Articles et actus techniques
Poitou-Charentes

Blé tendre et blé dur : faut-il prévoir un traitement fongicide contre les fusarioses ?

Les risques fusarioses Fusarium roseum et Michrodochium spp. dépendent très largement des quantités de précipitations autour de la floraison. Les conditions relativement humides courant montaison et les pluies répétées de ces derniers jours ont pu favoriser le développement de l’inoculum initial et donc, augmenter le pouvoir infectieux des différents champignons responsables des maladies sur épis. Le risque de contamination des épis est donc non négligeable. Un bref répit est annoncé cette fin de semaine. Par ailleurs, ces conditions pluvieuses récentes et à venir vont contribuer à maintenir la pression maladies foliaires élevée, notamment vis-à-vis de la septoriose, comme nous n’en avons pas vu depuis plusieurs années.

Symptômes de Microdochium spp. sur blé

Les blés les plus précoces sont en cours de floraison (semis d’octobre, variétés précoces semées en novembre). Pour les autres semis de novembre et décembre, ce devrait être en milieu/fin de semaine prochaine.

Le risque fusarioses dépendra fortement du risque agronomique initial de la parcelle et de la sensibilité de l’espèce et des variétés. Cette évaluation des risques a priori est importante pour décider, en fonction des situations, si un traitement spécifique anti-fusarioses est nécessaire à floraison.

Identifier le stade floraison 

L’apparition de la floraison survient, aussi bien pour les blés durs que pour les blés tendres, cinq à dix jours après épiaison. Le délai entre les deux stades est très court quand les températures sont élevées, plus long en cas de températures fraîches. Les prévisions pour les dix prochains jours indiquent des températures modérées qui devraient se traduire par un écart épiaison/floraison de six-sept jours environ.

Les dates réelles vont dépendre notamment des températures des prochains jours.

Tableau 1 : Enchaînements de stades observés ou prévus

Tableau 1 : Enchaînements de stades observés ou prévus

Astuce : repérer les zones les plus précoces de la parcelle, les étamines apparaissent souvent dans les passages de roues un ou deux jours avant le reste de la parcelle. Dès qu’elles sont visibles dans les passages, on peut donc programmer le traitement dans les 2/4 jours suivants, dès que les conditions climatiques sont favorables pour sa réalisation.

Evaluer le risque fusarioses sur épi a priori 

L’observation a posteriori est inutile, en effet, en présence de symptômes les traitements (trop tardifs) sont inefficaces. Les grilles spécifiques à chaque espèce permettent d’évaluer le risque en fonction des situations. Chaque grille tient compte de la pluviométrie autour de la floraison, du potentiel infectieux du sol (précédent cultural et enfouissement ou non des résidus de récolte) et de la sensibilité variétale.

Avec les conditions climatiques fraîches et humides, le risque maladies foliaires reste aussi élevé. Les pluies qui perdurent à l’approche de la floraison sont favorables à la contamination des épis par les fusarioses. Des températures élevées au moment de la contamination (floraison) favorisent Fusarium graminearum (optimum 20-22°C), qui peut entraîner la production de mycotoxines (DON) ; alors que des températures basses (optimum 16-18°C) favorisent Microdochium spp. (qui ne produit pas de mycotoxines). N’oublions pas que ces deux pathogènes ont en premier lieu un effet important sur le rendement.

Cette année, les températures annoncées pourraient permettre le développement d’une flore mixte. Mais attention, ce sont les conditions effectives au moment de la floraison qui seront les plus déterminantes.

En blé tendre :

  • Les parcelles concernées par un précédent maïs ou sorgho implantées sans labour ou avec résidus en surface devront s’acquitter d’un traitement à floraison, quelle que soit la sensibilité variétale.
  • Les parcelles ayant ce même précédent mais avec labour ou avec résidus enfouis s’acquitteront d’un traitement uniquement sur variétés sensible (note <3.5).
  • Les parcelles concernées par un précédent différent d’un maïs ou sorgho seront ciblées par un traitement uniquement sur variétés sensible (note < 3.5) et en cas de pluviométrie supérieure à 40 mm autour de la floraison (+/- 7 jours).

En blé dur, les parcelles ont souvent été peu touchées par les maladies foliaires induisant peu de protection (peu de rouille brune jusqu’à maintenant observée). Les conditions pluvieuses imposent un traitement dans les prochains jours, ciblé à floraison pour le risque fusarioses.

Protection des parcelles : choisir des produits polyvalents

Plusieurs substances actives de la famille des triazoles ont une action sur les fusarioses. Certaines solutions à base de triazole solo (metconazole, tébuconazole, bromuconazole) peuvent être plus économiques mais n’agissent que sur les flores Fusarium graminearum. Si l’année confirme un risque de flore mixte, il sera plutôt conseillé d’intervenir avec des solutions qui combinent les substances actives les plus efficaces : une base prothioconozale associée à du tébuconazole ou metconazole ou encore de la fluoxastrobine et viser la dose haute en situation à risque élevé fusarioses et complément/relai vis-à-vis des maladies foliaires. En fonction du programme déjà réalisé sur la parcelle, penser à l’alternance des matières actives pour cette intervention.

Quel que soit le produit, l’efficacité maximale sur fusarioses reste autour de 50 à 60 % pour les meilleurs produits et est atteinte quand les conditions d’application sont optimales.

Si les conditions météo sont réunies au moment de la floraison, nous conseillons une protection fongicide en situations à risque (variétés sensibles, précédent maïs). Mais cette protection doit aussi être efficace sur les maladies foliaires, en particulier la septoriose et la rouille brune pour les variétés sensibles.

