Maladies du blé tendre - Une résistance variétale à exploiter pleinement
ARVALIS a caractérisé le niveau de résistance des nouvelles variétés de blé tendre aux principales maladies foliaires sur la base des essais d’inscription et de post-inscription conduits de 2016 à 2018. Ces évaluations vous aideront à adapter choix de variétés et programmes fongicides.
Même si elles ne sont pas toujours totales, les résistances génétiques peuvent constituer des protections très efficaces contre la plupart des maladies présentes en France. Malheureusement, à ce jour, aucune variété de blé tendre ne cumule un niveau suffisant de résistance à l’ensemble des maladies pour qu’il soit possible de limiter l’inoculum et de se passer de toute protection fongicide chimique sans risquer des pertes de rendement.
Pour tirer le meilleur des résistances variétales, une variété sera choisie en fonction des principaux risques parasitaires de la parcelle dans laquelle elle est cultivée. Les variétés résistantes seront valorisées par des économies de traitement fongicide, entraînant une réduction de l’indice de fréquence de traitements (IFT) de la culture.
Elles apporteront également un peu plus de sécurité et de flexibilité dans la conduite de la culture.
Cependant, sous la pression de sélection exercée par les variétés cultivées, les races de pathogènes évoluent dans le temps. Ces modifications obligent à actualiser régulièrement les notes de résistances des variétés et à rester vigilant.
Les pertes de rendement en l’absence de traitement fongicide (écart de rendement entre modalités « traité » et « non traité ») sont un bon indicateur du niveau de résistance globale des variétés aux maladies dominantes de la zone considérée.
Une nuisibilité due surtout à la septoriose et aux rouilles
Dans la moitié nord de la France (figure 1), bien que la rouille brune fasse quelques apparitions, la septoriose et la rouille jaune restent les maladies les plus fréquentes et, en règle générale, les plus nuisibles. La nuisibilité moyenne mesurée sur les essais variétés dans cette zone a été d’environ 17 q/ha en 2018 et de 16 q/ha sur 2016-2018.
Ces chiffres masquent de fortes disparités régionales avec, par exemple, en moyenne sur 3 ans, 24 q/ ha de nuisibilité en Bretagne-Basse Normandie contre 7 q/ha en Barrois-Lorraine.
Dans la zone sud (figure 2), la septoriose et la rouille brune restent les maladies les plus fréquentes et, en règle générale, les plus nuisibles. Toutefois, la rouille jaune est plus régulièrement observée depuis 2012, notamment sur les variétés les plus sensibles. La nuisibilité globale (toutes maladies confondues) a été plus élevée que dans le nord de la France, avec une moyenne pluriannuelle (2016-2018) de 18 q/ha et une moyenne pour 2018 de 23 q/ha.
Figure 1 : Nuisibilité pluriannuelle des maladies foliaires dans la moitié nord de la France entre 2016 et 2018
Source : Synthèse des essais d’inscription (CTPS/GEVES) et de post-inscription (ARVALIS et partenaires).
Figure 2 : Nuisibilité pluriannuelle pour l’ensemble des maladies foliaires dans la moitié sud de la France de 2016 à 2018
Source : Synthèse des essais d’inscription (CTPS/GEVES) et de post-inscription (ARVALIS et partenaires).
Adaptez la dépense « fongicides » à la sensibilité variétale
En plus du prix du blé et du niveau de pression de maladie observé au printemps, la variété doit également être prise en compte pour choisir un programme de protection. Le niveau de résistance peut faire varier la nuisibilité du simple au double (hors rouille jaune). De ce fait, une variété sensible, c’est-à-dire présentant un écart de rendement « traité - non traité » élevé, nécessitera un niveau de protection élevé.
Par expérience, une variété résistante présentant un écart « traité-non traité » d’environ 10 q/ ha peut justifier, selon les années, qu’on dépense en moyenne 45 €/ha, avec une hypothèse de prix du blé à 16 €/q. (La dépense fongicide optimale théorique s’échelonne de 30 à 53 €/ha selon le prix du blé retenu). En revanche, pour une variété deux fois plus sensible, la moyenne des dégâts observés est de 20 q/ ha, et la dépense optimale théorique s’échelonne alors de 53 à 82 €/ha. Au final, choisir une variété résistante permet d’économiser environ 30 €/ha par rapport à une variété sensible.
