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Alsace / Bourgogne / Franche-Comté

Quel est le bilan pour la campagne blé tendre 2023/2024 ?

Les conditions climatiques 2023/2024 particulières ont pu être en défaveur des rendements et de la qualité des récoltes du blé tendre. Retour sur le déroulement de cette campagne qui vient de s'achever.

BT 2024 Alsace

En 2023-2024, le cumul des surfaces implantées en blé tendre d’hiver en Bourgogne Franche-Comté (BFC) et Alsace s’établit à, respectivement, 357 000 ha et 51 000 ha. En comparaison à la moyenne des cinq dernières années, la sole occupée par cette espèce est en régression de 2 % en BFC et en progression de 3 % en Alsace (Agreste juillet 2024).

La campagne 2023 / 2024 a été marquée par une pluviométrie très abondante et excédentaire ainsi que par de faibles rayonnements durant le printemps. Ces conditions climatiques extrêmes ont perturbé le développement des cultures, augmenté la pression en bioagresseurs et parfois empêché les interventions au champ. En conséquence, les rendements de la récolte 2024 sont inférieurs à la moyenne quinquennale.

D’après l’expertise ARVALIS, le rendement moyen 2024 de la région BFC pourrait se positionner autour de 58 q/ha, soit -8 % par rapport à la moyenne quinquennale. Pour l’Alsace, le rendement moyen pourrait se positionner autour  de 64 q/ha, soit -14 % par rapport à la moyenne quinquennale. Dans les deux régions, on observe de grandes variabilités entre secteurs de productions, avec des bons résultats en sols superficiels et filtrants, et de vrais échecs en sols plus profonds et hydromorphes.

 

Graphique 1 : Evolution des surfaces et rendements du blé tendre en Bourgogne / Franche-Comté (Agreste et expertise ARVALIS)

Graphique 1 : Evolution des surfaces et rendements du blé tendre en Bourgogne Franche-Comté (Agreste et expertise Arvalis)

Graphique 2 : Evolution des surfaces et rendements du blé tendre en Alsace (Agreste et expertise ARVALIS)

Graphique 2 : Evolution des surfaces et rendements du blé tendre en Alsace (Agreste et expertise Arvalis)

Un début de campagne pluvieux et précoce

 

L’humidité s’est maintenue durant tout l’automne-hiver, associée à des températures douces. L’année 2024 s’inscrit comme un nouveau record de pluviométrie (dépassant 2013) et de températures (dépassant 2020). Il en résulte une date moyenne de début montaison à mi-mars, positionnant 2024 comme une année précoce. Le nombre de talles à plus de 3 feuilles est sur une valeur moyenne. Du côté des ravageurs, les pucerons se sont faits discrets à l’automne mais des symptômes de jaunisse nanisante de l’orge (JNO) ont pu être observés en plaine, la douceur leur a sûrement permis un temps de présence long sur les parcelles, parfois jusqu’en décembre. Des attaques de zabres ont aussi été signalées, ces larves de carabe phytophage vivent dans une galerie verticale creusée au pied de la plante et sortent la nuit pour dévorer les feuilles des plantes (jusqu’à les détruire). Sa présence est favorisée par des rotations céréalières courtes (blé/blé ou orge/blé) et l’absence de labour.

 

Des conditions printanières défavorables

 

La montaison des blés tendres d’hiver se déroule sous des conditions toujours aussi pluvieuses et peu lumineuses, qui font notamment perdre l’avance acquise par les céréales en sortie d’hiver. Ces conditions entraînent plusieurs conséquences :

  • Une densité des épis en retrait de -20 % à  -25 % par rapport à la moyenne sur vingt ans (Graphique 3). La montée à épis est, au sein de la plante, source de concurrence pour l’azote, l’eau et la lumière. En situation de manque de rayonnement comme nous l’avons connu durant la montaison (Graphique 4). La photosynthèse est limitée, et seules les talles les plus développées montent à épis. Il n’est pas rare de voir des taux de régression de talles supérieurs à 50 %. Les excès d’eau ont pu aussi amplifier ce phénomène. Le faible rayonnement engendre un allongement des entrenœuds, et donc, une fragilité des tiges. Le risque de verse est accru.

