Temporaires ou permanentes - Prairies : deux approches très différentes pour les apports PK
Le phosphore (P) et le potassium (K) sont des éléments majeurs pour la croissance des plantes. Ils contribuent respectivement au développement racinaire et à la croissance foliaire. Ils influencent donc la productivité et la pérennité des prairies. Dans le contexte économique actuel, il convient plus que jamais de piloter au mieux ces éléments afin d’optimiser les apports en fonction des besoins de vos prairies.
Une prairie temporaire s’insère le plus souvent dans une rotation. Dès lors qu’il y a du travail du sol à l’échelle de la rotation, le raisonnement des apports pourra se faire avec l’analyse de terre selon la méthode de calcul préconisée par le Comifer(1) sur cultures annuelles.
Dans le cas des prairies permanentes, l’analyse de terre pose des problèmes d’interprétation (gradient vertical, forte quantité de matières organiques, exploration racinaire des plantes à différents niveaux). Il faut dans ce cas utiliser l’analyse d’herbe comme outil de pilotage de la fertilisation PK.
En prairies temporaires, privilégier l’analyse de terre et la méthode Comifer
Sur cultures annuelles, la dose de PK à apporter est déterminée à l’aide de quatre critères de raisonnement : l’exigence de la culture (les cultures fourragères sont globalement de moyenne exigence en P et K), la teneur en PK à l’analyse de terre, le passé récent de fertilisation et la gestion des résidus de récolte des précédents (exportés en cas de prairie). Le calcul de dose se base sur les exportations de la culture à fertiliser.
Attention aux exportations de PK en rotation fourragère
Les rotations fourragères (maïs fourrage - prairie de fauche, méteils ensilés par exemple) ont généralement un fort niveau d’exportation. Il faut bien les prendre en considération (tableau 1). La décapitalisation importante en phosphore et potassium peut aboutir plus ou moins rapidement à des carences, selon la teneur de base des sols. A titre d’exemple, un apport de 30 t/ha de fumier de bovins peut couvrir les exportations en P et en K d’un maïs fourrage à 15 t MS/ha. Mais si ce maïs est précédé d’une culture intermédiaire exploitée en dérobé – comme un RGI ensilé à 3,5 t MS/ha - une fertilisation complémentaire sera nécessaire.
Tableau 1 : Exportations en phosphore et en potassium des espèces fourragère
Source : Comifer, 2007 et Inra, 2007
Pour passer de K à K2O : 1 kg K = 1,20 kg K2O
Sur prairies permanentes, réaliser une analyse de plante pour piloter sa fertilisation PK
Un palliatif à l’analyse de sol
L’analyse d’herbe au printemps permet de diagnostiquer l’état de nutrition de la prairie en phosphore et potassium. Plus pertinente que l’analyse de sol, elle rend compte non seulement de la disponibilité de ces éléments dans le sol mais également de l’aptitude de la plante à les prélever. Par ailleurs, elle est aussi utilisable pour définir la politique de fertilisation des années suivantes.
Concrètement, les prélèvements doivent être réalisés en pleine pousse de l’herbe, en l’absence de stress climatiques, lorsque la production se situe entre 2 et 5 t MS/ha. Deux autres conditions doivent être respectées sur la parcelle pour que les prélèvements soient valables : le délai après tout apport doit être d’au moins un mois, et le couvert doit contenir moins de 20 % de légumineuses. La période optimale se situe donc en général en avril/mai.
Dans chaque parcelle retenue, il suffit de prélever 15 à 20 poignées d’herbe coupées à 5 cm du sol, et de constituer un échantillon représentatif d’environ 500 g de matière brute qui sera envoyé pour détermination des teneurs en N, P et K à un laboratoire. Les poignées seront prélevées en parcourant l’ensemble de la parcelle.
Des indices de nutrition au conseil de dose
A partir des teneurs fournies par le laboratoire, on peut calculer facilement les indices de nutrition phosphatée et potassique(2). Puis, en tenant compte des pratiques de fertilisation sur la parcelle et des objectifs de production, plusieurs préconisations sont possibles : impasse éventuelle, maintien ou renforcement des apports (figure 1).
