Blé tendre - Mélanges de variétés : des différences rarement significatives
La question de l’intérêt des mélanges (ou associations) de variétés de blé tendre au sein d'une même parcelle fait débat. Pour le moment, leurs avantages annoncés ne sont pas tous confirmés par les résultats d’expérimentation. Les connaissances actuelles seraient de toute façon insuffisantes pour concevoir des mélanges adaptés à un service attendu sur le rendement, la qualité, la durabilité des résistances…
Des agriculteurs en recherche de systèmes de culture innovants, ou bien de simplification du travail, s’intéressent de près à la technique des mélanges, d’autant plus que les variétés prises isolément ne cumulent pas toutes les caractéristiques d’intérêt souhaitables.
Plusieurs postulats scientifiques reposent sur le fait que les mélanges permettraient de ralentir le contournement des résistances des variétés par les pathogènes, dont les virulences évoluent avec les surfaces des différents profils génétiques cultivées. La nuisibilité des maladies serait aussi plus supportable dans un contexte de forte diminution de la protection phytosanitaire.
Enfin, comme les écarts de performances entre les variétés peuvent varier selon les scénarios climatiques, le principe de plus grande résilience des mélanges pourrait aussi s’exprimer sous l’effet de stress abiotiques et biotiques plus aléatoires.
Qu’en est-il vraiment ?
- Un moyen de préserver la durabilité des résistances variétales difficile à prouver et à mettre en œuvre
- Un effet sur la nuisibilité des maladies uniquement dans les situations non traitées et fortement touchées
- Pas d’effet sur la stabilité des rendements
- Pas d’effet non plus sur le comportement en panification
Un moyen de préserver la durabilité des résistances variétales difficile à prouver et à mettre en œuvre
Cultiver sur de grandes portions de territoire des variétés dont les résistances reposent sur les mêmes gènes à effet fort, présente un risque de développement de parasites qui contournent ces gènes. Or la maîtrise de la répartition des variétés à l’échelle des régions reste complexe à appréhender. De plus, les connaissances sur les gènes de résistance qui permettraient éventuellement d’effectuer des recommandations de gestion spatio-temporelle sont très partielles actuellement. Enfin, l’évolution des virulences des rouilles, par exemple, s’effectue à de très grande échelle géographique, d’envergure européenne.
Les mélanges, qui sont une technique de gestion spatiale à l’échelle intra parcellaire, sont, de ce fait, considérés comme une mesure de précaution pour prévenir les contournements, sans pouvoir en démontrer l’efficacité. De plus la diversité des maladies à gérer simultanément (septoriose, rouille jaune et rouille brune) dans la plupart des régions et la complexité des déterminismes génétiques de résistance rendent difficiles l’application de règles pour associer des variétés.
Un effet sur la nuisibilité des maladies uniquement dans les situations non traitées et fortement touchées
La culture de variétés plus résistantes aux maladies est un levier significatif pour réaliser des économies de protection phytosanitaire. Entre des variétés très résistantes à plusieurs maladies et des variétés très sensibles, l’enjeu est de l’ordre d’un IFT.
Des travaux réalisés dans le cadre d’une thèse INRA-ARVALIS ont montré un potentiel de 7 % d’économie de produits phytosanitaires pour lutter contre la septoriose par la culture de mélanges en comparaison de la moyenne des 4 variétés du mélange. Ce gain reste néanmoins inférieur à celui obtenu avec la variété la plus résistante.
Quoiqu’il en soit, certains postulats sont irréfutables. Les plantes en mélange améliorent le contrôle des maladies par effets mécaniques (augmentation de la distance entre plantes de variétés sensibles, barrières créées par les plantes résistantes, microclimat modifié par des variations d’architecture des plantes). L’association de variétés agit également par effets physiologiques (couvert hétérogène et réponses par prémunition) et par effets génétiques (différences de pression de sélection vis-à-vis des souches, etc.).
Les essais conduits par ARVALIS au cours des années 2010 à 2012 montrent qu’en l’absence complète de protection fongicide, un mélange de 4 variétés (choisies pour leur diversité de résistances) offre un gain de rendement significatif de 2,3 q/ha par rapport à la moyenne des variétés qui le constituent (tableau 1). Cet écart n’est plus significatif dès lors que les modalités sont protégées avec un programme fongicide à 40 % des doses homologuées.
L’écart entre les modalités bien protégées et les non traitées reflète la nuisibilité des maladies. Celle-ci est plus faible pour les mélanges dans les situations les plus touchées par les maladies (9,6 q/ha contre 11 q/ha pour la moyenne des variétés). Ces effets positifs sont très exceptionnellement significatifs et uniquement dans les situations à forte pression de maladies (tableau 1).
Toutes ces références convergent avec la méta-analyse réalisée par l’INRA sur les données du réseau « blé rustique » qui conclut à un effet positif moyen de 0,5 à 1,5 q/ha des mélanges par rapport aux moyennes des variétés dans les conduites à bas niveaux d’intrants et très allégées en protection. Dans tous les cas les gains sont faibles en comparaison des variétés les plus résistantes aux maladies.
Tableau 1 : Synthèse des essais réalisés sur les variétés en association en comparaison de moyennes de chaque variété entrant dans les associations en blé tendre. Mélanges avec 3 à 4 variétés choisies sur des critères de précocité (comparables), de représentativité et de diversité de profils de résistance aux principales maladies foliaires (source des essais et de la synthèse ARVALIS – Institut du végétal)
Au vu de ces résultats expérimentaux, en systèmes de culture raisonnée, choisir des variétés globalement résistantes aux maladies reste plus pertinent que de chercher à faire un mélange de variétés présentant des sensibilités même complémentaires.
Pas d’effet sur la stabilité des rendements
Les mélanges apporteraient plus de flexibilité vis-à-vis des stress abiotiques du fait de complémentarités d’absorption de l’eau et des éléments fertilisants, d'effets d’évitements et de compensation. Toutefois, les écarts de rendement observés entre mélanges et moyennes des variétés entrant dans les mélanges ne sont pas significatifs dans les modalités bien protégées contre les maladies et dans des essais à faibles rendements. La synthèse sur les 54 essais du centre de la France (en 2010 et 2011) met en évidence que les 4 variétés cultivées séparément présentent des rendements moyens aussi stables que ceux des mélanges. C’est d’ailleurs ce qui fait préférer une diversité de variétés à l’échelle de l’exploitation.
L’étude de l’INRA sur 72 associations de variétés de blé tendre, réalisées à partir de 16 lignées représentatives et à bonne diversité génétique, conclut que le rendement d’un mélange est équivalent et bien prédit par celui des lignées qui entrent dans les associations.
Pas d’effet non plus sur le comportement en panification
Des tests de panification réalisés par le laboratoire d’ARVALIS sur des mélanges étudiés au champ dans les années 2010 à 2012 montrent des notes totales de panification égales à celles des mélanges reconstitués avec des proportions de farine des variétés cultivées en pure équivalentes à celles des semences semées. Toutefois, des écarts ont été observés lorsque les pourcentages des variétés diffèrent entre les farines issues des grains récoltés et les proportions définies aux semis. Cette modification des proportions entre le semis et la récolte peut résulter d’effets de domination ou de compétition entre variétés dans les mélanges au cours du cycle de culture. Les effets des mélanges ne sont pas toujours reproductibles entre lieux et années lorsque les propriétés de panification sont différenciées entre variétés.
En savoir plus
Ces problématiques sous-tendent plusieurs axes de recherches du projet Wheatamix, soutenu par l’ANR et conduit de 2014 à 2018.
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