Réponse des cultures au phosphore : quelles spécificités pour l’AB ?
En agriculture biologique (AB), de multiples limitations peuvent affecter la réponse des cultures à la disponibilité en phosphore (P) du sol. Le projet PhosphoBio a tenté d’établir des seuils de réponse à P pour les cultures de blé tendre et de maïs grain, et a permis d'évaluer l’influence de la fertilisation azotée ainsi que de comparer ces seuils à ceux établis en agriculture conventionnelle.
Six essais bisannuels conduits en AB en 2022 et 2023 (9 cultures en blé tendre et 2 cultures de maïs grain) ont été mis en place pour construire les courbes de réponse à P (Figure 1). Les parcelles sélectionnées présentent de faibles teneurs en P2O5 Olsen (valeurs comprises entre 12 et 19 ppm), et sont conduites en AB depuis plus de 5 ans. Afin de créer un gradient de disponibilité en P du sol, 6 niveaux de fertilisation P ont été appliqués avec un engrais riche en P disponible et relativement pauvre en azote (N), à base de fumier de volailles déshydraté et de guano. Pour tester l’effet de la fertilisation N, deux niveaux de fertilisation N ont été appliqués avec un engrais pauvre en P et riche en N (poudre de plumes). Le plan expérimental est présenté dans le tableau 1.
Des analyses de terre ont été réalisées avant et après les apports de fertilisants organiques. Les rendements et les teneurs en P des récoltes ont été mesurés pour chaque culture sur l’ensemble des traitements.
Pas d’effet des fertilisations P et N
Sur l’ensemble des essais, l’apport de fertilisants s’est traduit par une augmentation de la teneur en P2O5 Olsen variable entre les sites, qui ont des pouvoirs fixateurs différents.
Pour le blé tendre, nous n’avons pas observé de baisse de rendement avec la diminution de la teneur en P2O5 Olsen jusqu’à des valeurs proches de 10 ppm P2O5 Olsen sur l’ensemble des essais. Par exemple sur le site Arvalis-Seillac (Figure 2), en 2022 les rendements moyens étaient de 3.85 t/ha et constants pour des valeurs de P2O5 Olsen supérieures à 20 ppm. En 2023, les rendements étaient moindres (2.5 t/ha en moyenne) comparés à 2022, mais non impactés par des valeurs de P2O5 Olsen supérieures à 13 ppm. Il y a donc un fort effet année, pas d’effet de la fertilisation P ni de la fertilisation N. Avec ces résultats il n’est pas possible de déterminer un seuil de réponse à P. Nous pouvons seulement en conclure qu’il doit être inférieur à 13 ppm P2O5 Olsen.
Impact prépondérant de facteurs autres que le fertilisation P
Sur les autres essais blé tendre et maïs grain, nous avons observé une absence de réponse à la fertilisation P, même pour des valeurs à l’analyse de terre deP2O5 Olsen inférieures aux seuils établis en agriculture conventionnelle par le Comifer. Dans le contexte des essais AB du projet PhosphoBio, le phosphore du sol n’a pas été le facteur limitant des rendements. D’autres facteurs limitants ont été prépondérants comme la présence d’adventices ou les conditions climatiques de l’année. Nous n’avons pas observé d’effet de la nutrition N sur la réponse à P. Des teneurs en P Olsen du sol inférieures aux seuils Comifer ne semblent pas pénaliser fortement les cultures en AB.
Ces résultats nécessiteraient d’être testés sur un plus grand nombre de situations avec une attention particulière sur des mesures complémentaires pour bien cerner les facteurs limitants qui peuvent s’exprimer en AB et interférer avec la réponse au P disponible du sol.
Réagissez !
Merci de vous connecter pour commenter cet article.