Impact du climat futur dans le Lauragais : une marge nette « pas mieux, pas pire » pour le système innovant
Des simulations inédites établies à partir de données réelles donnent un aperçu de l’impact économique du déficit hydrique attendu en 2050 sur la rentabilité des exploitations. Les données issues de la plateforme Syppre du Lauragais ont servi de base à cette étude. Bilan.
Quelle rentabilité les exploitations agricoles spécialisées en grandes cultures peuvent-elles espérer à moyen et long terme ? C’est la question à laquelle ARVALIS a souhaité apporter des réponses en réalisant des simulations de performance économique sur la plateforme Syppre du Lauragais, à l’aide de l’outil ASALÉE.
Cette plateforme, établie sur 5 ha en coteaux argilo-calcaires, se compose d’un système innovant basé sur une rotation de huit ans (figure 1). Ses performances sont comparées à un système témoin représentatif des pratiques locales actuelles, à savoir une succession de deux cultures (blé dur et tournesol). Ces deux systèmes ne sont pas irrigués.
Figure 1 : Le système innovant expérimenté sur la plateforme Syppre Lauragais depuis 2017
Une rotation de huit cultures entrecoupées de cultures intermédiaires pour assurer une couverture quasi permanente compose le système innovant de la plateforme Syppre Lauragais.
Une perte de rentabilité de 16 % à l’échelle de l’exploitation
« Les modélisations sur la période 2049-2068 ont été effectuées à partir de la trajectoire RCP 4.5 du GIEC. Elles prennent en compte le bilan hydrique et son impact sur les rendements des cultures, ainsi que les fluctuations économiques grâce à des scénarios de prix. Leur force est également d’être construites à partir de données réelles, acquises sur la plateforme Syppre Lauragais pendant six ans », introduit Eva Deschamps, ingénieure régionale chez ARVALIS. L’objectif ? Accompagner les agriculteurs dans leurs réflexions sur les stratégies d’assolement et sur la durabilité de leurs systèmes.
« Partant du principe qu’il y aura moins d’eau pluviale, les résultats de nos projections montrent une perte de rentabilité moyenne dans le climat futur de l’ordre de 16 % à l’échelle de l’exploitation. Toutefois, l’impact est beaucoup plus variable à l’échelle des cultures », poursuit l’ingénieure. Dans le Lauragais, les céréales à paille, dont le rendement maximum observé par le passé s’établit à plus de 80 q/ha, sont peu affectées par le stress hydrique : les pertes de rendements s’établissent autour de 3 % dans nos projections. À l’inverse, d’autres espèces comme le sorgho ou le pois d’hiver, voient leurs rendements baisser de 15 % en moyenne. « Certaines cultures sont mieux valorisées économiquement, d’autres présentent des bénéfices, notamment en termes de restitution azotée et de gestion des bioagresseurs, avec des variabilités plus ou moins importantes en fonction des espèces. Il revient aux agriculteurs d’établir le niveau de risque qu’ils sont prêts à prendre », souligne l’ingénieure.
Une dégradation de la marge similaire dans les systèmes témoin et innovant
Parmi les autres grands enseignements de cette étude, citons le fait que les couverts végétaux, présents à 90 % sur le système innovant, ne perturbent pas, ou très peu, les rendements de la culture suivante, en particulier le tournesol. « Cela conforte nos observations sur le terrain », pointe Eva Deschamps. Surtout, la marge nette des systèmes innovants est dégradée dans des proportions similaires à celles du système témoin, qui présente dans le climat actuel une meilleure performance économique. « Néanmoins, le système innovant apporte d’autres bénéfices, que nous avons mesurés dans le cadre d’autres études, et qui ne sont pas pris en compte dans ces projections. Je pense, par exemple, à la réduction de l’érosion ou à l’amélioration de la fertilité du sol grâce aux 4 tonnes de matière sèche issues des couverts végétaux enfouies en moyenne sur les six ans d’étude », indique la spécialiste.
Des questions en suspens pour « faire mieux »
Bien entendu, limiter l’étude au périmètre du stress hydrique a ses limites. « D’autant que la réponse à l’eau des cultures a été plus ou moins étudiée selon les espèces », pose Eva Deschamps. Mais elle a le mérite d’apporter un peu de visibilité, et de soulever un certain nombre de questions quant à la résilience et la performance des systèmes de cultures innovants sur le Lauragais. « Notre objectif n’est pas de faire pareil que le système témoin, mais de faire mieux », fait valoir l’experte. Les mêmes simulations seront prochainement déployées sur les quatre autres plateformes de l’action Syppre.
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