Fertilisation azotée des orges d’hiver : deux ou trois apports ?
La fertilisation azotée des orges d’hiver s’appuie classiquement sur deux apports : le premier à début tallage et le second au stade épi 1 cm. Dans les années 1990, des premiers essais avaient démontré que le fractionnement en trois apports permet des gains de rendements, sans dégrader la qualité brassicole. ARVALIS s’est appuyé sur près de 360 essais conduits depuis 1994 pour vérifier la pertinence de ses recommandations en matière de dose prévisionnelle, de fractionnement des apports et de complément de fin de cycle.
Dans les situations carencées, réaliser un troisième apport d’azote permet de gagner en moyenne 8 q/ha en orge d’hiver. Mais si la dose totale d’azote est inférieure à 130 kg N/ha, la recommandation reste d’effectuer deux apports. Ce sont là quelques conclusions de la synthèse des essais « Fertilisation azotée des orges d’hiver » réalisés par ARVALIS et ses partenaires depuis 1994, conduits principalement dans la moitié nord de la France, en zone brassicole.
Le réseau d’essais a été mis en place pour répondre à trois questions principales : les doses prévisionnelles d’azote sont-elles bien calculées ? Quel est l’effet sur le rendement et les teneurs en protéines de fractionner en trois apports la dose prévisionnelle plutôt qu’en deux ? Quel est l’intérêt d’un complément d’azote lors de la montaison en cas de carence azotée ?
Des doses prévisionnelles bien calées en moyenne
Sur les 140 essais disposant de courbes de réponse, la dose prévisionnelle X moyenne est de 149 kg N/ha, et la dose optimale - calculée a posteriori à 97 % du rendement maximum - est de 141 kg N/ha.
Au global, la dose prévisionnelle est plutôt bien estimée dans les essais. Avec un seuil de plus ou moins 20 kg N/ha, 23 % des essais présentent une dose X sous-estimée et 37 %, une dose surestimée. Il n’y a donc pas de sous-estimation généralisée des doses prévisionnelles.
En examinant les données par classe de dose optimale, on constate que le risque de voir la dose prévisionnelle surestimer les besoins est plus important pour les doses optimales les plus faibles (moins de 130 kg N/ha, soit 42 % des essais) (tableau 1). À l’inverse, c’est pour les doses optimales les plus élevées (plus de 170 kg N/ha, 26 % des essais) que les risques de sous-estimation sont les plus importants : 67 % des essais avec une dose optimale supérieure à 170 kg N/ha avaient une dose X sous-estimée. Ainsi, c’est lorsque les besoins en azote sont les plus importants que l’on constate des risques de sous-estimation de la fertilisation.
Cela confirme l’importance d’approcher au mieux les besoins des cultures en utilisant la méthode de calcul de dose (bilan ou CAU par exemple). Il faut pour cela effectuer des mesures de reliquats de sortie d’hiver sur l’ensemble des horizons accessibles par les racines et bien prendre en compte l’historique de rendement. Dans les cas de forts potentiels, le pilotage du troisième apport d’azote est possible sur orge d’hiver et peut permettre d’atteindre le potentiel en adaptant les doses d’azote si nécessaire.
Tableau 1 : Dose prévisionnelle étudiée par classes de dose optimale : écart moyen de la dose prévisionnelle par rapport à la dose optimale, et pourcentages d’essais où elle s’écarte ou non de cet optimum
* Sur l’ensemble des essais, la dose prévisionnelle (notée X) correspond à la dose optimale dans 40 % des cas ; dans 23 % des cas elle est inférieure, et dans 37 % des cas, elle est supérieure.
Pas de risque à fractionner en trois apports sauf en cas de faible dose totale
La référence en termes de fertilisation azotée des orges d’hiver est un fractionnement en deux apports de la dose X, avec 30 à 60 kg N/ha à fin tallage et le solde autour du stade « épi 1 cm ». Le fractionnement en trois apports est parfois réalisé mais non généralisé. D’après les enquêtes « Pratiques culturales » d’Agreste de 2017, 2,2 apports d’azote sont en moyenne réalisés sur orge d’hiver quand on en fait trois en blé tendre.
Les essais les plus récents, de 2014 à 2022, ont été sélectionnés pour étudier l’effet du fractionnement en trois apports (avec un troisième apport réalisé entre les stades « 2 nœuds » et « dernière feuille pointante », à des doses comprises entre 40 et 80 kg N/ha).
Les résultats d’un regroupement de 95 essais montrent un effet neutre sur le rendement en moyenne (figure 1). Cependant, lorsqu’on sélectionne les essais qui ont des doses totales inférieures à 130 kg N/ha, le fractionnement en trois apports conduit à une perte de rendement significative, en moyenne de 1,2 q/ha. En effet, fractionner en trois ces doses prévisionnelles revient à apporter moins de 70 kg N/ha au stade « épi 1 cm » et peut causer des carences non rattrapables.
Figure 1 : Rendement de l’orge d’hiver obtenu pour une dose prévisionnelle (X) fractionnée en 3 apports en fonction du rendement obtenu pour un fractionnement en 2 apports
Concernant le taux de protéines, on note un gain significatif de 0,16 point avec un fractionnement en trois apports plutôt que deux (figure 2). Ce fractionnement permet de reclasser sept essais en brassicole et déclasse seulement quatre essais avec un dépassement de 11,5 points de protéines. Le risque de déclasser les essais en orges brassicoles est donc modéré. En étudiant plus en détail ces essais, ni le stade ni la dose du troisième apport ne modifient les rendements, mais le taux de protéines augmente davantage pour les apports après « dernière feuille pointante » (+ 0,41 point de protéines) et pour les apports supérieurs à 40 kg N/ha.
Figure 2 : Teneur en protéines de l’orge d’hiver obtenue pour une dose prévisionnelle (X) fractionnée en 3 apports en fonction de la teneur obtenue pour un fractionnement en 2 apports
- Si la dose totale est faible (< 130 kg N/ha), la fractionner en deux apports maximums.
- Si la dose totale dépasse 140 kg N/ha, il est possible de fractionner en trois apports sans risque de perte de rendement. Cela peut aider à assurer une meilleure efficacité des engrais, en particulier en conditions climatiques sèches en début de montaison, autour du stade « épi 1 cm ».
- Le troisième apport peut être effectué jusqu’à « dernière feuille » pour les orges fourragères. Pour les orges brassicoles, on privilégiera des troisièmes apports de 30 à 40 kg N/ha autour du stade « 2 nœuds » afin de ne pas prendre le risque de dépassement des seuils de teneur en protéines.
Un complément d’azote payant lorsque nécessaire
Dans les situations à fort potentiel, où il existe un risque de sous-estimer la dose totale, ARVALIS a évalué l’intérêt d’un complément d’azote lorsque nécessaire.
Pour cela, neuf essais avec une dose prévisionnelle X inférieure à la dose optimale ont été sélectionnés. Les modalités où la dose X est apportée en deux apports avec un complément de 40 kg N/ha au troisième apport montrent, en comparaison à la dose X apportée en deux fois, un gain de 8,1 q/ha et de 1,09 point de protéines, avec cependant des risques de dépasser les 11,5 points de protéines. Ces résultats montrent tout l’intérêt de piloter la fertilisation des orges d’hiver pour détecter les situations sous-fertilisées. Les outils de pilotage comme le N-tester ou Farmstar sont adaptés aux débouchés brassicoles pour éviter les risques d’augmentation trop importante des teneurs en protéines.
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