Lutte contre le mildiou de la pomme de terre : nos préconisations pour la campagne 2024
Face à un contexte épidémiologique qui évolue, prudence et anticipation sont de mise pour contrôler le mildiou en pomme de terre. Le point sur les préconisations pour la campagne 2024, en particulier pour diversifier au maximum les solutions fongicides utilisées.
Au niveau européen, les souches de mildiou résistantes aux CAA et à l’oxathiapiproline se développent. Les résultats du monitoring 2023 mettent en évidence la présence, dans les populations françaises de Phytophthora infestans, de la lignée 43_A1, dont une partie importante des souches sont résistantes à la famille des CAA.
Cela ne se traduit pas encore par une perte d’efficacité au champ, car ces individus résistants sont en faible proportion dans la population totale. L’objectif est de retarder la sélection de la résistance, en évitant « d’habituer » le pathogène à une molécule. Pour cela, il faut diversifier au maximum la lutte contre le mildiou en se reposant sur de multiples leviers complémentaires.
En amont de la campagne, il convient d’une part de limiter la taille des populations à travers des actions de prophylaxie, pour gérer les repousses et tas de déchets et, d’autre part, d’utiliser des variétés présentant des gènes de résistance. Sans le respect de ces deux premiers leviers, contrôler une épidémie de mildiou tout en diminuant la sélection de la résistance dans le temps est très compliqué en année climatique favorable à la maladie.
En cours de campagne, on veillera à raisonner ces interventions et utiliser des fongicides uniquement si nécessaire, en s’appuyant sur un OAD ou les BSV, et à diversifier la lutte directe (biocontrôle, mélange, alternance, dose). Attention : ne pas stopper l’usage d’une molécule en particulier, cela ne ferait que reporter la pression sur une autre.
Comment utiliser les fongicides potentiellement sujets à résistance
Utiliser Zorvec uniquement en cas de forte pression
Le produit Zorvec est une spécialité à base d’oxathiapiproline (OXTP). Cette matière active agit sur les parois cellulaires des champignons. L’oxathiapiproline est connue pour avoir un fort risque de sélection de la résistance ! C’est pourquoi, elle doit toujours être associée à une matière active n’appartenant pas à la famille des CAA, et seulement en cas de forte pression (mais pas en mildiou déclaré !). Ainsi, des années à faible pression, comme en 2022, le Zorvec devrait très souvent être absent des programmes antimildiou. Cela permet une rotation annuelle des matières actives, et retarde la sélection de la résistance.
La résistance à l’OXTP n’est pas liée à un génotype en particulier. En Europe, des gènes mutés conférant la résistance ont pu être retrouvés dans les lignée clonales 36_A2, 46_A1, 43_A1.
Limiter le nombre de produits à base de CAA dans les programmes
Les CAA (Carboxylique Acid Amides) sont des molécules agissant sur la synthèse de la cellulose, essentielle à la fabrication de la membrane plasmique des cellules.
La résistance aux CAA n’a été observée qu’au sein de la lignée clonale 43_A1 à ce jour. Cette résistance est récessive et qualitative, c’est-à-dire que seul un individu muté homozygote est résistant, et cette résistance est totale. La fréquence des individus résistants dans la population peut alors évoluer très vite. C’est pourquoi il convient de limiter le nombre total de CAA dans un programme, et alterner les modes d’actions.
Etant donné que la lignée clonale 43_A1 peut héberger la résistance aux CAA et à l’OXTP en même temps, il est important de ne pas mélanger ou alterner ses deux modes d’action. Exemple : ne pas alterner un Zorvec avec du Revus.
La résistance à l’OXTP et aux CAA peut évoluer très vite. Il est important de ne pas commencer un programme avec un produit contenant l’une de ces matières actives.
Bien utiliser le fluazinam
Le fluazinam agit sur la fonction de respiration des champignons. Le niveau de résistance à cette matière active en France est moyen à faible et la résistance est quantitative (partielle). Il s’avère que le fluazinam montre une très bonne efficacité sur la lignée 43_A1. En cas de forte pression, il convient d’associer du fluazinam à un Revus ou d’alterner un produit à base de CAA avec du fluazinam associé.
Tableau 1 : Préconisations d’emploi des produits antimildiou sujets à la résistance
Tableau 2 : Exemples de programmes antimildiou sur variétés de pomme de terre sensibles
Pour chaque stade de culture, si un traitement est envisageable, les produits situés en dessous sont à privilégier car c’est leur positionnement adéquat (ex. : produits translaminaire en croissance active ou en cas de pluie annoncée, et produit de contact pour le début de cycle ou la végétation stabilisée).
Pour chaque nom commercial, une ou deux couleurs ont été affectées. Une couleur correspond à un mode d’action. Ainsi, pour alterner les modes d’action dans son programme, il suffit de choisir un produit n’ayant pas de couleur commune avec le produit précédemment utilisé. Ce code couleur facilite aussi le mélange des produits unisites à mode d’action différents. Exemple : Leimay et Ranman possèdent le même mode d’action, les mélanger ou les alterner n’est pas recommandé.
Tableau 3 : Rappel des bonnes pratiques de protection et de prévention de la résistance du mildiou sur variétés de pomme de terre sensibles et compositions des fongicides disponibles
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