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Orges : comment expliquer les faibles rendements observés cette année en Bretagne ?

Marquée par des sols saturés en eau jusque fin montaison, la collecte 2024 des orges en Bretagne ne restera pas dans les annales : les rendements sont en baisse de 11 % dans nos essais. Les suivis physiologiques et les essais variétés conduits chaque année par ARVALIS et ses partenaires nous éclairent sur les raisons de cette baisse.

parcelle d’orge d’hiver à montaison

L’automne 2023 et l’hiver qui s’en suit ont connu des excès d’eau plus ou moins importants selon les secteurs. Mais ce sont surtout les excès d’eau courant montaison qui expliquent la baisse des rendements, en particulier dans les sols peu filtrants.

L’analyse des différentes composantes du rendement montre que la densité d’épis a pu être impactée selon les dates de semis et le type de sol. Mais, globalement, la fertilité d’épis n’a pas été au rendez-vous en raison des pluies continues et tardives associées à un déficit de rayonnement. Cela a fait chuter le nombre de grains/m² : principale composante expliquant le rendement des orges. Quant au remplissage des grains, il s’est correctement déroulé, mis à part pour les variétés tardives (ex. : LG Caïman) en raison d’un manque de rayonnement sur la période floraison-grain laiteux. Mais l’écart entre les orges 2 rangs et 6 rangs n’est pas plus important que les autres années sur les essais bretons.

Tableau 1 : Composantes de rendement des orges observées durant la campagne 2023/24 en Bretagne par rapport à la moyenne des 20 dernières années

Tableau 1 : Composantes de rendement des orges observées durant la campagne 2023/24 en Bretagne par rapport à la moyenne des 20 dernières années

-- : très inférieur à la moyenne
- : inférieur à la moyenne
0 : proche-autour de la moyenne
+ : supérieur à la moyenne

Un réseau pour suivre finement la construction du rendement
Le réseau d’essais des variétés d’orge 2024 conduit par ARVALIS en partenariat avec la Chambre d’Agriculture de Bretagne et Agritech service montre un rendement moyen en microparcelle de 82,6 q/ha, soit une baisse de 11 % par rapport à la moyenne pluriannuelle des essais variétaux dans la région.
Depuis 3 ans, la variété en orge 6 rangs KWS Faro, qui sert de repère physiologique entre années, bénéficie d’un suivi précis sur la station ARVALIS de Ploërmel (56), avec des mesures et analyses régulières en cours de campagne de sa biomasse et sa nutrition azotée. Cette année, KWS Faro présente un rendement en baisse de 19 % par rapport à 2022 et 2023 sur des sites d’essais très proches (moins de 600 m) avec des types de sols similaires.

Un automne et un hiver pluvieux qui n’expliquent pas la baisse de rendement

En raison des pluies répétées sur le mois de novembre, la majorité des semis ont été réalisés fin novembre. Les implantations ont eu lieu en conditions de portance parfois limitées, pénalisant l’enracinement des orges. Les excès d’eau sur les parcelles hydromorphes ont pu provoquer des pertes de pieds.

Ces conditions n’ont pas toujours permis d’effectuer des désherbages d’automne ou d’intervenir au bon stade, d’où les fortes infestations en adventices parfois observées, en particulier de ray-grass.

Toutefois, ces excès d’eau sur la période hivernale ne sont pas partout exceptionnels. À Ploërmel, les cumuls de pluies entre début novembre et mi-mars restent dans la médiane des 20 dernières années (carte 1). Seuls l’ouest du Morbihan et le Finistère ont connu des excès d’eau plaçant l’année 2024 comme la 4 ou 5e année la plus pluvieuse depuis 20 ans. Ce qui a pu marquer, c’est le nombre de jours de pluie.

Carte 1 : Pluies enregistrées entre le 25 octobre 2023 et le 31 mars 2024 en cumulé (à gauche) et en % de la médiane 2000/2022 (à droite)

L’excès de pluie hivernal peut asphyxier plus ou moins temporairement le système racinaire et bloquer le métabolisme de la plante. Néanmoins, cela apparaît généralement au stade tallage, un stade plus robuste à ce type de phénomène. Les semis tardifs et l’hiver pluvieux ont pu engendrer un système racinaire déficient. Mais l’hiver 2024 est marqué par un fort excès de températures, qui peut favoriser un meilleur tallage des plantes et compenser en partie les pertes de pieds éventuelles.

