Les Essentiels d'ARVALIS - Désherbage / Leviers agronomiques : peut-on valoriser le pouvoir couvrant des cultures ?
Le choix d’une culture ou d’une variété couvrante, influençant la distribution de la lumière, permet de réduire l’infestation des adventices. Le triticale est plus compétitif qu’un blé. Entre variétés de blé cultivées, des différences existent : la concurrence joue sur des niveaux de 10 à 15 % sur l’infestation des mauvaises herbes. Cet étouffement n’est pas suffisant pour lutter contre les mauvaises herbes et se doit – comme toute méthode alternative - d’être combiné à d’autres solutions agronomiques.
Si les adventices entrent en compétition avec les espèces cultivées, pourquoi les espèces cultivées n’entreraient-elles pas non plus en compétition avec les adventices ? En effet, les cultures présentent des caractéristiques morphologiques qui les rendent plus ou moins concurrentielles vis-à‐vis des adventices. Cette compétition représente la notion de pouvoir couvrant : la plante ou son ombre couvre le sol et prive de lumière d’autres plantes indésirables (Vershwele & Niemann, 1993 ; Drews et al., 2009). Le port de plante, dressé ou étalé, la hauteur, la vigueur au démarrage, l’écartement des rangs, le pouvoir couvrant (ou capacité d’ombrage) des espèces cultivées peuvent être mis à profit pour la maîtrise des adventices. Quel est ce pouvoir couvrant et comment le valoriser en culture ?
• Les références expérimentales ARVALIS
• Les préconisations d'ARVALIS
• Pour en savoir plus
Comment ça marche ?
L’indice foliaire et le port des cultures influencent la distribution de la lumière entrainant des zones d’ombre défavorables au développement des adventices. Les variétés de blé « érectophiles » présentent des feuilles dressées le long de la tige et à l’opposé les variétés « planophiles » dont les feuilles sont très étalées forment quasiment un angle droit avec la tige. Les changements des types morphologiques au cours du cycle, pour une variété considérée, jouent aussi un rôle sur l’évolution du pouvoir couvrant de cette dernière. Aujourd’hui, la sensibilité des différentes adventices au phénomène d’ombrage tout comme la méthodologie pour le chiffrer restent à préciser.
Les références expérimentales ARVALIS
Des observations empiriques, réalisées par les techniciens et ingénieurs d’ARVALIS dans les essais variétés et désherbage, chiffrent l’impact de cette concurrence sur la biomasse d’adventices à une valeur plus proche de 10 % dans la majorité des cas pour les blés.
Un programme de recherche sur le pouvoir couvrant des variétés de blé, piloté par l’ITAB en partenariat avec ARVALIS, l’INRA, le CRAB Midi-Pyrénées, Agrobio Poitou-Charentes, la sélection (Lemaire-Deffontaines et Saaten Union Recherche) a permis de préciser certains effets des variétés pour limiter le développement des adventices. Sur blé tendre, pendant 3 ans, cette collaboration avec le soutien financier du FSOV (Fond de Soutien à l’Obtention Végétale - fond d’aide à l’expérimentation subventionné par l’interprofession des semenciers) a permis de mutualiser les moyens expérimentaux. Différents types d’essais ont été menés de 2007 à 2009 : essais dits analytiques conduits en station avec des semis de ray-grass, essais en conduite AB en infestation naturelle d’adventices.
Le pouvoir couvrant est différent entre cultures et variétés
Certaines espèces ont un pouvoir couvrant plus important que d’autre. C’est le cas du triticale, plus couvrant et « agressif » qu’un blé. Au sein même des variétés de blé, il existe des différences en termes de couverture du sol.
Photos : Illustration du pouvoir couvrant de 2 variétés de blé à port différent (Photos de L.Poiret, 2007)
Le choix d’une variété couvrante permet de diminuer légèrement la pression des adventices
La synthèse des essais a permis de mesurer la capacité des variétés à tolérer les adventices (en chiffrant les pertes de rendement dues aux adventices) et leur capacité à supprimer les adventices (mesures de biomasse et de nombre d’adventice).
En premier lieu, le triticale est le plus concurrent (en comparaison aux variétés de blé testées). Dans les essais, c’est la variété Bellac testée. Il y a aussi une forte variabilité génétique entre variétés de triticale.
