Repères 2017 - Froid sur céréales à paille : les clés d'observation pour un premier diagnostic
Suite à la séquence de froid qui a touché la France durant la dernière décade d’avril, des questions émergent sur la méthode à suivre pour réaliser un diagnostic des éventuels dégâts sur les épis de céréales.
• Quatre types de dégâts possibles
• Températures mesurées et températures ressenties : des effets micro-climatiques
• Méthodologie d’observation proposée
Ne pas confondre seuils d’alerte et seuils de dégâts
Il n’existe pas de seuils fiables de la sensibilité des céréales à des accidents climatiques.
Les repères historiques retenus chez ARVALIS – Institut du végétal doivent être considérés comme des seuils d’alerte, pas des seuils de dégâts. Les conditions d’apparition du froid ou du gel au champ sont très variables et les références reposent souvent sur des températures « station météo », sous abri, à 1,5 m du sol, donc forcément différentes de celles effectivement ressenties par les cultures.
Concernant le gel d’épi, le seuil habituellement retenu est de -4°C, peu après le stade épi 1 cm. Cependant, la hauteur de l’épi dans la tige et son état de développement font fluctuer sa résistance au cours de la montaison.
L’altération de la méiose mâle est également mal renseignée. Les facteurs de stress sont multiples : températures basses (< 2°C) et hautes (> 30°C), rayonnements faibles, sécheresse, carence (induite) en bore et/ou cuivre, avec un effet prépondérant des faibles rayonnements sur les températures. Pour rappel, la méiose correspond à peu près au moment où le sommet de l’épi atteint la ligule de l’avant-dernière feuille, et dure environ 2-3 jours.
Quatre types de dégâts possibles
Avant ou autour du stade 2 nœuds, l’épi est encore petit (< 2 cm), avec des structures fortement turgescentes et fragiles, globalement sensibles au gel. Dans ces circonstances, un dégât de gel va se manifester par une destruction généralisée des cellules, et une perte d’eau. L’épi va donc rapidement perdre son aspect brillant et turgescent, et se nécroser. Il est possible que la nécrose se propage à la feuille drapeau, qui va dépérir rapidement. L’épi ainsi touché disparait progressivement, de même que la tige qui le porte. En coupant la tige en deux, on aboutit donc rapidement à un diagnostic définitif.
Crédit : UCATA
Passé le stade 2 nœuds, les dégâts de gel sont davantage susceptibles de se limiter à une partie de l’épi ; ils vont entraîner la destruction des pièces florales internes en cours de différenciation, sans faire totalement disparaître les glumes et glumelles déjà initiées.
Dans ces situations, il faut évaluer la part de l’épi touchée : les épillets non touchés pourront continuer à se développer, et à compenser une partie de la perte de rendement si les conditions ultérieures le permettent. Il faut donc sortir l’épi de la gaine (sur maître-brin et sur talles principales, plus plusieurs plantes) pour estimer un pourcentage d’épillets détruits.
Crédits : Luc Pelcé/Diane Chavassieux (orge d’hiver) ; Matthieu Killmayer (blé tendre)
On peut rajouter le risque de dégâts foliaires, avec l’extrémité des limbes qui se nécrosent. Les sensibilités variétales semblent importantes, mais l’impact final est sans doute limité tant que les dégâts se limitent au feuillage.
Crédits : Edouard Baranger (gauche)/Philippe Hauprich (droite)
Pour une altération de la méiose, il n’y a pas d’observation réalisable à l’œil dans l’immédiat ; il est préférable d’attendre la floraison et le début de mise en place des grains.
Températures mesurées et températures ressenties : des effets micro-climatiques liés au milieu
Les conditions d’apparition du froid ces dernières semaines étaient liées au refroidissement nocturne. Il s’agit d’un phénomène de « gelées blanches », lié à des conditions anticycloniques et à l’absence de couverture nuageuse pendant la nuit. Le sol perd donc sa chaleur pendant la nuit, et entraîne le refroidissement des couches d’air juste au-dessus, avec un minimum de température atteint au ras du sol, au moment du lever du soleil.
Il faut donc retenir plusieurs éléments :
- La température fluctue au cours de la nuit : la température minimale retenue par les stations météo est la température la plus extrême. Mais elle n’a pu être atteinte que pendant une demi-heure.
- La température varie avec la hauteur : les stations météo mesurent la température à 1,5 m du sol. La végétation basse rencontre donc une température encore inférieure dans ce schéma de gelées blanches.
- La température dépend fortement du relief : l’air froid est plus dense et se concentre dans les cuvettes. Les thalwegs, les fonds de vallée, les mardelles et manières sont donc beaucoup plus exposées.
- La proximité de végétation (haies, arbres, forêts) peut agir de différentes façons : elle limite le réchauffement diurne, mais surtout réduit le rayonnement nocturne (et donc le refroidissement). Une haie ou un talus peut par contre ralentir les écoulements d’air froid pendant la nuit et engendrer une poche de gelée.
Méthodologie d’observation proposée
La notation des dégâts va donc être délicate en lien avec la difficulté d’observation des organes touchés (épis), la variabilité entre tiges (les épis du maître-brin et des différentes talles ne sont évidemment pas au même stade), et l’hétérogénéité du milieu (micro-relief, zone d’écoulement d’air, nature du sol).
Nous proposons donc la méthodologie suivante :
- Prélèvement par parcelle ou zone représentative de 5 plantes au minimum choisies aléatoirement.
- Sélection du maître-brin et des 2 tiges principales.
- Pour des céréales n’ayant pas encore dépassé le stade dernière feuille étalée (l’épi mesure moins de 5 cm, les pièces florales sont encore petites) : section de la tige dans le sens de la longueur et observation de l’épi (à l’œil ou à la loupe, de préférence à la ferme pour avoir de bonnes conditions d’observation) : noter si l’épi est détruit (voir photo ci-dessous). Lorsque l’épi est détruit, la tige régresse et cède la place aux autres talles. L’impact peut être limité si la densité finale d’épis reste satisfaisante. Il existe cependant un risque avec une reprise de tallage et la montée de tardillons : ils pourraient être récoltés encore verts lors de la moisson. On peut craindre que la compensation par la culture n'est pas totale au-delà de 10 % de tiges détruites.
Gel d’épi dans la tige avant 2 noeuds (l’épi est nécrosé).
- Pour les céréales ayant dépassé le stade dernière feuille étalée (l’épi mesure plus de 5 cm) : repérage de l’épi au toucher, section de la tige juste sous l’épi et déroulement des gaines des feuilles qui l’entourent (observation à l’œil nu, au champ) : noter si l’épi est détruit ou si des épillets sont touchés (blancs et/ou atrophiés ). Lorsque des épillets sont détruits, il peut y avoir une compensation à la marge sur la fertilité des autres épillets et le PMG. On peut estimer qu’une perte de 10 % des épillets va se traduire par une pénalité de rendement de 5 à 8 % en blé et de 8 à 10 % en orge.
Gel courant épiaison provoquant des destructions partielles et localisées des épillets => épillets blancs. Cas fréquents. Les épillets ont perdu l’eau qu’ils contenaient.
Dans tous les cas, l’échantillonnage est important, et doit porter sur le maître-brin et sur 1 ou 2 talles (selon l’espèce et la densité de plantes). Une estimation visuelle trop rapide risque de conduire à une sur-estimation des dégâts (les épillets blancs ou altérés « tapent à l’œil » ; il est donc nécessaire de réaliser un comptage soigné.
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