Choisir ses espèces prairiales selon le contexte et l’utilisation prévue
Le choix des espèces et des variétés à implanter dans une prairie dépend de la pérennité de celle-ci, du contexte pédoclimatique et du mode d’exploitation dominant. L’introduction de légumineuses, tant pour la pâture que pour la fauche, doit être privilégiée pour réduire la fertilisation azotée et les coûts de production.
Choisir d’abord en fonction de la durée de la prairie
Pour raisonner son choix d’espèces, la première question à se poser est celle de la pérennité : combien de temps la prairie doit-elle durer ?
Le ray-grass d’Italie (RGI) a une pérennité de 6 à 18 mois, voire 2 ans pour les variétés non alternatives (encadré). De nombreuses légumineuses annuelles développées ces dernières années peuvent accompagner cette espèce peu pérenne. C’est le cas des trèfles d’Alexandrie, incarnat ou de Perse, et d’autres espèces non soumises à certification(1) comme les trèfles de Micheli, squarrosum, resupinatum, frais, vésiculé, etc.
Pour une prairie de 2 à 3 ans, le ray-grass hybride (RGH), le brome et les trèfles violets et hybrides sont des choix pertinents.
Pour une durée de 4 à 5 ans, ray-grass anglais (RGA), fétuque des prés, fléole, trèfle blanc et luzerne sont à préférer ; leur pérennité peut être encore plus élevée en situation favorable.
Au-delà de 5 ans, dactyle et fétuque élevée sont recommandés.
Se replacer ensuite dans son contexte pédoclimatique
Le type de sol doit être également pris en considération. En terrain superficiel et séchant, dactyle, brome, luzerne et lotier corniculé sont à privilégier. A contrario, en situation humide, voire hydromorphe, fétuque des prés, fléole et trèfle hybride conviennent tout à fait. Dans les autres situations, les ray-grass et les trèfles violet et blanc sont adaptés. À noter que la fétuque élevée est une espèce « tout-terrain ».
Concernant le climat, une fois la prairie installée et/ou en dormance, le froid n’est plus à craindre (hors cas extrêmes). Face à la sécheresse, dactyle, fétuque élevée, brome, luzerne et lotier sont les plus résistants. Le RGA ne pousse plus dès que la température dépasse 25°C.
Adapter les espèces et les traits variétaux à l’utilisation prévue
Quelle sera l’utilisation dominante de la prairie : fauche ou pâture ? Presque aussi important que le choix de l’espèce, le choix variétal doit être cohérent avec ses attentes. Il peut compenser les points faibles de certaines espèces.
Au pâturage, RGA et trèfle blanc sont les plus adaptés, avec comme inconvénient de voir leur production faiblir les étés très chauds. En ray-grass, les variétés diploïdes tallent plus, tandis que les tétraploïdes sont plus riches en eau et sèchent moins vite - elles sont donc à éviter en fauche. Sur les trois grands types de trèfle blanc (nain, intermédiaire ou géant), les trèfles blancs géants résistent en général mieux à la fauche que les deux autres types.
Il faut aussi tenir compte de la précocité d’épiaison : pour le pâturage, mieux vaut des variétés demi-tardives ou tardives, qui montent plus tard à épis.
Pour le dactyle et la fétuque élevée, le pâturage printanier est délicat à maîtriser en raison de l’épiaison rapide, située autour de mi-mai pour les variétés les plus tardives. Par contre, pour ces deux espèces non remontantes(2), les repousses des cycles suivants sont exclusivement feuillues, ce qui facilite le pâturage. Il est préférable de chercher des variétés à souplesse d’exploitation longue, c’est-à-dire avec un long intervalle entre le départ en végétation et le stade épiaison. Privilégier des variétés de fétuque élevée à feuillage souple, plus appétentes.
Les RGI, RGH, brome, trèfle violet et luzerne sont des espèces à réserver à une utilisation en fauche dominante, voire exclusive.
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Variétés alternatives ou non : quelles différences ?
L’alternativité est une caractéristique dont il faut tenir compte pour les RGI et les bromes lors des semis de printemps uniquement. Elle désigne l’aptitude des plantes à monter à épis l’année même du semis. Elle a un impact fort par rapport à l’utilisation de la prairie : l’alternativité n’est à rechercher que dans un objectif de fournir un fourrage rapidement après un semis printanier. Au contraire, si l’on souhaite avoir une exploitation en pâture lors d’un semis de printemps, il faut privilégier une variété non alternative, qui a besoin d’être vernalisée (froid et jours courts) pour épier, et qui n’épiera donc pas la première année lors d’un semis de printemps.
Mélanges graminées-légumineuses : des intérêts certains
La fixation symbiotique, phénomène biologique qui fait la renommée des légumineuses, consiste à fixer l’azote atmosphérique à son profit, mais aussi au bénéfice des espèces non-légumineuses associées. Ce processus est l’atout essentiel des prairies associant graminées et légumineuses : économie d’azote, meilleure production estivale, fourrages plus équilibrés en énergie et protéines...
Qu’il s’agisse d’une association à 2 espèces (graminée-légumineuse) ou d’une prairie multi-espèces (3 espèces ou plus), les légumineuses jouent pleinement leur rôle de moteur azoté lorsqu’elles représentent 40 à 50 % de la matière sèche en été. La prairie fonctionne alors sans apport d’azote.
La vigilance doit, par contre, porter sur le phosphore et le potassium car les légumineuses en consomment des quantités importantes. Ainsi, la luzerne exporte 6 kg de P2O5 et 25 à 30 kg de K2O par tonne de matière sèche. En fonction de la disponibilité de ces éléments dans le sol, des apports s’avèreront sans doute nécessaires pour que les légumineuses expriment leur potentiel.
Pour élaborer ses mélanges prairiaux, deux guides de préconisations agronomiques sont disponibles gratuitement sur le site de l’AFPF.
(1) Ces espèces ne subissent pas de tests officiels sur leurs critères agronomiques ni sur leur valeur alimentaire. Elles peuvent être commercialisées sans nom de variétés, et une même espèce peut avoir plusieurs dénominations. De plus, il faut bien noter que certaines espèces, comme les trèfles de Micheli et vésiculé produisent une forte part de graines dites « dures », ce qui entraîne une dormance plus longue ou des germinations décalées.
(2) La remontaison est la capacité d’une espèce (ou variété) à refaire des épis après une exploitation qui a supprimé ceux de la pousse précédente.
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