Mildiou de la pomme de terre : le choix variétal permet de lever le pied sur la protection fongicide
Avec le début des pluies mi-mai et des averses orageuses en juin, la campagne 2021 en pomme de terre a été marquée par une forte pression mildiou sur la majeure partie du territoire. Un contexte qui a permis de mesurer l’effet variétal et l’effet d’une protection réduite dans un essai conduit en contamination naturelle.
Dans la lutte contre le mildiou du feuillage, le choix variétal est un levier important. Chaque variété de pomme de terre possède une sensibilité qui lui est propre. Au catalogue français, elles sont classées de 1 (très sensible) à 9 (très peu sensible) sur ce critère. Actuellement, on en dénombre 62 dans une gamme de notes allant de 5 (moyennement sensible) à 9, et plus d’une centaine si on ajoute les variétés des catalogues communautaires.
C’est cette gamme de sensibilité qu’il faut exploiter lorsqu’on s’intéresse à une protection raisonnée de la culture, et plus particulièrement une protection réduite (baisse d’IFT), comme l’a montré l’essai conduit en 2021.
42 variétés mises en expérimentation
En 2021, comme chaque année depuis 2017, ARVALIS a en effet conduit un essai pour évaluer le comportement des variétés de pomme de terre selon deux modalités (absence totale de protection et protection réduite). 42 variétés, couvrant tous les débouchés et une large gamme de sensibilité, ont été mises en expérimentation.
La modalité protégée s’appuyait sur une application, début juin, de phosphonates (3 traitements à 2 l de Pygmalion®) suivie, dès juillet, d’une protection fongicide à un tiers de la pleine dose (Ranman, Revus etc.).
Tout au long de l’essai, le pourcentage de destruction du feuillage a été noté pour chaque parcelle tous les 2-3 jours. Si le rendement n’a pas été mesuré à l’issu de l’essai, il est bien entendu convenu qu’une forte destruction du feuillage pénalise le rendement d’autant plus qu’elle advient tôt.
Un effet variétal significatif
Cet essai a mis en évidence une large gamme de réponses aux fortes attaques de mildiou ainsi qu’une gamme intéressante de réponses à une protection réduite.
Nous avons choisi de diviser notre analyse en 4 groupes de sensibilité et de réponse au mildiou (figure 1).
Figure 1 : Évolution du mildiou, en % de feuillage détruit, en conduite non traitée – essai 2021
Dans le groupe 1, composé de variétés de sensibilité au mildiou notées 3 et 4, la protection réduite a permis de décaler de 2 à 4 jours en moyenne la destruction du feuillage. Néanmoins, au 12 juillet, toutes les variétés de ce groupe avaient plus de 50 % de leur feuillage détruit (figure 2).
Figure 2 : Évolution du mildiou, en % de feuillage détruit, pour les variétés du groupe 1 (notées 3 ou 4) – essai 2021
La modalité non-traité (NT) est en traits pleins et la modalité protection réduite (T) en traits pointillés.
Le groupe 2 présente des variétés majoritairement notées 5. Au 2 août, dans la modalité non traitée, la totalité de ces variétés avaient plus de 80 % de leur feuillage détruit. Dans ce groupe, la protection réduite a permis de décaler d’une semaine en moyenne la destruction du feuillage, voire plus dans le cas des variétés Innovator et Challenger (figure 3).
Figure 3 : Évolution du mildiou, en % de feuillage détruit, pour les variétés du groupe 2 (majoritairement notées 5) – essai 2021
La modalité non-traité (NT) est en traits pleins et la modalité protection réduite (T) en traits pointillés.
Le groupe 3 s’est avéré contenir des variétés majoritairement de note 6 (assez peu sensible), avec une variété à 5 (Royal), une à 7 (Voyager) et une à 8 (Hinga). Pour ce groupe-ci, la protection réduite a permis d’éviter complètement la destruction du feuillage à 50 %. Cette sensibilité variétale associée à la protection réduite a aussi permis de retarder la destruction à 20 % du feuillage de 8-10 jours en moyenne (figure 4). De manière générale, ce groupe variétal est bien complémentaire avec la protection réduite. Cette dernière a d’ailleurs permis à six variétés de ce groupe (Satis, Priam, Voyager, Eris, Magnum et Kardal) de ne pas atteindre le 15 % de destruction du feuillage au 12 août 2021.
Figure 4 : Évolution du mildiou, en % de feuillage détruit, pour les variétés du groupe 3 (majoritairement notées 6) – essai 2021
La modalité non-traité (NT) est en traits pleins et la modalité protection réduite (T) en traits pointillés.
Quant au groupe 4, il est composé de LD17 (5), Rackam (7), Allians (7), Alouette (9) et Azilis (7). Avec une protection réduite, ces variétés n’ont présenté aucun symptôme jusqu’au 12 août, date de la fin de l’essai. En conduite non traitée, le seuil de 10 % de destruction du feuillage a été atteint fin juillet pour trois d’entre elles et début août pour les deux autres (figure 5).
Figure 5 : Évolution du mildiou, en % de feuillage détruit, pour les variétés du groupe 4 (majoritairement notées 7) – essai 2021
La modalité non-traité (NT) est en traits pleins et la modalité protection réduite (T) en traits pointillés.
A noter qu’un cinquième groupe se détache. Il s’agit des 14 variétés qui n’ont pas du tout été impactées par la forte pression mildiou en conduite non traitée : Alix (8), Carolus (9), Cephora (8), Coquine (8), Delila (8), GR1510 (8), Kelly (8;), Levante (8), Maïwen (7), Makhai (9), Muse (8), Sarpo Mira (8-9), Tentation (8), Zen (7).
Une combinaison de leviers pour gérer les épidémies
En conclusion, la combinaison du levier variétal et de la protection réduite (phosphonates puis 1/3 de dose fongicide) a permis :
- pour des variétés de notes 3-4 : de décaler de 2-3 jours la destruction du feuillage ;
- pour des variétés de note 5 : de décaler en moyenne de 7 jours la destruction du feuillage à 50 % ;
- pour des variétés de note 6 : d’éviter d’aller jusqu’à 50 % et de retarder de 8 à 10 jours en moyenne la destruction à 20 % ;
- pour des variétés de notes allant de 7 à 9 : de les protéger complètement jusqu’au 12 août, date de fin des suivis.
Ainsi, la protection réduite pour les variétés dont la sensibilité au mildiou du feuillage est notée entre 5 et 9 permet d’avoir un effet significatif dans la gestion de la maladie. Afin de gérer au mieux les épidémies de mildiou, il est nécessaire d’utiliser de plus en plus ces leviers, qui viennent s’ajouter à la gestion de l’inoculum primaire aux abords des parcelles et de l’OAD Mileos®.
Pour la campagne 2022, l’essai a été reconduit avec davantage de variétés (54 au lieu de 42), en particulier des variétés non inscrites au catalogue français afin de mieux appréhender leur niveau de sensibilité.
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