Comment évaluer la rentabilité des nouvelles technologies ?
Les technologies du numérique ne rentreront dans les fermes qu’à partir du moment où elles seront opérationnelles et surtout rentables. En vue d’une évaluation complète, une méthodologie a été mise en place sur la Digiferme de Boigneville (91) afin d’évaluer l’intérêt économique de telle ou telle innovation.
Robots autonomes, capteurs d’état du végétal, outils d’aide à la décision, stations météo connectées, capteurs embarqués… et bien d’autres outils innovants viennent bousculer le métier d’agriculteur. Cette vague de nouvelles technologies a tendance à submerger l’agriculteur qui ne sait vers quelle solution se tourner. C’est pourquoi le réseau Digifermes® a vu le jour en 2016 avec l’objectif de « faire émerger les innovations contribuant à améliorer la multiperformance des exploitations agricoles (technique, économique, environnementale et sociale) ».
En suivant des protocoles expérimentaux adaptés, l’opérationnalité et l’efficacité de ces innovations sont évaluées. Malgré la certitude qu’un grand nombre de nouvelles technologies apportent un réel confort à l’agriculteur, peu d’études ont été menées quant à leur rentabilité économique. Ce volet fait justement l’objet de travaux sur la Digiferme de Boigneville, dans l’Essonne, afin d’établir des méthodes d’évaluation par type de nouvelles technologies testées sur le réseau.
Chiffrer les coûts, les économies et les gains dégagés par ces outils
Pour mesurer l’intérêt économique d’une méthode innovante, il faut chiffrer les charges et produits générés par cette dernière et les confronter à ceux d’une méthode référente, c’est-à-dire, qui est déjà en place sur les exploitations agricoles.
Cependant, la perpétuelle évolution des nouvelles technologies nécessite de bâtir différentes hypothèses lors des calculs afin de prendre du recul quant à la maturité de l’outil testé et son évolution potentielle.
À l’aide du logiciel d’évaluation multicritères Systerre d’ARVALIS et du barème d’entraide actualisé chaque année par l’APCA, il est possible de chiffrer des méthodes référentes et des coûts de passage(*).
Pour les outils testés, les données des fournisseurs, des essais ou encore des enquêtes sont utilisées. Dans le cas d’une absence de données bloquant les calculs, des hypothèses sont prises.
Si le coût de passage d’un outil innovant est bien plus élevé que celui de la méthode référente choisie, différentes hypothèses et modifications des caractéristiques sont appliquées (prix, débit de chantier…) afin d’imaginer le chemin à parcourir pour que l’outil testé soit compétitif par rapport aux méthodes de référence.
Trois cas concrets à l’étude
Des cas concrets ont été pris comme exemples sur la Digiferme de Boigneville tels que le robot effaroucheur Ag-Robotique, la caméra Irricam de la société Agrisolution pour surveiller l’irrigation ou encore le robot désherbeur Ecorobotix.
Pour le robot effaroucheur, le coût du passage est comparé à celui d’un resemis dû aux dégâts causés par les oiseaux sur la culture du tournesol par exemple. Des tests pluriannuels confirmeront l’efficacité d’un tel robot. Néanmoins, les premiers résultats économiques sont encourageants puisque, selon la surface, le coût d’utilisation du robot impacte moins la marge brute qu’un resemis de tournesol.
Pour la caméra surveillant l’enrouleur, elle doit permettre d’économiser du temps et des frais de déplacements. Ici, différentes hypothèses peuvent être prises selon le nombre de jours de la campagne d’irrigation et/ou la distance jusqu’à l’enrouleur. Les résultats sont encourageants et le retour sur investissement est très rapide (selon le scénario choisi).
Pour le robot désherbeur, l’évaluation se fait à partir du coût de passage du robot et des économies d’intrants liées à l’application de microdoses directement sur l’adventice. Les résultats sont ensuite comparés à un désherbage au pulvérisateur classique. Le débit de chantier étant trop contraignant, une nouvelle version de robot est en réflexion pour améliorer ce critère.
Vers une combinaison d’innovations
Ainsi, des méthodes d’évaluation généralisables seront développées selon la nouvelle technologie testée (matériel/robotique, objet connecté, OAD…).
La prochaine étape consiste à évaluer de façon plus globale la combinaison de plusieurs nouvelles technologies sur un même système de production. En rentrant toutes ces données dans le logiciel Systerre, il sera alors possible de constater ou non la rentabilité de telles combinaisons dans les différents systèmes de production de Boigneville.
(*) Pour calculer le coût de passage d’un matériel ou robot, différents points sont pris en compte : le débit de chantier, les charges de main d’œuvre, les charges d’intrants et les charges de mécanisation. Le poste des charges de mécanisation est le plus important dans le calcul d’un coût de passage. Il va dépendre du prix de l’outil, de son débit de chantier, de son utilisation à l’année, de l’entretien mais également des frais de carburant.
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