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CIVE - Une interculture particulière pour produire de l’énergie

Les CIVE – Cultures Intermédiaires à Valorisation Energétique - présentent plusieurs avantages. Elles nécessitent toutefois une conduite spécifique en s’intercalant entre deux cultures alimentaires. Quels sont les critères de choix des espèces et quels sont leurs impacts sur l’ensemble de la séquence culturale concernée ?

Les couverts d’interculture remplissent de nombreuses fonctions agronomiques et environnementales : matière organique, fourniture d’azote, lutte contre le lessivage et l’érosion. Si la réglementation tend à les généraliser, l’ajout d’une fonction économique (revenu) et environnementale (réduction des émissions de GES) aux couverts d’interculture est certainement un facteur de développement.

Les CIVE - Cultures Intermédiaires à Valorisation Energétique – représentent cette opportunité. Leur intérêt : limiter la concurrence d’usage des sols pour les cultures énergétiques avec la production de 3 cultures en 2 ans (2 alimentaires et 1 non alimentaire). La CIVE est une culture à part entière dans une séquence où chacune des cultures voit son cycle raccourci !

Choisir entre CIVE d’hiver ou CIVE d’été

Les CIVE sont des cultures à part entière positionnées entre deux cultures principales (au titre de la PAC). Leur conduite est souvent proche de celle des cultures dérobées. La place de ces cultures intermédiaires dans la rotation constitue le premier facteur de choix et de réussite. Deux types de CIVE sont envisageables : les CIVE d’hiver et les CIVE d’été.

Les CIVE d’hiver sont semées en fin d’été ou début d’automne et récoltées au début du printemps avant une culture alimentaire d’été. Ces CIVE ont l’avantage d’être peu sensibles à l’alimentation hydrique dans la plupart des situations. En revanche, elles peuvent impacter la culture d’été suivante avec une réserve hydrique en partie consommée au semis. Cet impact sera fonction des conditions climatiques de l’année et du niveau de réserve utile des sols.

Les CIVE d’été sont semées en été et récoltées en début d’automne. Elles sont positionnées après une culture alimentaire d’hiver (blé, orge, colza, pois). Ces CIVE ont un développement qui dépend très fortement de l’alimentation hydrique avec une productivité limitée en cas de manque d’eau. Leur cycle court limite leur impact sur la culture suivante et leur positionnement avant la recharge hivernale des sols provoque peu de concurrence sur les réserves en eau.

Quelles espèces implanter ?

Les CIVE sont des espèces traditionnelles en grandes cultures mais l’introduction d’une troisième culture sur 2 ans impose certaines adaptations et priorisations des choix.

CIVE d’hiver : privilégier les graminées seules ou associées à des légumineuses

Pour une CIVE d’hiver, il faut privilégier les graminées ou des associations graminées / légumineuses. Les graminées les plus adaptées sont l’avoine, le triticale, l’orge… Le choix variétal devra privilégier la précocité, la productivité de biomasse, la tolérance à quelques ravageurs, maladies ou viroses (JNO…) voire le caractère non gélif en fonction des conditions locales. L’introduction de légumineuses limite la production de biomasse mais participe à l’autonomie azotée des exploitations via le retour au sol des digestats de méthanisation. Un seuil de 20 % de légumineuses semble opportun (vesce commune, vesce velue, féverole…). Le choix d’espèce dépendra des conditions pédoclimatiques pour éviter la dominance d’une des deux espèces de l’association. Dans tous les cas, les mélanges simples (2 espèces) sont à privilégier.

CIVE d’été : opter pour des espèces productives à cycle court

Pour une CIVE d’été, le choix doit se porter sur des espèces productives sur un cycle court (90 jours). En effet, les CIVE d’été disposent d’un calendrier serré très dépendant de la culture précédente. Ainsi, le maïs, le sorgho et le tournesol sont de bons choix lorsque le calendrier le permet, tandis que le moha peut s’avérer intéressant en cas de calendrier plus serré. Pour les CIVE d’été, il n’y a a priori pas d’intérêt à mélanger des espèces entre elles. Le choix de l’espèce doit aussi se raisonner en fonction des risques ravageurs et des problématiques de désherbage liées au précédent (repousses difficiles à gérer).

