Agriculture biologique - Quand et comment apporter des engrais azotés du commerce sur céréales à paille ?
Dans les situations où un apport d’engrais azotés issus du commerce se justifie sur céréales conduites en AB, plusieurs stratégies sont possibles. Le point sur le choix du produit, la date d’apport et le fractionnement.
Une difficulté majeure pour valoriser au mieux l’azote des engrais du commerce est de savoir à quel moment les apporter pour que leur minéralisation se produise lorsque les besoins des céréales sont les plus élevés. En fonction du produit, du type de sol et surtout des conditions de l’année, la minéralisation est plus ou moins rapide et difficile à anticiper.
Choisir l’engrais selon le prix de la valeur fertilisante
Une synthèse réalisée par la Chambre d’agriculture d’Île-de-France, à partir d’essais fertilisation azotée du blé en AB conduits par différents organismes métropolitains a montré très peu d’écart d’efficacité entre les différents engrais du commerce à action rapide testés : vinasse, fientes de volailles, engrais à base de guano d’oiseaux marins + farine de sang et farines de plumes. Sur une petite dizaine de comparaison de ces produits deux à deux, il semble qu’en tendance les produits à base de farines de viande ou de plumes permettent un gain de rendement légèrement supérieur aux fientes. Toutefois, cet écart est statistiquement non significatif. L’efficacité de ces apports dépend très peu du choix du produit mais essentiellement du contexte.
En effet, à l’exception des fientes de volailles qui contiennent une part d’azote ammoniacal importante, ces produits apportent de l’azote principalement sous forme organique. Or, la disponibilité de cette forme d’azote dépend avant tout des conditions de minéralisation. La cinétique de la minéralisation est soumise aux conditions pédoclimatiques, qui elles-mêmes impactent le cycle de la culture et donc la cinétique des besoins en azote de la culture : Les facteurs environnementaux sont trop importants pour départager les engrais azotés d’après leur efficacité. Pour chaque engrais, le CAU (coefficient apparent d’utilisation) varie énormément avec le contexte, et le rendement également.
Le critère de choix d’un engrais azoté du commerce est donc son prix rapporté à la valeur fertilisante. Celui-ci varie fortement selon la zone géographique compte tenue des logistiques nécessaires à ce genre de produit. Lors du choix, veiller à prendre en compte les autres éléments apportés et pas seulement l’azote.
Pas d’augmentation significative de la teneur en protéines avec un 2e apport tardif
On pourrait penser que des apports d’azote tardifs favorisent la teneur en protéines du blé. Or, même si une tendance émerge, le fractionnement avec apport après tallage n’a pas d’effet significatif sur cette variable. C’est ce qui ressort des huit essais mis en place sur blé tendre et sur blé dur entre 2017 et 2019 par ARVALIS et les coopératives Drômoise de Céréales et ValSoleil (tableau 1).
Trois engrais composés essentiellement de sous-produits animaux (poudres de viande et d’os, farines de sang et de plumes et/ou poudre d’onglons et marc de peaux) ont été utilisés, mais pas systématiquement de manière simultanée dans tous les essais. Leur titrage N-P-K était respectivement de 9-6-0, 10-2-2 et 12-3-0. Pour toutes les stratégies et tous les engrais testés, la dose d’azote totale apportée est restée la même.
Au printemps, la minéralisation des matières organiques du sol est généralement importante et il est probable que le surplus d’azote minéralisé à partir des engrais du commerce soit « dilué » dans tout cet azote.
Tableau 1 : Effet du fractionnement des apports d’engrais organiques sur la teneur en protéines
Réseau de 8 essais ARVALIS, ValSoleil et la Drômoise de Céréales conduits de 2017 à 2019.
Départements : 11, 24, 26, 30, 32 et 81 - Cultures : blé tendre (7 essais) et blé dur (1 essai) - Précédents : soja (6 essais), oignon (1 essai), maïs semences (1 essai) - Stratégies d’apport comparées à une conduite de référence en un seul apport courant tallage
Test statistique par comparaison de moyennes appariées : *** différence significative au seuil de 1 % ; ** de 5 % ; * de 10 % ; NS différence non significative.
1 Attention ! Les apports à 2-3 feuilles ont été réalisés au cours de l’hiver (en décembre ou début janvier suivant les sites). Ces pratiques ne sont pas autorisées dans les zones vulnérables définies par la directive nitrate : interdiction d’apport avant le 15/01 dans les régions Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Occitanie, et dans les départements de Dordogne, de Gironde, des Landes, du Lot-et-Garonne et des Pyrénées-Atlantiques et avant le 01/02 dans tous les autres départements.
Le fractionnement avec apport précoce améliore le rendement
En revanche, des apports réalisés plus tôt, lorsque la minéralisation des matières organiques du sol est encore faible, semblent plus efficaces. Ainsi, le même réseau d’essais a montré que le fractionnement avec apport de la moitié de la dose totale d’azote vers le stade « 2-3 feuilles » présente un effet significatif sur le rendement de +2,4 q/ha par rapport à l’apport de la totalité de la dose courant tallage (tableau 2).
Il semble donc que le meilleur compromis soit d’apporter une partie des engrais organiques avant le début du tallage, puis le reste avant le stade « épi 1 cm ».
Tableau 2 : Effet du fractionnement des apports d’engrais organiques sur le rendement
Réseau de 8 essais ARVALIS, ValSoleil et la Drômoise de Céréales conduits de 2017 à 2019.
Départements : 11, 24, 26, 30, 32 et 81 - Cultures : blé tendre (7 essais) et blé dur (1 essai) - Précédents : soja (6 essais), oignon (1 essai), maïs semences (1 essai) - Stratégies d’apport comparées à une conduite de référence en un seul apport courant tallage ; 3 engrais testés pour la même dose totale d’azote
Test statistique par comparaison de moyennes appariées : *** différence significative au seuil de 1 % ; ** de 5 % ; * de 10 % ; NS différence non significative.
1 Attention ! Les apports à 2-3 feuilles ont été réalisés au cours de l’hiver (en décembre ou début janvier suivant les sites). Ces pratiques ne sont pas autorisées dans les zones vulnérables définies par la directive nitrate : interdiction d’apport avant le 15/01 dans les régions Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Occitanie, et dans les départements de Dordogne, de Gironde, des Landes, du Lot-et-Garonne et des Pyrénées-Atlantiques et avant le 01/02 dans tous les autres départements.
Le fractionnement sécurise la fertilisation
La cinétique de minéralisation varie beaucoup selon les conditions de température et d’humidité du sol de l’année : il est donc difficile voire impossible de prédire quand apporter l’engrais organique pour que l’azote soit disponible exactement au bon moment. Le fractionnement des apports peut permettre de s’affranchir en partie de cette incertitude.
Attention ! Même si le fractionnement peut s’avérer intéressant pour améliorer le rendement, le passage supplémentaire qu’il requiert peut entrer en compétition avec les opérations de désherbage mécanique à une période de l’année où les jours disponibles pour intervenir sont souvent limités… d’autant que la règle de maîtriser les adventices avant de fertiliser reste de mise. De plus, le fractionnement se justifie surtout pour des gros apports, supérieurs à 90 kg N/ha.
Ces conclusions doivent être nuancées en fonction du contexte pédologique, des conditions de l’année et de la vitesse de minéralisation des engrais. Plus la minéralisation est lente, plus les apports devront être anticipés. A contrario, plus les conditions sont favorables et plus ils pourront être retardés.
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