Croissance et tubérisation - Rôle du tubercule-mère
A la récolte, le tubercule de pomme de terre est généralement incapable de germer, même si les conditions de croissance sont optimales (température de 18 à 20 °C, hygrométrie supérieure à 90 %) ; il est à l’état de repos végétatif (ou endodormance). La durée de celui-ci est variable et constitue un caractère variétal. Il peut être diminué sous l’action de hautes températures durant la végétation.
A la fin du repos végétatif, le tubercule peut être maintenu en dormance, sans germination, par l'application de conditions sub-optimales (température basse).
Incubation du tubercule
En cours de conservation, le tubercule subit une évolution physiologique analogue à un vieillissement, d’autant plus rapide que la température est élevée. Sous l’influence de substances de tubérisation et dès qu’une certaine dose est atteinte (au bout de plusieurs mois), le germe donne directement naissance à des tubercules-fils, c’est le stade d’incubation ; ce phénomène est connu sous le nom de boulage.
Cette incubation du tubercule s’effectue même en dehors de toute germination (cas des tubercules conservés durant plus d’un an en magasin frigorifique) et elle est irréversible : il n’est pas possible de supprimer un degré d’incubation acquis.
Croissance des germes
Le germe est le reflet de l’évolution physiologique du tubercule. Sa croissance présente trois grandes phases (voir figure 1).
Courbe de croissance de germes de tubercules d'âge physiologique différent (d'après Madec et Perennec)
La vitesse de croissance est d’abord faible (phase I), puis elle augmente jusqu’à un maximum (phase II), décroît et devient finalement nulle, lorsque le stade d’incubation est atteint (phase III).
Lorsqu’un égermage est effectué, un nouveau germe prend le relais avec la même capacité de croissance que celle acquise par le précédant. Dans la phase I, en A, il croît lentement (vigueur figuré par V1), dans la phase II, en B, rapidement (V2) mais dans la phase III, en C, il repart difficilement (V3) ou pas du tout.
Une pratique identique sur un autre tubercule plus incubé (courbe en vert) n’a pas les mêmes conséquences : en A, la vitesse de croissance est déjà très grande (V’1) ; en B, elle est devenue très faible (V’2) et en C, elle est nulle.
Parallèlement, on remarque une évolution du nombre de germes. Si le tubercule est placé très tôt, durant la phase I, dans les conditions optimales de germination, seul le germe terminal situé sur la couronne se développe rapidement, au détriment des bourgeons latéraux. Il s’agit de la dominance apicale ; la suppression de ce germe lève l’inhibition. Par contre, si le tubercule est conservé dès la récolte et pendant plusieurs mois à basse température (2 °C), tous les germes demeurent à l’état latent ; placés ensuite durant la phase II à une température plus élevée, ils apparaissent tous rapidement et simultanément.
Du nombre de germes par tubercule-mère dépend le nombre de tiges de la plante, le rendement, le nombre de tubercules-fils et le calibrage de la récolte.
Influence de la variété
Très influencée par les conditions de conservation, la vitesse d’incubation est aussi un caractère variétal qui n’a, en général, aucune liaison avec la précocité de maturation (voir figure 2). Elle peut être déterminée par l’appréciation de la capacité de la variété à reformer un germe après égermage (résistance à l'égermage).
Repos végétatif et vitesse d'incubation (sensibilité à l'égermage) de diverses variétés
Les connaissances acquises sur l’âge physiologique des plants permettent la mise en œuvre de la conservation à basse température telle qu’elle est réalisée en chambres frigorifiques (2 à 4 °C). Celle-ci permet d’avoir des plants de qualité, physiologiquement en phase pour des plantations classiques.
En pratique, les variétés les plus sensibles à l’incubation (note inférieure à 5) doivent être rentrées très tôt en local réfrigéré (avant le 15 octobre) et refroidies jusqu’à 2 ou 3 °C. Par ailleurs, lors d’un repos végétatif court, la prégermination, si elle est pratiquée, doit être limitée à un mois et demi au maximum.
Les variétés moins sensibles (note comprise entre 5 et 7) peuvent être rentrées en local réfrigéré un peu plus tardivement (jusqu’au 15 novembre) et conservées à 4 °C.
Pour les variétés à incubation lente (note supérieure à 7), il suffit d’assurer un refroidissement permettant d’éviter une germination trop hâtive ou excessive et de supprimer le phénomène de dominance apicale.
Action sur le comportement de la plante
L’état physiologique du tubercule-mère influe non seulement sur la germination, la rapidité et la capacité de croissance des germes, mais aussi directement sur le développement et la productivité des plantes qui en sont issues.
Plus le germe atteint un degré d’évolution avancé sur le tubercule, moins il conserve sa potentialité de croissance foliaire après la plantation, ce qui se traduit par une grande chétivité de la plante (dans les cas extrêmes, ce vieillissement conduit au boulage). La capacité de production est nettement diminuée mais sa précocité de tubérisation est plus grande. Plus une variété est normalement à tubérisation tardive, plus le gain de précocité par l’incubation préalable est grand.
Les résultats obtenus à partir de deux lots d’une même variété no 1, à incubation avancée, et no 2, à incubation faible au moment de la plantation, sont différents. La productivité du lot 2 est potentiellement supérieure à celle du lot 1. Cependant, comme une plus forte incubation entraîne une tubérisation plus précoce, pour des arrachages effectués avant la date J, le lot 1 donne les meilleurs rendements.
Après le jour J, le lot 2 est plus productif, à moins que sa croissance soit contrariée par des conditions défavorables en fin de végétation, sécheresse estivale par exemple (courbe en pointillés). Le contraire se passe si les facteurs défavorables jouent au début de la végétation.
Le nombre de tubercules est lui aussi modifié : le plant peu incubé porte moins de germes que le plant physiologiquement plus gros.
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