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Poitou-Charentes

Semis des céréales : comment s’organiser ?

Les prévisions météo indiquent encore et toujours de la pluie. Ce qui rappelle l’automne dernier… dans ce contexte climatique, voici quelques préconisations pour la conduite des semis de céréales.

Semis de céréales en Poitou-Charentes

La campagne 2023/2024 aura indéniablement marqué les esprits par une pluviométrie inédite qui a fortement perturbé les chantiers de semis à l’automne dernier. En agriculture, les années se suivent et ne se ressemblent pas. Malgré tout, les pluies récentes ravivent des craintes avec des cumuls qui dépassent les 100 mm depuis fin août/début septembre et atteignent 200 mm pour les postes les plus arrosés (bocage Deux-sévrien par exemple).

Les prévisions de cette semaine annoncent une aggravation de cette situation. Dès le ressuyage des parcelles, quelle sera la stratégie de semis ? Compromis entre des semis trop précoces pénalisés par de fortes infestations de graminées, de pucerons vecteurs de la jaunisse nanisante de l’orge ou risque accru de maladies…?  Ou à l’inverse, à trop retarder les semis, pour certains types de sol, cela présente un risque trop important de non-accessibilité en cas d’automne pluvieux.

Pas de semis précoces avant le 15-20 octobre sur les parcelles très infestées en graminées !

La campagne 2023/2024 en est une bonne illustration : des parcelles de semis précoces ont été pénalisées en rendement, se sont salies très durablement et parfois dans les situations les plus critiques, détruites, ensilées ou orientées vers la méthanisation. Au-delà des problématiques de graminées ingérables, les semis précoces sont soumis plus fortement aux conséquences des ravageurs aériens (pucerons et cicadelles) et des maladies, notamment piétin échaudage ou septoriose.

Prioriser en fonction des types de sol et de la qualité d’implantation

A l’heure actuelle, les sols sont déjà, dans la plupart des cas, à la capacité au champ, voire parfois déjà à saturation. Les prochaines pluies vont aggraver cette situation.

Dans toutes les situations, il est indispensable de privilégier la qualité d’implantation en attendant un ressuyage suffisant. Avec cette réserve :

  • Priorité aux parcelles en sols les plus hydromorphes dès qu’une fenêtre climatique s’ouvre, sachant qu’il faudra attendre sans doute une dizaine de jours après la dernière pluie significative pour assurer un ressuyage en profondeur et maximiser les chances de créer une structure favorable à la levée sans matraquer les structures souvent éprouvées par la dernière campagne.
  • Pour les parcelles non hydromorphes et en particulier pour les argilo-calcaires, priorité aux parcelles à faible pression de graminées, indemne de piétin échaudage. Toutefois, dans ces situations, il n’est pas utile de trop se presser. On estime que, dans les terres de groies, il faudra compter quatre à cinq jours de ressuyage après les dernières pluies significatives.

Exploiter le choix variétal

Semer les variétés dans leur plage de préconisations permet de s’adapter à l’évolution du climat sans impacter le potentiel de production. On peut retenir qu’un bouquet variétal associant au moins trois ou quatre variétés sur son exploitation, dans le respect de ces préconisations, permet de répartir les risques à l’échelle de l’exploitation et de limiter l’impact des aléas climatiques (tableau 1).

Tableau 1 : Dates de semis recommandées en fonction des variétés

Un fond de couleur mentionne dans le même temps l’estimation du risque de perte globale de rendement liée aux différents parasites favorisés par les semis précoces.

Des semis pouvant être décalés pour gérer principalement des problématiques de désherbage…

La recommandation n’est pas de généraliser cette pratique à toute la plaine mais à réserver aux parcelles les plus infestées en graminées dont la gestion devient plus que problématique. De nombreux essais attestent que le décalage de la date de semis réduit drastiquement la pression, mais… ne suffit pas toujours à lui-seul.

Sans impacter le rendement ?

Nous avons évalué l’évolution des différents risques climatiques encourus par les céréales et leur évolution au cours des deux dernières décennies sur notre région. L’accélération des cycles et l’avancée des stades permettent de préserver les potentiels de rendement sur des périodes plus tardives d’une vingtaine de jours par rapport aux plages optimales établies dans les années 90 autour du « 20-25 octobre ». Seule réserve : le type de sol de la parcelle ne doit pas présenter de risques trop importants de non-accessibilité en cas de pluies au-delà du début novembre.

Figure 1 : Résultats d’essais sur l’impact du décalage de la date de semis préconisée sur le rendement – 2020-2022 – Terres de Groies, flore Vulpins - ARVALIS

Combien de jours disponibles pour semer dans de bonnes conditions ?

L’outil J-Dispo fonctionne à partir de contexte pédoclimatique (type de sol/capacité de ressuyage et relevés de station météo), de caractéristiques du matériel (exigence par rapport à l’humidité du sol en profondeur). Il indique, sur une période donnée, les jours disponibles pour l’opération envisagée d’ici le semis. Une simulation a permis d’estimer le nombre de jours disponibles pour semer par décade pour une terre de groie moyenne en fréquentiel sur 20 ans.

Figure 2 : Nombre de jours disponibles pour semer du blé par décade – Poste de Niort (79) – Médiane (2004-2023)
Figure 2 : Nombre de jours disponibles pour semer du blé par décade – Poste de Niort (79) – Médiane (2004-2023)

Comment lire les données de cette simulation ? A Niort, en groie moyenne : dans 80 % des cas (décile 2), 6 jours de semis sont possibles entre le 20 et 31 octobre, 1,6 jours entre le 1 et 10 novembre et 2 jours entre le 10 et 20 novembre. A noter que ces résultats ont été simulés sans un travail du sol préalable ce qui permet d’augmenter les possibilités.

Enfin, pour tous les semis, bien évaluer la qualité germinative

Pour les semences de ferme, compte tenu de la pression maladies et des aléas climatiques de la récolte 2024, il faut faire preuve de vigilance et vérifier la faculté germinative (FG). Elle peut être altérée par plusieurs paramètres, comme la présence de fusarioses responsables de la fonte des semis. Même si la maladie ne s’est pas distinguée visuellement sur les parcelles de blé, il est possible que les lots des futures semences contiennent des grains fusariés. Par ailleurs, compte tenu des conditions de l’année dernière, les reports de semences certifiées sont fréquents et il est important de vérifier également la qualité germinative de ces lots avant de semer notamment si le stockage n’a pas pu être optimum.

Si la FG est inférieure à 80 %, prendre des précautions (ajuster densité de semis en tenant et/ou passer sur semences certifiées). En cas de conditions de levée difficiles, les pertes peuvent être accentuées.

La faculté germinative d’un lot de semences est le nombre de plantules normales pour 100 grains. Sa détermination doit intervenir au plus près du semis : prélever de 200 ou 400 graines (échantillonnage adapté au lot à tester), semer les graines dans du sable humide ou sur du papier buvard humide, mise au froid (4-5°C) pendant 72 h pour lever toute éventuelle dormance résiduelle, mise à température ambiante (20°C), puis comptage après une semaine du nombre de plantules normales.

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