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Bretagne

Elevage de bovins lait : envisager l’ensilage de maïs grain humide

Au vu de l’évolution de l’humidité du maïs grain, il peut être intéressant, pour certains élevages, de passer de la forme sèche à la forme humide pour compléter l’alimentation des animaux. Cela permettrait également de libérer les parcelles pour d’éventuels semis d’automne. Voici les clés pour gérer les chantiers de récolte et de stockage et intégrer cet aliment hautement énergétique dans les rations.

Maïs grain humide sur de l’herbe

Les chantiers de récolte du maïs fourrage se terminent, permettant d’implanter les céréales dans des conditions correctes pour le moment. Les rendements sont bons, à la faveur de de la reconstitution des stocks et du transfert des surfaces en maïs grain. Néanmoins, la récolte en maïs grain commence à peine avec des humidités très élevées, impactant les coûts de séchage. La logistique de séchage est également très complexe cette année en Bretagne et ailleurs en France. Les températures vont chuter ces prochains jours, ralentissant l’avancée du maïs, la diminution de l’humidité va être longue et le gain sur le remplissage est maintenant limité. A contrario, la qualité sanitaire risque de se détériorer.

L’humidité et le remplissage vont stagner

Cette année, l’humidité et le remplissage du grain sont suivis sur quatre sites bretons (22, 56, centre 29 et nord 29), par ARVALIS en partenariat avec EUREDEN, avec des dates de semis de début à fin mai sur une dizaine de variétés de précocités différentes.

Voici l’évolution de l’humidité du grain sur la moyenne des variétés (8 par site) depuis septembre.

  • Sur Ploërmel (56), le suivi a démarré à 50 % H20 avec une rapide évolution de l’humidité à raison, en moyenne, de 15°C (base 6-30) par point d’humidité. Soit l’équivalent de 4 à 5 points par semaine sur septembre et début octobre.
  • Sur fin octobre, le suivi des quatre sites atteste d’une pente d’évolution d’humidité similaire, soit l’équivalent d’une perte de 2 points par semaine. L’équivalent d’une vingtaine de degrés (base 6-30) par point d’humidité perdu.
  • A mi-novembre, au vu des températures annoncées sur les prochains jours proches de 6°C (zéro de végétation du maïs), le maïs va évoluer très lentement à raison probablement d’à peine 1 point par semaine.
Figure 1 : Mesure de l’évolution d’humidité du grain sur les quatre sites bretons en 2024 – Mesure par prélèvement d’épis / moyenne des variétés observées
Figure 1 : Mesure de l’évolution d’humidité du grain sur les quatre sites bretons en 2024 – Mesure par prélèvement d’épis / moyenne des variétés observées

Le site de Ploërmel atteste d’une humidité du grain plus faible en raison d’un semis sur début mai et des températures un peu plus élevées que les autres sites semés plus tardivement.

En ce qui concerne le remplissage du grain via la mesure du PMG (poids de mille grains), au-delà de 38 % d’humidité du grain, il se stabilise pour terminer autour de 32-34 %. Pour des maïs à 37-38 % d’humidité actuellement, le gain de remplissage sera minime sur les prochains jours en raison de cette phase de stabilisation physiologique, mais aussi des températures annoncées qui ralentissent l’évolution d’humidité du grain.

Les mesures du PMG au cours du remplissage attestent d’un gain de 3 à 4 g de PMG par point d’humidité, soit l’équivalent d’un gain de 1 % de PMG par point d’humidité gagné sur les dernières mesures entre 42-43 % H20 et 36-39 % H20.

Figure 2 : Mesure de l’évolution du remplissage selon l’humidité sur les quatre sites bretons en 2024 - Mesure par prélèvement d’épis / moyenne des variétés observées
Figure 2 : Mesure de l’évolution du remplissage selon l’humidité sur les quatre sites bretons en 2024 - Mesure par prélèvement d’épis / moyenne des variétés observées

Le site de Ploërmel atteste d’une valeur de PMG plus basse que les autres sites en raison d’un potentiel parcellaire moindre.

Comment récolter du maïs grain humide ensilé en élevage bovin ?

Au vu de ce constat d’un maïs grain qui va évoluer lentement, l’opportunité de faire du maïs grain humide ensilé peut être envisagée sur certains élevages qui n’en faisaient pas habituellement. Notamment le cas des élevages bovins avec une ration basée sur du maïs fourrage ayant pu faire suffisamment de stock et ayant quelques hectares restants en maïs grain. Le plus souvent, ce sont les parcelles les plus éloignées de l’exploitation, avec un coût du transport en maïs fourrage élevé, et donc tournées vers la vente de maïs grain.

Le maïs grain humide peut être ensilé à 37-39 % d’humidité du grain, ou en-dessous, permettant de libérer les parcelles rapidement pour implanter des céréales. Le point limitant reste la portance des sols pour entrer dans les parcelles.

Les principaux avantages du maïs grain humide ensilé, d’autant plus cette année : c’est de récolter plus tôt à des humidités plus élevées, sans frais de séchage pour un complément d’énergie dans la ration.

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Principaux stockages du maïs grain humide ensilé possibles sur un élevage bovin (silo couloir tassé et bâché haut à gauche, boudin en haut à droite et big-bag avec une poche hermétique en bas).

