Vidéo - Datura : vers des seuils réglementaires en alcaloïdes tropaniques
Le datura est une adventice de plus en plus présente au champ. Elle contient deux alcaloïdes hautement toxiques qui peuvent se retrouver dans l’alimentation humaine et animale. Selon le dernier avis de l’Efsa, le risque est réel pour les consommateurs. Un projet de réglementation européen prévoit de fixer des teneurs maximales pour la nutrition humaine sur différentes cultures.
Le datura contient des alcaloïdes tropaniques toxiques pour les consommateurs, que ce soient les hommes ou les animaux. Ces molécules constituent une grande famille de contaminants. Il en existe des formes très diverses, mais les deux principales présentes dans le datura sont l’atropine et la scopolamine.
Un grave risque de toxicité aiguë
L’objectif des toxicologues, qui caractérisent la dangerosité de ces molécules, est de déterminer si le niveau d’exposition du consommateur à un contaminant donné est susceptible d’entraîner ou non un problème de santé. A cette fin, ils déterminent deux paramètres : la dose journalière tolérable (DJT) et l’ARfD (pour Acute Reference Value, en anglais).
La DJT permet de garantir l’absence de toxicité chronique, c’est-à-dire pendant toute la vie d’un consommateur, que ce soit un homme ou un animal. Autrement dit c’est la quantité d’une substance qu’un individu peut ingérer tous les jours de sa vie, sans générer de problème sur sa santé.
Quant à l’ARfD, établie dans le cas d’une toxicité aiguë, elle va être consécutive à l’ingestion de ce contaminant durant les quelques heures, voire une journée, après l’ingestion.
Dans le cas des alcaloïdes tropaniques présents dans le datura, la toxicité aiguë est le problème majeur. Les toxicologues ont établi une ARfD à 0,016 µg/kg de poids corporel. Cette valeur est très faible, ce qui démontre la dangerosité de ces alcaloïdes tropaniques.
Elargissement de la réglementation sur le baby food
Au niveau de l’Europe, il y a deux phases de travail. La première est gérée par l’Efsa, l’autorité européenne de sécurité alimentaire, qui fournit des avis scientifiques sur les risques encourus par les consommateurs. Ces études prennent en compte les habitudes alimentaires des consommateurs, et donc leur exposition à ces contaminants. Ensuite, la DG SANCO, un service de la Commission Européenne, décide ou non, de mettre en place une réglementation afin de garantir la sécurité des consommateurs.
Dans le cas des alcaloïdes tropaniques du datura, l’Efsa a conclu, dans son dernier avis, que certaines catégories de populations pouvaient avoir des habitudes alimentaires qui conduisent à un dépassement de l’ARfD.
Par conséquent, le projet de réglementation défini par la Commission Européenne prévoit d’élargir celle actuellement en place pour le baby food, à la fois à l’ensemble de la chaîne alimentaire (de la matière première au produit fini), mais également à un certain nombre de cultures comme le maïs, le millet, le sorgho et le sarrasin.
Sur maïs grain, cette future réglementation prévoit une teneur maximale réglementaire de 15 µg/kg sur la somme atropine et scopolamine. Pour le maïs popcorn, le millet et le sorgho, la teneur maximale serait fixée à 5 µg/kg pour cette même somme. Et enfin, pour le sarrasin, la future réglementation serait à 10 µg/kg pour la somme des deux molécules.
Ces différentes limites maximales envisagées ont pour objectif d’intégrer les difficultés des filières à gérer cette future réglementation au champ, mais également de garantir la sécurité des consommateurs qui en direct peuvent manger et ingérer ces produits en quantités plus importantes. Par exemple, dans une galette de blé noir, le sarrasin est présent en quantité importante ; pour garantir la sécurité du consommateur, il faut un seuil réglementaire plus faible que pour du maïs grain dont la part composant le produit fini serait plus faible.
Cette réglementation ne s’appliquerait pas en sortie de champ mais en sortie de silo, en vue d’une première transformation. Elle constituerait donc une condition d’accès au marché. Ce projet d’évolution réglementaire n’a pas encore été voté à ce jour, mais les textes actuellement en cours de discussion prévoient une mise en application pour la récolte 2022.
Un observatoire conduit en partenariat avec FranceAgriMer a permis de faire une photographie de la collecte française. Depuis la récolte 2018, il y a de fortes disparités annuelles et régionales : le dépassement de la future réglementation peut aller de 0 à 61 % selon la région et l’année. Dans les résultats de cette étude, les données sont en entrée silo. Elles ne sont pas le reflet de ce qui est mis sur le marché. Entre les deux, il y a une étape très importante, longue et coûteuse : le travail de nettoyage des lots par les organismes stockeurs. Cette étape vise à rendre conformes les matières premières qui vont être mises sur le marché afin de garantir la sécurité sanitaire des consommateurs.
La recherche d’alcaloïdes tropaniques nécessite des méthodes spécifiques et relativement performantes. Au niveau national, des laboratoires dosent ces molécules, essentiellement par la méthode HPLC-MS/MS, ce qui est assez coûteux. Aujourd’hui, il n’existe pas de méthode rapide pour doser ces alcaloïdes.
Néanmoins, une étude ARVALIS, conduite sur des parcelles agriculteurs depuis la récolte 2017, a mis en évidence une bonne corrélation entre la teneur en graines de datura et la teneur en alcaloïdes tropaniques des lots de maïs. L’étude a permis d’établir qu’un gramme de graine de datura contient en moyenne 4443 µg d’alcaloïdes tropaniques, ce qui signifie qu’une graine de datura équivaut à 28 µg d’alcaloïdes tropaniques.
Pour suivre les nouveaux seuils envisagés, cela reviendrait à rechercher :
- pour le maïs grain, une graine de datura dans 2 kg de maïs (pour 15 µg/kg),
- pour le sarrasin, une graine de datura dans 3 kg de grains (pour 10 µg/kg),
- pour le maïs popcorn, le millet et le sorgho, une graine de datura dans 6 kg de grains (pour 5 µg/kg).
Sur le territoire national, tous les départements, à 99 %, sont concernés par la présence de datura dans le milieu naturel. Même s’il n'est pas présent en culture, cela doit inciter à la vigilance pour éviter qu’il s’y installe.
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