Céréales d'hiver - Un rythme de développement orchestré par les températures et la durée du jour
En cumul de températures, la campagne 2014/2015 reste aujourd’hui sur une tendance « chaude », mais avec un profil atypique : chaud avant Noël et plutôt frais après. Cela a un effet sur la phénologie des cultures et en particulier sur la date d’apparition du stade épi 1 cm. Explications.
Le développement des plantes se déroule selon un programme précis dont les températures et la durée du jour sont les principaux moteurs. Mais les étapes s’enchaînent à un rythme propre à chaque variété. La précocité variétale cherche à apprécier cette vitesse de développement.
Pour les céréales à paille, on se préoccupe généralement de la précocité pour 2 stades clefs : « épi 1 cm » et « épiaison ».
Comment reconnaître le stade épi 1 cm ?
Le stade « épi 1 cm » correspond au décollage d’1 cm de l’épi depuis la base du plateau de tallage. Dans les faits, c’est un mélange de croissance (allongement des entrenœuds) et de développement (différenciation de l’épi). Ainsi, on peut avoir des situations particulières où la forte végétation (beaucoup de tallage, azote disponible) précipite l’avancée de ce stade (Z30) sans que le futur épi n’ait réellement atteint le stade de différentiation habituel.
Figure 1 : Observation du stade épi 1 cm
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Le stade « épi 1 cm » est atteint lorsque le sommet de l’épi est à 1 cm de la base du plateau de tallage (A). A ce moment-là, l’épi est encore peu différencié (différenciation des glumes (B) et lemmes (C)), et ne mesure que 1 à 3 mm de haut. Ainsi, en situation de forte concurrence entre talles, les entrenœuds de la tige peuvent provoquer une élévation de l’épi sans que celui-ci ne soit encore très différencié.
Le second stade correspond à la sortie de l’épi de la gaine ; s’il ne correspond pas à un évènement marquant de la physiologie de la plante (à la différence de la floraison, qui marque le début de la phase de constitution et de remplissage des grains), il reste un repère visuel simple et solide.
Des barrières physiologiques pour s’adapter aux conditions du milieu
L’atteinte du stade épi 1 cm dépend ainsi de trois paramètres propres à chaque variété : les besoins de vernalisation, la sensibilité à la photopériode et la précocité intrinsèque.
• Les besoins de vernalisation sont en partie retranscrits par la note d’alternativité de la variété. Pour rappel, la vernalisation est l’exposition nécessaire au « froid » (optimum autour de 3-10°C) pour permettre à une plante d’initier une transition florale. Ce besoin se traduit en nombre de « jours efficaces », et dépend de la variété :
- variété très hiver : 60 jours,
- variété hiver : 40-50 jours,
- variétés intermédiaires : 30 jours,
- variétés précoces et alternatives : 20 jours,
- variétés de printemps : 5 jours.
• La sensibilité à la photopériode se traduit pour certaines variétés par un besoin de jours plus longs pour faire progresser la plante dans sa transition florale et donc vers le stade épi 1 cm. Ce facteur peut donc empêcher que l’épi effectue sa transition florale bien qu’il soit vernalisé. Des travaux récents menés par ARVALIS – Institut du végétal ont constaté qu’en tendance les variétés françaises précoces (note de précocité épiaison > 6,5) sont insensibles à la photopériode, alors que les variétés tardives y sont plutôt sensibles.
• La précocité intrinsèque correspond au cumul de températures nécessaire, en complément des deux facteurs précédents pour avancer dans le cycle.
Dans les outils ARVALIS – Institut du végétal, l’avancement vers le stade épi 1 cm est donc modélisé à l’aide d’une combinaison de ces trois facteurs : vernalisation, photopériode, cumul de températures. On parle de somme « vernalo-photo-thermique ».
Des prévisions de stade épi 1 cm dans la moyenne malgré un cumul thermique élevé
Le scénario climatique de cette année est atypique : après une forte accumulation de températures avant Noël, une période plutôt fraîche s’est installée depuis mi-janvier. Au regard des cumuls vernalo-photo-thermiques, les plantes sont aujourd’hui moins avancées que le cumul de températures brut ne pourrait le faire croire.
Les prévisions de stade épi 1 cm actuelles sont finalement très proches de la médiane, et plus tardives qu’attendu.
Evidemment, un fort écart des températures à la moyenne dans le mois à venir va avoir un impact très important sur l’accélération ou le ralentissement des stades.
Si ces prévisions sont valables pour les espèces et variétés sensibles à la photopériode et la vernalisation (blé tendre, orge d’hiver, triticale), il est possible qu’elles ne s’appliquent pas, ou pas autant, au blé dur. Nous pouvons craindre des montaisons précoces sur les blés durs du Sud-Est, alors que les blés tardifs du Nord et de l’Ouest devraient rester au stade tallage encore plusieurs semaines.
Détail important : les forts tallages actuellement observés dans les parcelles peuvent biaiser la date d’apparition du stade épi 1 cm : en situation de forte végétation, les entrenœuds commencent à s’allonger de manière anticipée, alors que l’apex reste peu développé.
La précocité est un déterminant majeur de l’adaptation d’une plante à son milieu, lui permettant d’éviter le plus de stress climatiques.
Ainsi, dans les milieux précoces mais gélifs, il importe de choisir des variétés qui ne montent pas trop rapidement pour éviter des gels d’épis. Dans des milieux stressants en fin de cycle (températures fortes, déficits hydriques), la précocité à l’épiaison est recherchée.
A l’inverse, dans des milieux peu soumis aux stress en fin de cycle, des variétés plus tardives à l’épiaison permettent de valoriser pleinement la plus longue période de végétation.
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