Une conduite simple mais un positionnement délicat

L’objectif est de trouver un compromis entre productivité de la CIVE à faible coût sans impacter les cultures précédente et suivante.

En CIVE d’hiver, 20 à 40 % de la production se fait dans les 15 derniers jours !

Pour les CIVE d’hiver, l’enjeu principal est de récolter la CIVE le plus tard possible sans impacter la culture alimentaire suivante. Pour des récoltes échelonnées du 20 mars au 20 avril, la production est doublée ou triplée et 20 à 40 % de la production se fait dans les 15 derniers jours (figure 1). L’adaptation de la culture suivante est donc un facteur de réussite essentiel comme la précocification de la date de semis des CIVE.

Figure 1 : Biomasse produite par les CIVE selon leur date de prélèvement

Attention donc à ne pas prendre en référence les dates de semis pour des cultures alimentaires, elles sont généralement trop tardives pour des productions en CIVE d’hiver. La précocité de la culture alimentaire qui suit la CIVE d’hiver devra être adaptée.

Pour les CIVE d’hiver dans le Sud-Ouest,

  • Semis 20/09 - 10/10 ; optimum au 1/10
  • Récolte 15/04 - 30/04

En CIVE d’été, la date de semis est le facteur clé

Pour les CIVE d’été, les enjeux sont presque inversés : plus la date de semis est précoce, plus la productivité sera améliorée. La date de récolte est moins sensible tant qu’elle permet une maturité suffisante de la culture. La précocité de la culture précédente devra être adaptée pour un objectif de récolte en deuxième quinzaine de juin.

L’écartement entre rangs sera réduit (40 cm si binage voire inférieur pour du sorgho ou du moha) afin de garantir la couverture de l’inter-rang dans une période de durée de jour décroissante.

  • Semis 15/06 – 10/07
  • Récolte 15/09 – 1/11

Une fertilisation azotée réduite mais nécessaire

Plusieurs essais (en collaboration avec EURALIS) ont démontré que la fertilisation azotée était nécessaire en CIVE d’hiver comme d’été sous peine de ne pas atteindre un seuil de productivité minimum pour garantir une rentabilité de cette CIVE (figure 2). Ceci est valable pour les espèces pures comme pour les mélanges comprenant des légumineuses.

Figure 2 : Biomasse produite par les CIVE avec ou sans fertilisation

(Témoin : sans azote, Fertilisé : 80 unités d’azote le 26/01. Récolte au 12 avril)

En CIVE d’hiver, les besoins sont concentrés au printemps, cela permet d’assurer la fonction de piège à nitrates à l’automne. Les niveaux de fertilisation selon la séquence de culture et les fournitures du sol s’échelonnent de 60 à 100 unités. Dans les situations où les CIVE alimentent des méthaniseurs, les digestats sont de bons candidats pour la fertilisation. Dans ces cas-là, il faut veiller à positionner l’apport de digestat avant les précipitations pour les CIVE d’hiver à faible écartement sous peine de ne pas le valoriser correctement (volatilisations). L’enfouissement des digestats à l’application pour des CIVE d’été à plus large écartement limite bien les pertes d’azote.

Un itinéraire technique adapté et simplifié

L’objectif des CIVE est double : fourniture de services écosystémiques et production de biomasse pour des usages non alimentaires. Leur coût doit être le plus faible possible pour rester compétitif face à d’autres ressources.

Pour garantir cet intérêt économique, l’itinéraire technique des CIVE doit être limité au strict minimum : implantation, fertilisation, récolte, désherbage éventuel. Les opérations combinées ou simplifiées sont des atouts importants.