Graphique 3 : Densité des épis en fonction du nombre de tiges à plus de 3 feuilles (Observatoire ARVALIS BFC)

Graphique 3 : Densité des épis en fonction du nombre de tiges à plus de 3 feuilles (Observatoire ARVALIS BFC)

Graphique 4 :  Rayonnement journalier sur la station de Dijon (ARVALIS Météo France)

Graphique 4 :  Rayonnement journalier sur la station de Dijon (ARVALIS Météo France)
  • La biomasse produite et la fertilité des grains s’en trouvent également affectées.

D’un point de vue physiologique, les céréales d’hiver ont des capacités de compensation des composantes de rendement : un manque d’épi peut être compensé par un bon nombre de grains par épi, et aboutir à un nombre total de grains à remplir tout à fait correct. En 2024, la fertilité des épis est bonne à moyenne, mais cela ne suffit pas à compenser le faible nombre d’épis en plaine. Dans les zones de plateaux, cette fertilité permet d’obtenir un gain de grain/m2 par rapport à la moyenne sur vingt ans (Graphiques 5 et 6).

Notons par ailleurs que l’épisode de froid qui a eu lieu à la fin avril, proche du stade « méiose » (formation du pollen) a pu impacter la fertilité des épis, mais probablement dans une moindre mesure que pour les orges d’hiver. Ces conditions ont par ailleurs été favorables au développement de l‘ergot.

Pour en savoir plus, consultez la vidéo : La gestion de l'ergot dans les céréales à paille

Graphique 5 : Nombre de grains/m² en fonction du nombre d’épis (Observatoire ARVALIS BFC)

Graphique 5 : Nombre de grains/m² en fonction du nombre d’épis (Observatoire ARVALIS BFC)

Graphique 6 : Rendement (q/ha) en fonction du nombre d’épis (Observatoire ARVALIS BFC)

Graphique 6 : Rendement (q/ha) en fonction du nombre d’épis (Observatoire ARVALIS BFC)
  • Une pression maladies élevée et précoce

La pluie est l’humidité persistantes apportent également leur lot de maladies foliaires : la rouille brune apparait précocement, et la pression septoriose est quasiment incontrôlable cette année sur les variétés sensibles.  En parallèle, les conditions météo n’ont pas toujours permis de trouver des créneaux favorables aux positionnements des produits de lutte contre ces maladies.

En fin de cycle, la pluie à floraison a été favorable au développement de complexes fusarioses.

 

Un désherbage difficile à maîtriser

 

Il y a eu globalement de bonnes efficacités pour les traitements de désherbage fait à l’automne (meilleures efficacités des interventions de prélevée par rapport à celles de postlevée), pour ceux qui ont pu rentrer dans leurs champs. Certaines parcelles n’ont pas pu être désherbées à l’automne avec quelques cas irrattrapables (impasse technique). Les phytotoxicités ont également pu être importante à cause des fortes pluies, mais in fine, les dégâts sont restés modérés.

Les adventices ont également profité du temps pluvieux pour se développer, un salissement important des parcelles est observé au printemps. La nuisibilité globale des adventices graminées est sûrement élevée en 2024, à garder en tête pour la gestion du désherbage sur les prochaines années.

•	Parcelle de blé désherbée (à gauche) et témoin non désherbé (à droite) – à Touillon (21, Plateforme Soufflet)
Parcelle de blé désherbée (à gauche) et témoin non désherbé (à droite) – à Touillon (21, Plateforme Soufflet)

Pas ou peu de rattrapage en fin de cycle

 

La météo qui suit la floraison des blés reste maussade et humide. Les blés débutent leur remplissage sous un rayonnement faible. Cela a pour conséquence de limiter la taille des enveloppes des grains. Toutefois, les températures douces et la pluie régulière sont favorables à un bon remplissage des grains, en particulier sur les zones de plateaux à sols superficiels et drainants, habitués à souffrir de l’échaudage en fin de cycle. Le nombre de grains/m² inférieur à la moyenne « force » le blé à faire de gros grains.