Attention, ces repères ne valent que pour les pertes occasionnées globalement par les maladies foliaires, autrement dit par la septoriose et les rouilles, qui représentent les principaux risques. Si d’autres risques, comme une attaque de rouille jaune très précoce, le piétin-verse, l’oïdium ou la fusariose, venaient s’ajouter, la protection devra être adaptée en conséquence. Enfin si ces repères sont utiles pour préparer sa stratégie de protection contre les maladies, il faudra au final prendre en compte le contexte de la saison et les conditions réelles de développement des maladies pour ajuster en cours de campagne à la hausse ou à la baisse les programmes bâtis en morte saison.
Les races de rouilles et de septoriose évoluent
La résistance variétale reste le moyen de lutte le plus économique et le plus efficace pour lutter contre la rouille jaune du blé tendre. Plus de la moitié des variétés actuelles restent résistantes ou assez résistantes à cette maladie. Toutefois les races de rouille jaune évoluent en fonction du paysage des variétés cultivées, c’est pourquoi des contournements de résistance variétale surviennent régulièrement. Après le contournement de la résistance d’Oregrain en 2015-2016, la résistance de Némo a été à son tour contournée en 2017-2018. Si les résistances variétales qui s’expriment dès le stade plantule sont efficaces tout au long du cycle de la culture, d’autres résistances ne se mettent en place qu’une fois un certain stade de développement atteint. Ainsi, beaucoup de variétés de blé tendre résistantes en fin de montaison et durant le remplissage, telles Rubisko ou Cellule, peuvent être sensibles durant le tallage ou le début de la montaison.
Les races de rouille brune évoluent aussi régulièrement en réponse aux changements du paysage variétal, comme le montrent les résultats 2017 de l’enquête réalisée par l’Inra. Suite à la disparition des variétés qui l’ont fortement favorisée (Bermude, Sankara, Caphorn et Aubusson), la race dominante depuis dix ans a été remplacée par une nouvelle famille qui présente une forte affinité avec la variété Cellule. Parallèlement, les races virulentes sur le gène de résistance Lr28 maintiennent leur progression en 2017 : elles représentaient 16 % de la population de rouille brune en 2016, et 41 % en 2017 ; aussi les variétés dont la résistance repose essentiellement sur Lr28, comme Oregrain, Némo ou Filon, sont de plus en plus régulièrement très touchées par la rouille brune. En revanche Rubisko conserve un assez bon niveau de résistance.
Concernant la septoriose, depuis quelques années, quelques variétés comme Fructidor ou LG Absalon se démarquent par leur très bon niveau de résistance à la maladie. Cependant, même si les contournements de résistance à la septoriose sont en règle générale plus progressifs que pour les rouilles, on observe fréquemment une érosion du niveau de résistance des variétés les plus cultivées, comme Rubisko ou Cellule. Déjà pressenti en 2017 et confirmé en 2018, Mutic, Filon, Unik et RGT Goldeno, bien que récemment inscrites, ont montré une détérioration rapide de leur niveau de résistance à la septoriose.
Depuis l’apparition de la race Warrior, arrivée de manière massive et encore inexpliquée en Europe en 2011, les épidémies de rouille jaune sont plus fréquentes et plus nuisibles sur blé tendre, triticale et blé dur. Ceci coïncide avec des périodes de conditions climatiques favorables au développement épidémique, en particulier des hivers doux et des printemps favorables sans discontinuité - comme en 2014. Les hivers doux ont permis un développement épidémique très précoce sur des variétés au stade jeune et un nombre élevé de générations du parasite. Les analyses moléculaires révèlent une diversité génétique plus importante des races de rouille jaune depuis ce changement de population. Selon les résultats de l’enquête 2017 de l’Inra, les races Warrior1 et Warrior sont toujours dominantes en blé tendre en 2017. Toutefois, l’Inra a décrit en 2017 un variant de la race Warrior possédant le même spectre de virulences que celui de Warrior - à l’exception de la virulence 17. Très majoritairement retrouvée sur la variété Némo, cette nouvelle race est probablement responsable du contournement observé sur cette variété en 2017. Dans le contexte actuel, il est donc fortement conseillé de choisir des variétés résistantes ou assez résistantes.
Réagissez !
Merci de vous connecter pour commenter cet article.