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Normandie

Blé et orge : pourquoi de tels rendements en 2024 ?

Cette récolte de céréales 2024 s'est soldée par des rendements hétérogènes et très souvent décevants. En cause notamment :  des conditions climatiques peu favorables (excès de pluie, manque de rayonnement,…) et une pression maladies en hausse par rapport aux précédentes campagnes.

Grains d'orge dans une main - Normandie 2024

Un début de campagne peu encourageant, marqué par les pluies continues et les difficultés d’implantation

Les implantations de blé et d’orge ont été perturbées par les fortes pluies survenues mi-octobre sur toute la région, et qui n’ont pas discontinué tout au long de la campagne – un quasi record du nombre de jours de pluie, en plus des cumuls qui s’approchent des années les plus pluvieuses depuis vingt ans. La majorité des semis a pu être réalisée jusqu’à mi-octobre, puis les créneaux favorables se sont fait rares, à l’exception de périodes plus favorables en décembre et janvier. Les semis sont donc étalés de début octobre à mi-janvier, et le report sur des cultures de printemps fut loin d’être anecdotique, en particulier sur les sols hydromorphes ou très argileux.

Semis du 24/11/2023 - Normandie
Semis du 24/11/2023 - Normandie 

Aux difficultés d’implantation s’ajoutent des positionnements d’interventions herbicides compliqués, impliquant des efficacités peu satisfaisantes, et donc le développement d’adventices – en particulier les graminées – très important cette année.

On sort donc de l’hiver avec des parcelles plus ou moins bien implantées selon les situations, affectant l’enracinement et la capacité de la plante à assurer son alimentation tout au long cycle.

Le lessivage de l’azote est marqué cette année, quoique compensé en partie par une minéralisation importante du fait des températures hivernales particulièrement douces.

Carte 1 : Cumuls de pluie (en mm) du 1er octobre 2023 au 10 février 2024

Carte 1 : Cumuls de pluie (en mm) du 1er octobre 2023 au 10 février 2024

Un début de montaison humide et sombre, qui pénalise les composantes de rendement

Malgré un début de montaison précoce (10 jours d’avance en moyenne), les températures plus fraîches d’avril ont résorbé cette avance, les parcelles marquées par l’hydromorphie et la battance végètent.

Le rayonnement en berne, en lien avec une couverture nuageuse et des pluies persistantes, perturbent la montée à épis, rarement limitante dans notre région. C’est le cas pour le blé mais aussi pour l’orge, avec des densités d’épis plus ou moins impactées selon les situations.

Carte 2 : Rayonnement (en % de la médiane 20 ans) du 15 mars au 12 mai 2024

Carte 2 : Rayonnement (en % de la médiane 20 ans) du 15 mars au 12 mai

L’alimentation azotée est loin d’être optimale, malgré des conditions de valorisation de l’azote favorables, les plantes peinent à absorber l’azote (excès d’eau, anoxie, enracinement limitant). En fin de montaison, les indices de nutrition azotée sont globalement bas.

Pendant ce temps, les plantes ont continué à produire de la biomasse, pour atteindre des niveaux moyens à floraison (avec toujours une hétérogénéité importante en lien avec les situations plus ou moins favorables). Le métabolisme carboné est donc moins pénalisé que celui de l’azote par ces conditions peu favorables (Figure 1). Le peu d’azote absorbé est dilué dans la plante et explique en partie les faibles indices de nutrition azotée.

Figure 1 : Azote absorbé (kg N/ha) en fonction de la biomasse à floraison – Variétés Chevignon, Garfield, LG Audace, KWS Extase – 1999 à 2024 -  ARVALIS Normandie

Figure 1 : Azote absorbé (kg N/ha) en fonction de la biomasse à floraison – Variétés Chevignon, Garfield, LG Audace, KWS Extase – 1999 à 2024 -  ARVALIS Normandie

Les taux de protéines faibles à la récolte sont expliqués par ce défaut d’absorption et la faible capacité des plantes à remobiliser ses ressources vers les grains en fin de cycle.