Figure 1 : Préconisation de fertilisation selon les indices de nutrition en phosphore et potasse
Source : brochure Comifer(3)
De plus, la méthode des indices de nutrition se révèle relativement simple à mettre en œuvre et peu coûteuse (35-40 € HT par analyse), tout en permettant à l’agriculteur de faire de réelles économies dans un certain nombre de cas.
Quelques recommandations d’apport
Caler l’apport au plus près du démarrage de la végétation
L’apport de phosphore et/ou de potassium doit être réalisé dès le démarrage de la végétation afin de stimuler la croissance des jeunes racines et leur permettre ensuite d’aller puiser dans les réserves du sol. Comme pour l’azote, la fertilisation P et K sera la plus efficace si elle est apportée aux alentours des 200°C jours cumulés (base 0°C depuis le 1er janvier). Si ce seuil est dépassé, des apports seront toujours possibles si des analyses d'herbe antérieures ou des analyses de terre récentes le justifient.
A quelle dose ?
Des doses d’apport de 60 kg/ha en P2O5 et 160 kg/ha en K2O sont généralement suffisantes pour atteindre au moins 95 % de la production maximale de la prairie, et ce quel que soit le potentiel de la parcelle. Les quantités à apporter seront fonction de l’utilisation de la parcelle, du mode d’exploitation et de l’intensification.
Il faut aussi tenir compte des apports d’effluents d’élevage dans son raisonnement. Ainsi des apports très réguliers (tous les 2 ans) de fumier à des doses de 25 à 30 t/ha, permettent de ne pas réaliser de fertilisation P et K minérale. Si l’apport a lieu tous les 3 ans, seul un apport de K sous forme minérale sera nécessaire la troisième année.
Un seul apport annuel de phosphore et de potasse suffit : fractionner cet apport revient à pénaliser la production annuelle de la prairie.
Pour les engrais phosphatés, préférer les formes solubles !
La forme des engrais minéraux à épandre ne se pose pas pour la potasse car toutes les formes sont toujours très solubles dans l’eau (chlorure ou sulfate de potassium). Par contre, pour le phosphore, certaines formes sont plus efficaces que d’autres. Ainsi, les superphosphates et phosphates diammonique sont efficaces dans tous les types de sols (solubles au moins à 90 % dans l’eau), alors que les scories (autorisés en agriculture biologique si non enrichies) ne sont efficaces que dans des sols à tendances acides. Les phosphates naturels (autorisés en AB) sont déconseillés, ils ne sont pas suffisamment efficaces, quel que soit le type de sol.
Les apports organiques, en plus de contenir de l’azote, et bien souvent du soufre ainsi que des oligo-éléments, ont une efficacité très intéressante en termes de fertilisations phosphatée et potassique. Des essais ont permis de calculer un coefficient d’équivalence aux engrais minéraux pour les différents types d’effluents (tableau 2). Il est d’au moins 70 % pour les effluents d’élevage. Il varie selon son origine ou le type d’animaux qui le produit (bovin, ovin, porcin, volailles…), mais aussi selon la forme apportée : fumier ou compost.
Tableau 2 : Coefficients d'équivalence - engrais P et K des différents produits résiduaires organiques d’élevage
1) Comifer : Comité français d'étude et de développement de la fertilisation raisonnée
2) Pour passer des teneurs N, P et K (exprimées en % MS) fournis par l’analyse de plante aux indices de nutrition phosphatés et potassiques, il faut appliquer les équations suivantes :
iP = (100 X %P)/ [0,15 + (0,065 x %N)]
iK = (100 X %K)/ [1,6 + (0,525 x %N)]
3) Brochure Comifer « L’analyse d’herbe : un outil pour le pilotage de la fertilisation phosphatée et potassique des prairies naturelles et temporaires », éditée en 1999
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