux exploités en ZV, soit au minimum deux mesures de reliquat.

Comment réaliser une mesure fiable ?
Le prélèvement doit être réalisé au sein d’une zone homogène, dans un cercle de 20 à 30 mètres de diamètre. Il faut au minimum 14 carottages pour constituer un échantillon représentatif. Un prélèvement sur toute la diagonale de la parcelle est également possible si la parcelle est homogène.
L’idéal est de prélever sur toute la profondeur d’enracinement de la culture considérée, par horizon de 30 cm. Pour chaque horizon du sol (0-30 cm, 30-60 cm, 60-90 cm...), les carottes seront ensuite soigneusement mélangées afin de constituer un échantillon « moyen » caractéristique de la parcelle.
Pour chaque horizon (0-30, 30-60 et 60-90 cm), il y a un sachet à remplir et à conserver au froid.
Enfin, les échantillons doivent être envoyés au laboratoire soit à l’état réfrigéré (4°C - dans un délai de 2 à 3 jours après le prélèvement), soit à l’état congelé (- 18°C) pour un envoi différé.
Les prélèvements doivent se faire le plus tard possible mais de manière à avoir les résultats avant le premier apport d'azote de sortie hiver.
À retenir :
- C’est le moment de faire vos RSH ! Veiller à réaliser des mesures fiables.
- Les modèles montrent une bonne minéralisation de l’humus, mais également des pertes d’azote par lessivage liés aux fortes pluies de cet automne, amplifiées en sols superficiels.
- Les semis du 20 octobre sont actuellement au stade début tallage, avec un développement « normal ». Le peuplement sortie d’hiver et les enracinements des céréales ont pu être impactés dans les zones ayant souffert des excès d’eau.  
- Veiller à raisonner l’apport d’azote au tallage. Les zones à mauvais enracinement ont besoin d’être biberonnées (max 40 uN), tandis qu’une impasse est possible dans les zones en sols profonds et avec des bons reliquats (> 60 uN sur les 3 horizons).
 - Prioriser certains travaux (désherbage antigraminées) une fois les gelées terminées

Article rédigé par les partenaires de « Blé Orge Objectifs Protéines » (BOOP) Bourgogne-Franche-Comté 
CHAVASSIEUX Diane et BOUNHOURE Léa (ARVALIS), BLAS Jérémie (CA21), CHOPARD Patrick (CA39), COURBET Emeric (CA70), LOISEAU Marie-Agnès (CA89), LOISEAU Marie-Agnès (CA89), ZAMBOTTO Cédric (CA58), VILLARD Antoine (CA71), DERELLE Damien (SeineYonne), FLAMAND Romain (SAS Bresson), ROBLIN Yohann (Interval), LACHMANN Alexandre (Bourgogne du Sud), MIMEAU MICKAËL (Alliance BFC), BONNIN Emmanuel (Soufflet Agriculture) et FOLTIER Benjamin (Axereal).

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