Une pression maladies particulièrement forte (t/ha)

La pression maladies a atteint des niveaux rarement vus cette année, avec une nuisibilité moyenne de 30 q/ha, et pouvant atteindre 50 q/ha dans certaines situations (variétés précoces semées tôt notamment). La septoriose explique en partie cette nuisibilité mais pas seulement. La rouille brune a aussi fait une apparition précoce, et explosive en fin de cycle, notamment pour les secteurs de l’Eure et de Seine-Maritime. Les semis de décembre ayant été relativement moins impactés.

Les orges ont été particulièrement touchées par la ramulariose, explosive en fin de cycle, affectant le remplissage.

Le pilotage de la protection fongicide cette année a été particulièrement délicat, avec parfois des T1 trop précoces, qui ont compliqué par la suite le positionnement des T2.

Une fertilité satisfaisante pour le blé, catastrophique pour l’orge, et des remplissages décevants

Dans la majorité des cas pour le blé, la fertilité d’épi (nombre de grains/épi) est proche de la moyenne, malgré des conditions moyennement favorables (manque de rayonnement chronique) et surtout compte tenu de la faible densité d’épis.

Le remplissage des grains a quant à lui été pénalisé par les conditions de fin de cycle – et ce, malgré une absence de stress hydrique et d’excès de températures. La pression maladies très forte (réduisant ainsi la surface photosynthétique), et les températures fraîches de juin, doublées d’un rayonnement faiblard, ont perturbé le remplissage, inférieur à la moyenne, et qui ne compense pas les densités d’épis faibles (Figure 2). Ces conditions climatiques ont également affecté le potentiel de poids spécifique.

Figure 2 : PMG en fonction du nombre de grains/m² - Variétés Chevignon, Garfield, LG Audace, KWS Extase – 1999 à 2024 -  ARVALIS Normandie

Figure 2 : PMG en fonction du nombre de grains/m² - Variétés Chevignon, Garfield, LG Audace, KWS Extase – 1999 à 2024 -  ARVALIS Normandie

Le constat est globalement plus alarmant pour l’orge d’hiver. La fertilité d’épis catastrophique n’a pas pu compenser une densité d’épis étant déjà moyenne et le nombre de grains/m²< finit en retrait par rapport au pluriannuel (Figure 3).

Figure 3 : Nombre de grains/m² en fonction de la densité d’épis/m² – Etincel, KWS Faro, KWS Joyau – 2019 à 2024 – Eure - ARVALIS Normandie

Figure 3 : Nombre de grains/m² en fonction de la densité d’épis/m² – Etincel, KWS Faro, KWS Joyau – 2019 à 2024 – Eure - ARVALIS Normandie

Essais physio 2024

Le remplissage des grains est quant à lui correct (effet de compensation du déficit de grains), bien que pénalisé par la pression ramulariose en fin de cycle explosive, et par le manque de rayonnement pour les variétés tardives.

Tableau 1 : Résumé des composantes de rendement en blé et orge en 2024

Tableau 1 : Résumé des composantes de rendement en blé et orge en 2024
À RETENIR 

- Des rendements 2024 impacté spar les excès de pluie prolongés, les sols peu filtrants ayant été particulièrement concernés par des phénomènes d’anoxie racinaire.

- Les excès d’eau ont perturbé l’avancée des semis, ayant pour conséquence un étalement des semis de début octobre à fin janvier.

- Ces excès d’eau ont également perturbé les stratégies de désherbage, conduisant à une pression graminées importante.

- Une pression septoriose intense, et une apparition de la ramulariose explosive en fin de cycle pour les orges.

- Une densité d’épis faible, particulièrement pour l’orge, fortement impacté par les conditions climatiques peu favorables (pluies continues, manque de rayonnement, températures fraîches à l’épiaison).

- Une fertilité d’épis moyenne à bonne selon les situations pour le blé, très décevante pour l’orge.

- Un remplissage affecté par les conditions climatiques maussades en mai-juin, qui ne compense pas le manque de grains/m².

- Des difficultés d’absorption de l’azote, avec des plantes carencées en fin de montaison, qui n’ont pas pu remobiliser leurs ressources vers les grains.

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