Le maïs grain humide est très utilisé en élevage porcin, généralement sous forme inertée dans des silos tours (grains entiers à des humidités inférieures à 34-35 % H20), ou sous forme ensilée dans des silos couloirs (grains broyés à des humidités plus élevées 33 à 38-40 % H20).

En élevage bovin, l’usage du maïs grain humide est moins répandue. Pour ce qui concerne le maïs grain humide ensilé, le principe est le même que l’ensilage de plante entière. Le broyage et tassement doivent permettre de chasser l’air pour créer un milieu anaérobique afin d’obtenir un abaissement rapide du pH, gage d’une bonne conservation.

Il faut donc être attentif à plusieurs éléments sur le chantier de maïs grain humide (MGH) ensilé :

  • Observer les épis dans les parcelles pour détecter la présence de fusarioses sur épis : si c’est le cas, le MGH perd en intérêt au vu du risque sanitaire.
  • Récolter tôt pour limiter le développement des mycotoxines.
  • Broyer aussitôt le grain récolté pour limiter le contact du maïs à l’air, ne pas faire de pré-stockage (chantier de récolte et de broyage le même jour).
  • Le chantier de broyage vise à obtenir une finesse de mouture suffisante pour faciliter le tassement, la conservation et la valorisation auprès des animaux. Le réglage du broyeur et du choix des grilles va dépendre notamment des caractéristiques du broyeur et de l’humidité du grain.
  • Eviter l’apport de terre dans le silo pour limiter les contaminations et le risque sanitaire.
  • Fermer le silo, big-bag, boudin le plus rapidement possible et s’assurer de leur étanchéité pour éviter toute entrée d’air.
  • Lors de l’usage de ce MGH, s’assurer d’avoir un front d’attaque bien dimensionné pour éviter la reprise de fermentation : avancement de 10 cm par jour l’hiver et 20 cm par jour l’été. A ce titre, le stockage en boudin est généralement plus adapté que le silo au vu des quantités moyennes distribuées en bovin.

Modes de stockage 

Concernant les moyens de stockage de ce maïs grain humide ensilé, le choix dépend des infrastructures de stockage encore à disposition, du volume de maïs à stocker et des quantités consommées quotidiennement.

  • Le silo couloir est adapté à la conservation du maïs grain humide broyé sur des volumes variables entre 50-100 et 500 tonnes.
  • Le big-bag, avec une poche hermétique à l’air, est également possible sur des petits volumes en dessous de 50-100 tonnes.
  • Le silo boudin a un coût de stockage un peu plus important, mais permet de stocker des volumes autour de 50-100 tonnes sur des aires non bétonnées si les silos couloirs ne sont plus disponibles.

Adapter l’usage du MGH ensile à la ration

Avec une valeur énergétique de 1,23 UFL/kg de matière sèche, le maïs grain conservé humide est un concentré de très haute valeur nutritionnelle. Il concentre en effet la partie la plus dense en énergie de la plante.

La valeur énergétique élevée du MGH permet ainsi de densifier les rations en énergie des bovins pour ajuster les rations des animaux à hauts niveaux de production ou pour introduire des fourrages moins énergétiques (ensilage d’herbe, foin…) dans la ration. L’incorporation de MGH dans les rations pourrait compenser en partie la moindre teneur en énergie des ensilages d’herbe due aux récoltes tardives ce printemps.

Dans son usage, le maïs grain humide ensilé est une source d’énergie assez rapidement disponible. La dégradabilité de l’amidon et des protéines est intermédiaire à celle du maïs grain sec et du blé. Cela est permis grâce au processus d'ensilage avec une lyse partielle de la matrice protéique enfermant les granules d’amidon, entraînant une disponibilité plus importante et plus rapide de l’amidon au niveau ruminal.

À retenir :

Peu d’évolution du maïs grain dans les prochaines semaines
> Le maïs grain ne va plus beaucoup évoluer en humidité et remplissage.
> Récolter le plus tôt possible pour libérer les parcelles et limiter le risque sanitaire.

Gagner en flexibilité sur certains élevages avec du maïs grain humide ensilé
Profiter du maïs grain humide ensilé pour être plus flexible face aux contraintes de séchage cette année, notamment dans les élevages bovins ayant des parcelles éloignées de l’exploitation habituellement orientées en vente de maïs grain. Le MGH ensilé permet de libérer ces parcelles plus facilement et sécuriser davantage l’autonomie alimentaire du troupeau.

Les conditions de récolte et d’usage du maïs grain humide ensilé
> Le maïs grain humide peut-être ensilé à des humidités entre 33 % et 40 % d’humidité du grain.
> Le maïs grain humide ensilé peut-être stocké en silo couloir, boudin ou big-bag selon la disponibilité des infrastructures et du volume de grain à ensiler.
> C’est un produit riche en énergie avec de l’amidon plus rapidement dégradable que le grain sec, permettant de densifier les rations en énergie et introduire des fourrages moins énergétiques (ensilage d’herbe, foin…).
> Veiller à :
- Observer l’état sanitaire des épis (présence ou non de fusarioses).
- Récolter le plus tôt possible.
- Broyer le grain aussitôt qu’il a été récolté (pas de pré-stockage).
- Régler le broyage selon l’humidité du grain pour tasser plus facilement.
- Extraire le maximum d’air (tassement) et assurer l’étanchéité du stockage.
- Assurer un avancement du front d’attaque suffisant lors du désilage.

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