En zone de plateaux, la cinétique de remplissage est plutôt bonne, tandis qu’en plaine, cette cinétique s’écrase assez vite pour finir à la récolte avec des poids de mille grains (PMG) moyens, voire inférieurs à la moyenne. 

Finalement, les rendements sont décevants surtout en plaine où il manque facilement 15 quintaux. En revanche, les plateaux s’en sortent mieux par rapport à leur historique (Graphique 7).

 
Graphique 7 : Poids de Mille Grain (PMG) et Grains/m2 en zone de plaine et de plateaux. (Observatoire ARVALIS BFC)
Graphique 7 : Poids de Mille Grain (PMG) et Grains/m2 en zone de plaine et de plateaux. (Observatoire ARVALIS BFC)

Une qualité du grain qui déçoit

 

Le poids spécifique (PS) du grain est globalement faible cette année. En effet, PS est impacté par les conditions de remplissage (capacité à former initialement des gros grains denses) et de dessiccation (déformation des grains qui altèrent leur capacité à se « ranger » les uns par rapport aux autres. Il se met en place en début du remplissage du grain avec une incidence, par exemple, du rayonnement reçu par la culture. Puis, il se dégrade progressivement suivant les cumuls de pluie entre le stade grain laiteux et la récolte. Il perd environ 0,5 point pour 10 mm de pluie. Cette année, des effets variétaux marqués sont visibles. Les variétés avec des notes de PS élevée ont permis de maintenir un niveau convenable.

Du point de vue des teneurs de protéines, ces dernières sont très hétérogènes et globalement faibles, malgré des rendements en retrait. Ci-dessous, des éléments de réponses liés au fonctionnement azoté des céréales à paille.

Des interrogations sur le fonctionnement azoté des orges

Normalement, une baisse significative de rendement se traduit mécaniquement par une hausse des teneurs en protéines. Cette hausse est effective sur notre territoire, mais pas autant qu’on l’imagine, et surtout avec une disparité qui pose question.

La dose d’azote a-t-elle été limitante ? Non, au regard des doses et des cumuls de pluies après apport, les quantités d’azote n’ont pas limité le rendement.

L’azote apporté a-t-il été correctement absorbé ? Nous faisons l’hypothèse que oui, jusque dernière feuille : les plantes ont absorbé l’azote apporté, mais nous imaginons que les plantes ont « priorisé » des organes en croissance pour capter la lumière qui faisait défaut, au détriment des racines, des épis en formation, et en piochant dans les stocks des talles herbacés et des étages foliaires inférieurs. Quand les conditions ne sont pas optimales, le métabolisme du carbone est affecté moins rapidement que celui de l’azote. C’est pourquoi nous jugions l’aspect visuel de nos orges acceptable, avec un niveau de création de biomasse correct (Graphique n°8), mais avec un effondrement des états de nutrition azotée entre dernière feuille et floraison !

Par ailleurs, des références montrent que l’efficacité de l’azote peut être affectée par l’excès d’eau (fonctionnement racinaire perturbé).

L’azote a-t-il été correctement remobilisé vers les grains ? Probablement que non, et ce, en raison de la pression maladies : il y a de fortes chances pour que l’azote ait été bloqué dans les feuilles des étages supérieurs, là où il avait été stocké pour tenter de préserver le potentiel.
 

Figure n°8 : Teneur en azote du blé tendre : correcte durant la montaison, baisse significative à partir de dernière feuille et sous nutrition à floraison (Chevignon semée au 12/10/23 à Hauteville-les-Dijon (21))

Figure n°8 : Teneur en azote du blé tendre d’hiver : correcte durant la montaison, baisse significative à partir de dernière feuille et sous nutrition à floraison (Chevignon semée au 12/10 à Hauteville-les-Dijon)

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