Implantation des céréales - L'évolution des pratiques de semis peut-elle contribuer à la gestion des risques ?
Les stratégies de semis habituelles conduisent à faire converger les stades d’épiaison et de floraison d’une même culture en lien avec la précocité variétale et un climat moyen. Face aux aléas climatiques, désynchroniser le développement des cultures à l’échelle d’une exploitation serait une piste pour répartir les risques. Eléments de réponse avec Jean-Charles Deswarte, spécialiste en écophysiologie des céréales à paille chez ARVALIS.
Perspectives Agricoles : Faut-il avoir une nouvelle approche du calage des cycles culturaux ?
Jean-Charles Deswarte : L’objectif habituel est de chercher la meilleure combinaison date de semis / précocité variétale afin d’éviter les stress les plus courants tels que le froid à la montaison et l’échaudage lors du remplissage des grains des céréales à paille. La pratique historique tend à synchroniser les stades sensibles de la culture à l’échelle de l’exploitation selon un climat moyen.
Mais les évolutions climatiques, plus chaotiques, mettent à mal cette gestion des cultures. Lorsqu’ils surviennent, les aléas ont alors des conséquences importantes, comme ce fut le cas lors de l’hiver 2012 pour le quart nord-est de la France, ou en mai-juin 2016.
Parallèlement, des problèmes sanitaires vont croissants : pression accrue des ravageurs et des adventices, dans un contexte réglementaire qui réduit les solutions de rattrapage.
Une piste serait alors de faire évoluer les pratiques de semis, soit pour désynchroniser les cultures sur l’exploitation et éviter les risques climatiques à grande échelle, soit pour limiter la pression sanitaire en début de cycle.
P.A. : Quels impacts attendre sur les itinéraires techniques ?
J-C.D. : L’idée est donc de diversifier les phénologies, de manière à partager les risques. Cela implique de s’écarter de la trajectoire historique et, par exemple, de conduire certaines parcelles avec des blés plus précoces qu’actuellement et d’autres avec des blés significativement plus tardifs pour une même période de semis. Évidemment, les premières sont davantage exposées à des risques à la sortie d’hiver et les autres à des risques en fin de cycle, mais toute la sole n’est pas exposée à un risque unique. Cette modification de pratiques peut s’accompagner d’opportunités culturales : en retardant la date de semis des céréales d’hiver, il est possible de réduire la pression des bioagresseurs, donc de contrebalancer une baisse du potentiel de production. La modification des cycles - récolte d’une part et semis d’autre part - peut également ouvrir des opportunités de valorisation d’intercultures, comme des dérobées ou des cultures à bénéfice agronomique.
P.A. : Toutes les exploitations peuvent-elles mettre en œuvre cette solution ?
J-C.D. : Cela dépend de la situation de chaque exploitation, voire de chaque parcelle, en fonction des difficultés rencontrées : salissement, exposition à la JNO, part des cultures d’hiver dans l’assolement, etc. La diversification peut être recherchée au sein d’une même culture ou entre les cultures. Pour y parvenir, il s’agit de modifier « petit à petit » les stratégies d’intervention et les gammes de précocité des cultures. Les conséquences de ces changements sont difficiles à objectiver à l’heure actuelle, du fait de l’imprévisibilité croissante des risques climatiques.
Le raisonnement consiste à introduire une approche statistique et économique, et non uniquement physiologique, afin de chercher la pérennité à long terme plutôt que la performance annuelle.
Sachant que les marchés agricoles sont eux aussi davantage fluctuants, il faut mettre en place une stratégie de diversification des risques en se posant la question : comment mon exploitation peut-elle résister à une perte importante de revenu ?
Pas à pas, le système de culture peut être amené à évoluer. La réflexion doit aussi s’élargir à l’échelle d’une zone de production, celle d’une coopérative par exemple, avec des questions comme l’accompagnement technique des agriculteurs ou les débouchés à développer.
Pour accéder à l’intégralité du numéro, rendez-vous sur le site de Perspectives Agricoles.
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