Le déchaumage, une opération pour gérer l’interculture
Déchaumer, c’est littéralement gérer les pailles. Le déchaumage permet donc, en premier lieu, de répartir les pailles issues de la récolte précédente et de les mélanger à la terre, en vue de leur dégradation. Mais il a d’autres vertus agronomiques. Le point sur les différents types de déchaumages et leurs effets sur les bioagresseurs.
Les objectifs du déchaumage sont multiples :
- Faciliter la décomposition des résidus de récolte.
- Contribuer à la lutte contre les limaces et les adventices.
- Faciliter le semis des cultures suivantes intermédiaires ou principales.
• Quel est le but du déchaumage ?
• Le déchaumage superficiel favorise les levées d'adventices
• En cas d'adventices développées, le déchaumage profond est plus efficace
• Soigner l'incorporation des résidus
• Déchaumer pour réduire les populations de limaces
• Une opération culturale à part entière
Quel est le but du déchaumage ?
Le déchaumage a plusieurs fonctions que les habitudes de travail font souvent oublier. Il permet de :
- réduire le stock d’adventices par l’action de faux-semis,
- améliorer la décomposition des résidus de récolte par leur incorporation dans le sol,
- faciliter la réalisation des opérations culturales suivantes par le nivellement du sol et l’émiettement de surface, particulièrement utiles en techniques sans labour,
- réduire les populations de limaces ou d'autres ravageurs du sol dont une partie des œufs peut être détruite par déshydratation,
- améliorer la répartition des amendements calcaires et l’incorporation des effluents d’élevage épandus sur chaumes,
- permettre le piégeage des nitrates dans le sol par l’enfouissement de résidus pailleux et l’activation des repousses capables de consommer de l’azote à condition que ces repousses soient abondantes et homogènes,
- permettre la mise en place de couverts dans le respect de la réglementation en zone vulnérable.
Un déchaumage bien fait est favorable d’un point de vue agronomique. A l’inverse, un excès de déchaumage ou un déchaumage mal contrôlé peut donner de mauvais résultats. C’est une intervention à raisonner comme les autres opérations culturales.
Le déchaumage superficiel favorise les levées d’adventices
Souvent préconisé, ce conseil est confirmé par des résultats d’essais qui montrent qu’un déchaumage superficiel réalisé à 2 cm et ayant produit beaucoup de terre fine permet la levée d’un plus grand nombre d’adventices qu’un déchaumage profond. A 4-5 cm de profondeur, la capacité à faire lever des adventices est limitée, notamment des petites graines comme le ray-grass. A cette profondeur, seules les repousses de céréales peuvent encore lever correctement. Le rappui est également important afin de faciliter le contact sol-graine.
Avec un déchaumage à 5 cm sans rappui, le rouleau de l’outil ne fait que contrôler la profondeur de travail. Il ne fait pas mieux lever que sur un chaume non travaillé. Ces observations renforcent le fait que le travail de déchaumage doit être le plus superficiel possible avec l’objectif de faire lever des adventices.
En cas d’adventices développées, le déchaumage profond est plus efficace (5 cm ou plus)
Les outils de déchaumage, qui ont la capacité de travailler très superficiellement, sont avantagés pour la levée des mauvaises herbes. A contrario, ceux qui déchaument à 5 cm voire au-delà donneront de piètres résultats. Les semences d’adventices seront certes enfouies mais elles resteront en dormance en profondeur et seront prêtes à germer dès qu’elles seront remises à la surface.
Le déchaumage profond se justifie au contraire quand il s’agit de détruire des adventices déjà développées. Il en découle un classement presque inversé entre l’aptitude à faire lever et l’aptitude à la destruction des adventices des différents outils de déchaumage. Le meilleur compromis semble résider dans les outils capables de travailler relativement superficiellement tout en touchant toute la largeur de travail. Les outils dotés de disques avec un écartement serré entre eux ou encore les dents équipées de socs larges semblent en faire partie.
D’autres critères sont bien évidemment à prendre en compte dans le choix d’un déchaumeur, comme l’enfouissement ou la répartition des pailles, ou encore la capacité à créer un lit de semences suffisamment fin.
Soigner l’incorporation des résidus
L’incorporation des résidus vise à activer leur décomposition et à mieux les répartir dans la couche arable. S’il y a labour par la suite, le risque de plaquage en fond de raie sera limité.
Si le labour n’est pas envisagé, le mélange des pailles avec le sol par le déchaumage est important surtout si l’interculture est courte (blé-colza) pour diminuer la gêne occasionnée sur les éléments semeurs lors du passage du semoir.
En particulier, l’implantation de colza sans labour derrière un précédent pailles enfouies est une situation délicate à gérer, dans laquelle il faudra réaliser des compromis en prenant en compte plusieurs paramètres : granulométrie du lit de semences pour favoriser le contact sol-graine, préservation de l’humidité du sol, préparations de sol inutiles à éviter.
Le soin apporté à l’incorporation des résidus est également à prendre en compte lorsque le semis d’une culture intermédiaire piège à nitrates (CIPAN) est envisagé. Comme pour une culture de colza, il convient de réunir les paramètres pour assurer la réussite de la levée. Si celle-ci est réussie, la CIPAN jouera mieux son rôle de piège à nitrates et sera plus concurrentielle vis-à-vis des levées de mauvaises herbes.
Déchaumer pour réduire les populations de limaces
L’ampleur de l'activité des limaces varie selon les conditions météorologiques et l’humidité du sol. Elle est maximum quand la température avoisine 15 °C et quand l’humidité relative dépasse 75 %.
Le déchaumage est un bon moyen de lutte contre les limaces. Il permet :
- d’éliminer directement les individus,
- de détruire leur nourriture,
- d’assécher et émietter leur biotope pour le rendre défavorable,
- de mettre en surface une proportion non négligeable d’œufs, pour favoriser leur exposition au soleil et les éliminer.
En cas de fortes infestations, la répétition des déchaumages est conseillée. Si un seul passage est prévu, il vaut mieux le faire le plus tôt possible dès la récolte du précédent.
Cette technique peut avoir aussi un effet sur les œufs et les larves de taupins.
Une opération culturale à part entière
Les techniques de travail du sol ont beaucoup évolué au cours des dix dernières années. Le développement des pratiques sans labour, le désherbage des chaumes avec des herbicides totaux et la recherche d’économie dans les façons culturales ont parfois fait oublier les effets positifs des interventions mécaniques en interculture.
L’utilisation d’herbicides totaux, solution performante et facile à mettre en œuvre, est une intervention à raisonner et à réserver aux parcelles infestées de vivaces dans lesquelles les solutions mécaniques seraient coûteuses et imparfaites.
Lire aussi : « Sous quelles conditions peut-on encore avoir recours au glyphosate en France ? »
Dans ce contexte, le déchaumage reste une technique d’actualité. En veillant à ce qu’il ne soit pas trop profond pour donner la priorité aux faux semis et à condition qu’il ne soit pas géré comme une habitude de travail, c’est une opération culturale à part entière en préparation du futur semis de la culture suivante, qu’elle soit une CIPAN ou une culture principale.
Réagissez !
Merci de vous connecter pour commenter cet article.