Une montaison sous l’eau impactant le nombre de grains/m²

Malgré des semis tardifs, les excès de températures hivernales amènent l’arrivée du stade épi 1 cm classiquement autour de la deuxième quinzaine de mars. Les épisodes de pluies se sont anormalement poursuivis, avec des températures toujours supérieures à la médiane.

Un impact sur le nombre et la fertilité des épis fonction des dates de semis

Les pluies continues durant le printemps ont pénalisé le nombre de grains/m². Cette composante explique plus de 50 % du rendement. Cette perte du nombre de grains/m² peut avoir différentes origines : soit un défaut d’épis/m² par une mauvaise montée à épi (hydromorphie, sol tassé), soit un défaut de fertilité d’épis suivant les dates de semis et la capacité de drainage des sols.

Le suivi des composantes de certaines variétés d’orge dans deux essais situés à Ploermel (56) et Lanildut (29) illustre le phénomène (figure 1).

Figure 1 : Densités épi/m² en fonction du nombre de grains/épi dans les essais variétés orges d’ARVALIS et ses partenaires

Figure 1 : Densités épi/m² en fonction du nombre de grains/épi dans les essais variétés orges d’ARVALIS et ses partenaires

La figure 1 replace les points de mesures 2024 par rapport aux mesures historiques pour les orges 6 rangs.

L’essai du nord Finistère atteste d’une perte d’épis, mais d’une fertilité d’épis dans la moyenne. À l’inverse, à Ploërmel, la densité d’épis est supérieure à la moyenne pour les 6 rangs, mais avec une perte de fertilité d’épis.

Cette différence entre les deux essais s’explique en partie par des dates de semis (7 novembre à Ploërmel et 21 novembre à Lanildut) décalant le cycle de la culture. Les épisodes de pluies durant la montaison sont intervenues début montaison à Lanildut, perturbant la montée à épi, tandis qu’elles sont arrivées sur des orges en fin de montaison à Ploermel, impactant la fertilité des épis.

Plus globalement, la capacité du sol à drainer peut également expliquer des impacts plus importants sur la densité d’épis ou la fertilité d’épis. A noter également que le quotient photothermique (rapport rayonnement sur température) est historiquement bas durant la montaison en raison d’un temps couvert constant.

Pour les deux essais, cela conduit à une perte moyenne de 8 % sur le nombre de grains par m². En comparant les variétés présentes depuis plusieurs années, la perte atteint environ 15 % par rapport à leur performance des années passées. La tendance est identique sur les variétés 2 rangs, avec néanmoins une mise en place du nombre d’épis/m² plus difficile.

Une nutrition azotée très décevante !

Concernant la nutrition azotée, le suivi de la dynamique de biomasse et d’azote à Ploërmel met en évidence une biomasse dans la moyenne à floraison. Néanmoins, l’absorption d’azote a été largement déficitaire à partir du stade 2 nœuds.

L’orge n’a pas absorbé d’azote entre 2 nœuds et floraison, ce qui est rare.

Les pluies ont permis de solubiliser l’azote apporté, mais la saturation du sol en eau de manière constante a impacté son absorption par les racines de la plante. Le métabolisme azoté de la plante semble plus impacté par cette asphyxie racinaire que le métabolisme carboné. On se retrouve alors avec une croissance en biomasse continue, mais une absorption d’azote qui s’est arrêtée. Résultat, la nutrition azotée chute à partir de 2 nœuds et les indices de nutrition azotée à floraison sont décevants, proches de 0,7 pour des pilotages classiques de la fertilisation azotée.

Un remplissage correct malgré l’alternance de pluies et de soleil

Les orges compensent moins bien que les blés d’un défaut de nombre de grains/m² par le remplissage. Toutefois, le remplissage s’est correctement déroulé malgré des épisodes pluvieux et sombres qui pouvaient faire craindre un manque d’ensoleillement. Les températures pendant le remplissage sont optimales, avec une moyenne autour de 17°C, et une absence totale de températures échaudantes.

La pression maladie a été bien contrôlée dans l'ensemble, ce qui limite leur impact sur le remplissage.

À noter toutefois que le niveau de remplissage (illustré par le poids de mille grains) et le poids spécifique (PS) peuvent varier selon les dates de semis, les précocités et les lieux. En effet, la mise en place du PS et de l’enveloppe des grains entre floraison et grain laiteux est optimisée par un fort ensoleillement et peu de pluies. Cela a été le cas certaines semaines, notamment début juin, et pas du tout pour d'autres.

Pour en savoir plus, ARVALIS organise un webinaire le 17 septembre prochain afin de revenir plus en détail sur le bilan de campagne céréales à paille. Les inscriptions sont ouvertes !

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