Du côté des maladies foliaires 

La septoriose a été, dans certaines situations (semis précoces, variété sensible), difficile à contrôler, notamment avec le positionnement du 2ème fongicide souvent un peu tardif et en curatif la semaine dernière sur des stades d’épiaison. Il est clair que les conditions froides et venteuses de la période 15-25 avril étaient peu propices aux interventions et au bon positionnement.

Il faudra aussi rester vigilent vis-à-vis de la rouille brune sur les situations où elle avait été signalée avec élévation des températures cette fin de semaine. Les éventuelles interventions pour lutter contre le risque fusarioses des épis permettront aussi d’être efficaces sur les maladies foliaires, en particulier la septoriose et la rouille brune pour les variétés sensibles. Sur blé dur notamment, les conditions climatiques peuvent être également favorables cette année à des attaques de Microdochium sur feuilles qui aggravent la nuisibilité.

Il conviendra surtout cette année de choisir un produit de protection efficace sur l’ensemble des cibles visées (fusarioses épis et relais vis-à-vis des maladies foliaires).

Tableau 2: Efficacité des produits sur les maladies d’épis et du feuillage du blé

Tableau 2 : Efficacité des produits sur les maladies d’épis et du feuillage du blé

Figure 1 : Grille d’évaluation du risque d’accumulation de DON (déoxynyvalénol) dans le grain de blé tendre et d’aide au traitement contre la fusariose sur épi (Fusarium graminearum)

Figure 1 : Grille d’évaluation du risque d’accumulation de DON (déoxynyvalénol) dans le grain de blé tendre et d’aide au traitement contre la fusariose sur épi (Fusarium graminearum)

Légende : recommandations associées à chaque niveau de risque 

1 et 2 : le risque fusariose est minimum et présage d’une bonne qualité sanitaire du grain vis-à-vis de la teneur en DON. Pas de traitement spécifique vis-à-vis des fusarioses quelles que soient les conditions climatiques.

3 : le risque peut être encore minimisé en choisissant une variété moins sensible. Traiter spécifiquement vis-à-vis des fusarioses en cas de climat humide (cumul de pluie > 40 mm pendant la période entourant la floraison).

4 et 5 : il est préférable d’implanter une variété moins sensible ou de réaliser un labour pour revenir à un niveau de risque inférieur. A défaut, effectuer un broyage le plus fin possible et une incorporation des résidus rapidement après la récolte. Pour ces deux niveaux de risque, envisager un traitement spécifique vis-à-vis des fusarioses, sauf si le climat est très sec pendant la période de floraison (cumul de pluie < 10 mm pendant les +/- 7 jours entourant la floraison).

6 et 7 : modifier le système de culture pour revenir à un niveau de risque inférieur. Labourer ou réaliser un broyage le plus fin possible des résidus de culture avec une incorporation rapidement après la récolte sont les solutions techniques les plus efficaces et qui doivent être considérées avant toute autre solution. Choisir une variété peu sensible à la fusariose. Traiter systématiquement avec un traitement * anti-fusarium efficace.

* Traitements efficaces contre F. graminearum et F. culmorum : principalement produits à base de prothioconazole, tébuconazole ou metconazole, utilisés début floraison à une dose suffisante (60 à 80 % de la dose homologuée minimum, selon le produit utilisé). Noter que parmi les solutions efficaces contre les Fusarium spp., il existe des différences marquées d’efficacité sur Microdochium spp. Une nuance qui peut s’avérer importante certaines années.

Figure 2 : Sensibilité des variétés de blé tendre au DON (Fusarium graminearum) – échelle 2023-2024

Figure 2 : Sensibilité des variétés de blé tendre au DON (Fusarium graminearum) – échelle 2023-2024

Figure 3 : Grille d’évaluation du risque d’accumulation du déoxynivalénol (DON) dans le grain lié aux fusarioses sur épi en blé dur et classement des variétés de blé dur

Blé dur : Grille d’évaluation du risque d’accumulation du déoxynivalénol (DON) dans le grain lié aux fusarioses sur épi en blé dur et classement des variétés de blé dur

Risque a : l’impasse de traitement floraison est envisageable en année à risque climatique très faible (sécheresse prolongée autour de la floraison). Le risque est minimum et présage d’une bonne qualité sanitaire du grain vis-à-vis de la teneur en DON.

Risques b et c : le risque peut être encore minimisé en choisissant une variété moins sensible ou en améliorant la finesse de broyage des résidus du précédent. Il est indispensable de mettre en œuvre une protection robuste en situation à risque moyen à élevé et d’envisager son renforcement si l’année est pluvieuse durant la floraison.

Risques d, e et f : nous vous conseillons de modifier le système de culture pour revenir à un niveau de risque inférieur. Modifier votre rotation ou labourer sont les solutions techniques les plus efficaces et qui doivent être considérées avant toute autre. À défaut, réaliser un broyage complémentaire du broyage sous bec et une incorporation rapide des éléments fins après récolte.

 

Figure 2 : Classement des variétés de blé dur au DON - synthèse pluriannuelle nationale (2005 - 2021)

Figure 2 : Classement des variétés de blé dur au DON - synthèse pluriannuelle nationale (2005 - 2021)

Réagissez !

Merci de vous connecter pour commenter cet article.

Se connecter
Ou connectez-vous avec
Pas encore inscrit ?
Créer un compte
Mot de passe oublié

Un email vous sera envoyé pour réinitialiser votre mot de passe.