Au sein des variétés de blé testées, l’effet variétal a été mis en évidence. Le regroupement de 5 milieux en 2007 (tableau 1) en infestation contrôlée de ray-grass chiffre des pertes de rendement supérieures sur variété à port dressé (Caphorn) en comparaison à une variété à port étalé (Apache). Sur une infestation de vulpin, l’essai de Saint-hilaire en Woëvre confirme cette tendance (figure 1) : avec les cultivars de blés actuels la concurrence joue sur un maximum de 10 % de l’infestation en graminées et 20 % en moyenne entre blé et triticale. Dans les essais AB, en situation d’infestation naturelle, les pertes de rendements sont plus faibles et moins discriminantes entre variétés (Caphorn versus Renan).
Tableau 1 : Perte de rendement relative en pourcentage par rapport à la situation désherbée, dans les essais analytiques (synthèse 2007)
Figure 1 : Pourcentage d’infestation en Vulpin en fonction des variétés (Essais ARVALIS, Saint-Hilaire-en-Woëvre, 2005-2006)
Le recouvrement du sol évolue tout au long de l’année
Des différences importantes en termes de port de feuille, de couverture, de hauteur existent entre variétés. Celles-ci varient aussi en fonction des stades de développement du blé. L’évolution des notes de recouvrement le mettent bien en évidence. Il faut qu’il y ait un concours de circonstances pour faire correspondre le stade le plus concurrent de la variété avec la période de développement de ou des adventice(s).
L’analyse de certains essais analytiques met en évidence l’impact de la vitesse de croissance des blés entre 2 nœuds et floraison sur la concurrence des adventices.
Figure 2 : Pourcentage de recouvrement du sol en fonction du stade de la culture (Essais ARVALIS, Saint Hilaire-en-Woëvre, 2005-2006)
Quelles sont les caractéristiques prédictives du pouvoir concurrentiel des variétés vis-à-vis des adventices ?
Même si les caractères prédictifs varient selon les milieux testés, la synthèse des essais analytiques met en évidence que la hauteur à maturité est de loin le 1er facteur explicatif du pouvoir concurrentiel des variétés (vis-à-vis du ray-grass). La couverture du sol et le port des feuilles sont ensuite les variables les plus explicatives. La couverture du sol et la hauteur n’étant pas corrélées, il faut bien les voir comme des variables complémentaires dans la compétition pour la lumière. La variété a ainsi un rôle avéré, mais attention à ne pas oublier la hiérarchie des critères agronomiques qui influencent la population des mauvaises herbes (notamment l’écartement entre rangs, qui va fortement modifier la quantité de lumière arrivant au sol et donc disponible pour les adventices)
Les préconisations d'ARVALIS
- Le triticale de par sa grande vigueur au tallage, de larges feuilles, un port étalé, des tiges hautes est une espèce compétitive vis-à-vis des adventices ; il existe néanmoins au sein de l’espèce une variabilité pour ces critères.
- Au sein des variétés de blé tendre, des différences variétales de comportement vis-à-vis des adventices existent. Le pouvoir concurrentiel est expliqué par l’architecture de la plante, en particulier la hauteur et la couverture du sol. Il ressort aussi que les variétés qui ont une croissance très rapide au printemps (entre 2 nœuds et floraison) sont aussi les plus concurrentes.
- Cependant, il ne faut pas oublier que d’autres facteurs (techniques, agronomiques, type de flore) entrent en ligne de compte d’où la difficulté de proposer une méthode simple de sélection des variétés vis-à-vis de leur pouvoir couvrant. Si les effets sont assez efficaces sur graminées, ils peuvent être plus variables sur dicotylédones et dépendent de la dynamique d’installation du couvert en fonction de la flore. Les effets bénéfiques peuvent se trouver très rapidement masqués par d’autres facteurs. Il faut aussi faire correspondre le stade le plus concurrent de la variété avec la période de développement des adventices prioritaires.
- Cette caractéristique variétale mérite d’être prise en compte et doit être combinée à d’autres mesures agronomiques visant à limiter le développement des adventices. Malgré l’intérêt de ces résultats, le pouvoir couvrant des variétés pris individuellement reste limité et ne pourra résoudre seul un problème d’infestation (effet n’excédant pas les 10 % sur une forte population).
• Brochure ITAB « Désherber mécaniquement les grandes cultures » - Projet « Optimiser et promouvoir le désherbage mécanique » CASDAR 2009/2011 - mars 2012.
• Bonin Ludovic « Dossier Désherber autrement ? Combinaisons de techniques : un désherbage intégré pour durer ?» - Perspectives Agricoles N°361 - novembre 2009.
• FSOV sur le pouvoir concurrentiel des variétés de blé tendre : Actes du colloque FSOV - janvier 2011 « Des variétés rustiques concurrentes des adventices pour l’agriculture durable en particulier l’agriculture biologique »
• ALTER AGRI N°106 - mars/avril 2011 « Des variétés de blé concurrentes des adventices ».
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