La couverture quasi permanente du sol avec ces séquences de cultures exige une adaptation du travail du sol pour limiter les coûts et garantir les implantations.

En CIVE d’hiver, un semis direct ou en technique simplifié peut être envisagé. Des semis sous couvert sont également envisageables 10 jours avant récolte entre deux maïs, sous réserve d’avoir le matériel adapté. Le semis de la culture alimentaire suivante doit être réalisé au plus vite. Là encore, des techniques simplifiées (strip-till ou semis direct) sont à privilégier selon les conditions de plasticité du sol.

En CIVE d’été, le semis doit être simplifié et adapté aux espèces (strip-till pour le sorgho, le tournesol, semis direct pour le maïs) et réalisé au plus près de la récolte du précédent pour profiter de l’humidité résiduelle et de jours longs.

Le désherbage sera à adapter à l’espèce choisie et à gérer dans la séquence de culture. Une pression adventice plus importante qu’en culture alimentaire peut être acceptée en raison d’une récolte immature des plantes et d’une moindre montée à graine des adventices. Les associations limitent les possibilités de désherbage mais garantissent fréquemment une couverture du sol qui pénalise ces adventices.

La récolte doit se caler dans l’idéal sur les taux de matière sèche recommandés pour l’ensilage des espèces en place (par exemple 30 à 35 % MS en maïs, > 28 % en sorgho). Une fois ces stades atteints, il est inutile d’attendre : le gain de production serait faible pour un risque de verse fort. Dans ces conditions, le stockage en silo permet une bonne conservation des CIVE et de leur pouvoir méthanogène. Pour les CIVE d’hiver, les taux de matière sèche à la récolte sont fréquemment bien inférieurs. Des dispositifs de récupération de jus de silo sont à prévoir.

Des bénéfices sur les sols et la matière organique

L’introduction et l’exportation d’une troisième culture non alimentaire dans une rotation de 2 ans pose la question de l’impact sur la matière organique. Le bilan de mesures réalisées sur 2 essais en 2016 et 2017 (projet Opticive et plateformes Syppre® Béarn et Syppre® Coteaux Argilo-calcaire du Sud-Ouest) permet d’apporter des réponses. Concernant le carbone organique, la biomasse restituée au sol à la récolte d’une CIVE d’hiver (chaumes, 1 à 2 t MS/ha) équivaut à la biomasse produite par des CIPAN détruites en sortie d’hiver. Par ailleurs, les CIVE ont un système racinaire plus développé qu’une CIPAN en raison d’un cycle plus long. Cette biomasse racinaire joue elle aussi un rôle positif sur l’état organique des sols. Les CIVE remplissent leur rôle de couvert au même titre qu’une CIPAN tout en retournant au sol plus de carbone !

Ces premiers résultats ne prennent pas en compte le retour au sol d’éventuels digestats ou autres produits résiduaires organiques. Les premières études confirment l’intérêt de ce retour de carbone stable via les digestats, retour équivalent à l’apport d’effluents d’élevage.

Concernant les éléments minéraux, dans le cas de la méthanisation, tous les minéraux exportés par la CIVE sont récupérés dans le digestats. C’est un réel exemple d’économie circulaire qui doit guider les modes de production de ces CIVE.

Figure 3 : Production de biomasse aérienne et racinaire de CIVE d’hiver en 2017 - Répartition de la biomasse aérienne par tranches de hauteur

Quels débouchés pour les CIVE ?

Le débouché actuel des CIVE est la méthanisation, mais les valorisations n’en sont qu’à leur début. Dans l’avenir, les CIVE pourront alimenter les unités industrielles au centre de la bioéconomie : unités d’éthanol cellulosique ou bien bioraffineries tournées vers l’extraction de molécules à haute valeur ajoutée.

Résultats issus du programme OPTICIVE soutenu par l’ADEME en collaboration avec EURALIS, Terres Univia et Terres Inovia.

Retrouver les actualités et les résultats du projet Syppre sur www.syppre.fr

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