Production de viande bovine - Quelles performances du pâturage face aux aléas climatiques ?
Dans un contexte économique peu porteur, le pâturage reste une nécessité pour les éleveurs. Or, les aléas climatiques sont de plus en plus fréquents, avec notamment des sécheresses plus marquées. ARVALIS a comparé les performances animales et la production d'herbe pour deux types de prairie sur plusieurs années climatiques.
L'essai, mené de 2008 à 2011 sur la ferme expérimentale des Bordes à Jeu-les-Bois (36)*, s’est déroulé sur plus de 31 ha, dans de grandes parcelles implantées en sols sablo-limoneux à tendance hydromorphe, avec une pluviométrie moyenne de 750 mm par an. Chaque grande parcelle a été divisée en deux parcelles de 1,5 à 2,2 ha, l’une semée avec une association de graminées et de légumineuses, et l’autre avec un mélange multi-espèces. Les associations sont majoritairement constituées de ray-grass anglais et de trèfles blancs. Les multi-espèces sont des mélanges de 5 à 8 espèces, dont les graminées de base sont le ray-grass anglais, la fétuque élevée et le dactyle ; les légumineuses sont le trèfle blanc et le lotier.
Chaque année, deux lots de 20 ou 21 couples mère-veau ont pâturé ces parcelles, le premier pâturant exclusivement les associations, et le second, les multi-espèces. La conduite du pâturage a été gérée par la méthode Herbo-LIS®. Le chargement était de 1,3 UGB/ha.
Un facteur « année » prépondérant sur le rendement des prairies
La production des prairies est intéressante, avec des rendements moyens qui dépassent les 7 t MS/ha/an et de très bonnes valeurs alimentaires (0,84 UFL/kg MS et 88 g PDIE/ kg MS), ces dernières variant au cours de la saison (figure 1).
Figure 1 : Courbe de croissance de l’herbe et évolution des teneurs en MAT et UFL au cours de la saison. Moyennes 2008-2011, essai de Jeu-les-Bois
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Les mélanges prairiaux ont permis de produire plus de 980 kg MAT/ha/an. Dans le contexte de Jeu-les-Bois, les apports protéiques permis par les prairies temporaires de type « pâture » ont offert en moyenne + 146 kg MAT/ha/an par rapport aux meilleures prairies temporaires de type « fauche » d’un précédent essai. Si on compare ces apports à ceux obtenus par des protéagineux purs, ils sont aussi supérieurs : 822 kg MAT/ha pour du pois protéagineux (239 g MAT/kg MS ; rendement : 40 q/ha) et 885 kg MAT/ha pour de la féverole à fleurs colorées (294 g MAT/kg MS ; rendement : 35 q/ha).
Les années climatiques ont été hétérogènes et peuvent se séparer en deux catégories d’aléas : l’aléa « classique » (2008 à 2010), correspondant à une sécheresse estivale « normale », et l’aléa extrême (2011), avec une sécheresse printanière marquée. Malgré ces stress hydriques d’intensité et de périodes variables, les rendements des deux types de prairie n’ont pas été significativement différents : 7,4 t MS/ha/an pour les associations et 7,3 t MS/ha/an pour les multi-espèces. Ainsi, les avantages de productivité et de robustesse des multi-espèces par rapport aux associations n’ont pas été mis en évidence dans cet essai.
Par contre, l’effet « année » est significatif sur la productivité des prairies, avec des écarts interannuels allant jusqu’à 1 t MS/ha. Cet effet « année » est à relier aux conditions météorologiques. L’impact négatif d’une sécheresse printanière est bien plus important et difficile à gérer que celui des déficits hydriques estivaux, puisque la pousse de l’herbe se fait principalement au printemps (figure 1). En 2011, la perte de production est de 1,6 t MS/ha (soit -21 %) par rapport à la moyenne des quatre ans d’essai avec, en outre, un affouragement des animaux au champ (1 mois), ce qui est préjudiciable à l’autonomie d’un système herbager.
Des croissances animales satisfaisantes
Les performances des animaux n’ont été affectées ni par les années climatiques, ni par le type de prairie. Pour les veaux, nés en moyenne dans la première décade de février, les gains moyens quotidiens (GMQ) de la mise à l’herbe au sevrage (à 8-8,5 mois) ont été de 1198 g/j en moyenne pour les deux modalités. Les vaches ont conservé un état corporel satisfaisant avec des GMQ moyens de 304 g/j (tableau 1).
Tableau 1 : Moyennes annuelles des gains moyens quotidiens (GMQ) depuis la mise à l’herbe jusqu’au sevrage selon le type de prairie, essai de Jeu-les-Bois
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Ces croissances permettent une production moyenne au pâturage de 187 et 174 kg de viande vive par veau respectivement pour les associations et les multi-espèces, ou 204 kg de viande vive par hectare en moyenne pour les deux types de mélange. Il est donc possible de produire de la viande au pâturage sans complémentation, même en cas d’aléa climatique majeur.
Il paraît, par contre, primordial de gérer son pâturage au mieux, en gardant à l’esprit que la plupart des techniques de pâturage se valent en conditions optimales mais que, face à un aléa climatique, la sensibilité est accrue pour les techniques de conduite très simplifiées, ces dernières étant plus délicates à gérer. D’autres leviers peuvent réduire la sensibilité des systèmes herbagers aux aléas, soit par des choix tactiques (fauche précoce, allongement de la saison de pâturage…), soit par des décisions stratégiques comme la diversification des prairies.
*Station de recherche issue d’un partenariat entre ARVALIS et quatre chambres d’agriculture, la ferme expérimentale des Bordes à Jeu-les-Bois (36) centre ses expérimentations sur la valorisation de l’herbe en élevage bovin allaitant.
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