Repères 2017 - Cinq questions pratiques en cas de dégâts de gel avérés sur céréales
Suite aux gelées d’avril, des gels d’épis peuvent être observés localement. Dans ces situations, plusieurs questions nous remontent du terrain. Voici quelques repères pour prendre les bonnes décisions.
• Faut-il continuer à investir sur les parcelles touchées par le gel ?
• En cas de gel d’épis significatif, faut-il songer à retourner la parcelle ?
• Peut-on ensiler des céréales touchées par le gel ?
• Que peut-on resemer après une orge ou un blé retournés ?
Quel est l’impact sur le rendement et la qualité de la montée tardive de talles sur orges et blés ?
Dans les situations où les gelées d’avril ont détruit les épis courant montaison, la régression des tiges touchées va stimuler la montée de talles (existantes ou nouvelles). Deux cas peuvent se présenter :
- Si l’accident est tardif et dans un sol à faible réserve hydrique, il est possible que de jeunes talles émergent, mais leur impact sur le rendement sera quasi nul. En revanche, la qualité de la récolte risque d’être gênée par la présence de « verdillons », tardillons récoltés encore verts. En orge brassicole, cela affectera le calibrage ; en blé, la présence de ces grains immatures peut engendrer des dégradations du Temps de Chute de Hagberg.
- Si l’accident est précoce et/ou dans un sol à bonne réserve hydrique, il va y avoir compensation (au moins partielle) via les talles déjà présentes qui n’ont pas régressé, et pas forcément de montée de nouvelles talles. La perte de rendement sera partiellement compensée, la population de grains sera probablement plus hétérogène avec des effets possibles sur le PS. Pour de l’orge brassicole la question du calibrage demeure ainsi que celle de la capacité de germination. Le caractère brassicole risque de tomber.
Faut-il continuer à investir sur les parcelles touchées par le gel ?
Pour conduire cette réflexion, il convient d’évaluer le potentiel de la parcelle en dénombrant le nombre d’épis restant. S’il est satisfaisant au regard des références régionales pour la variété considérée (voir Choisir et Décider 2016 blé tendre, blé dur, orge d’hiver), il n’y a pas lieu de désinvestir sur la culture carun potentiel de rendement correct est sans doute atteignable .
Si la population d’épis restants est très inférieure aux références régionales et variétales habituelles, alors il faut s’attendre à un potentiel moindre.
À partir de ce constat, il faut regarder quels sont les intrants qu’il reste à appliquer. Les apports d’azote sont probablement déjà faits car nous seront déjà à épiaison dans la plupart des cas. Il reste peut-être à raisonner un fongicide sur dernière feuille ou sur l’épi à floraison pour lutter contre le risque de fusariose.
Le fongicide à dernière feuille, à condition que la situation des maladies le justifie, a un effet important. Il est difficile de le suspendre.
En revanche, la protection contre le risque de fusariose peut être suspendue si le risque est faible ou moyen. En cas de risque fort (précédent maïs, sorgho) avec variétés sensibles, ou en blé dur, faire une telle impasse, c’est prendre un risque qualitatif sur les épis restant : dans ces situations il paraît difficile de suspendre cette intervention.
En cas de gel d’épis significatif, faut-il songer à retourner la parcelle ?
Le retournement d’une culture pose plusieurs questions d’abord de possibilité de réimplantation (freins liés aux herbicides déjà appliqués) puis de rentabilité économique (qui dépend des potentialités de l’éventuelle culture de remplacement en fonction du sol, du climat de la région et de la date de semis). Le seuil de retournement est donc à calculer dans chaque situation pédoclimatique et chaque contexte économique, il n’y a pas de valeur universelle. Par exemple, remplacer aujourd’hui un blé avec un potentiel de 40 q/ha par un maïs n’est envisageable que dans l’espérance d’un rendement minimum de 8 t/ha pour une conduite du maïs en sec.
Pour conduire le raisonnement il faut commencer par évaluer correctement le nombre d’épis restants et faire une estimation du rendement réalisable.
Penser que 200 épis/m2 x 45 grains/épi x 45 g (PMG) correspond à un rendement de 40 q/ha.
Peut-on ensiler des céréales touchées par le gel ?
Utiliser des céréales immatures comme fourrage est techniquement envisageable. Mais l’application récente de produits phytosanitaires sur la culture (régulateurs, herbicides, fongicides) pose en premier lieu la question du délai avant récolte (DAR). Du point de vue réglementaire, il n’existe pas de références spécifiques à ce cas d'utilisation. Les DAR sont généralement fixés à partir d'évaluations toxicologiques sur ce qui doit être récolté (grains dans le cas des céréales à paille et non plantes entières). Il convient, a minima, d’ensiler à une date respectant le DAR le plus contraignant appliqué sur la culture. A titre d'exemple, les DAR des herbicides peuvent varier de 25 à 200 jours ; ceux des fongicides céréales (probablement les derniers produits appliqués sur la culture) de 28 à 60 jours. Dans chaque cas, il faut se renseigner sur les DAR des produits appliqués dans les parcelles avant de prendre une décision (cette information est par exemple disponible dans les dépliants "Protection des céréales").
D’un point de vue technique, une céréale immature, récoltée à 30-40 % de MS (stade grain laiteux-pâteux) en conditions « normales » de végétation, présente une valeur alimentaire, en ensilage, intermédiaire entre un foin de graminée et un ensilage de maïs fourrage (tableau 1). Or, les conditions climatiques totalement atypiques de ce printemps modifient le raisonnement en termes de stades cette année :
- Certains agriculteurs ont envie d’ensiler rapidement pour implanter une culture de printemps. Or, la faible teneur en matière sèche sur pied (~20 % MS) impose une phase de séchage au champ (48 h) pour éviter les écoulements de jus au silo et améliorer la conservation et l’ingestion du fourrage.
- Pour ceux qui attendraient le stade laiteux-pâteux, il y a toutes les chances de croire que la teneur en MS ne sera pas tirée vers le haut par le remplissage des grains (peu nombreux voire absents).
En résumé, même au stade grain laiteux-pâteux, il n’y aura certainement pas 35 % MS. Un préfanage sera nécessaire.
Tableau 1 : Valeurs alimentaires de différents fourrages (valeurs en vert sur pied pour les céréales)
Source : Tables d’alimentation INRA 2007
Ensilage : une conduite spécifique du chantier
Dernier point important, la technique de récolte intervient également dans la qualité du fourrage.
- Si la présence de grains est suffisante au stade grain laiteux-pâteux pour assurer une teneur en MS d’au moins 30 %, la coupe directe sur ensileuse est possible.
- Sinon, une récolte en deux passages s’impose avec, une fauche puis une reprise d’andains. La fauche est à réaliser avec une conditionneuse à fléaux. Elle éclatera les tiges pour faciliter le séchage et produira un andain ébouriffé qui tient « perché » sur les chaumes et qui est beaucoup plus facile à reprendre à l’ensileuse. Si la fauche est faite avec une faucheuse classique, les tiges de céréales sont trop bien rangées en « rang d’oignons » et passent entre les chaumes, rendant difficile la reprise par un outil ultérieurement ou obligeant à « gratter » de la terre voire en laissant la moitié du fourrage au sol…
- Dans tous les cas, une coupe en brins courts (~2 cm) sera recherchée. Cette longueur de coupe pourra être diminuée pour favoriser le tassement et la conservation si la teneur en MS excède 40 % (on ressent à peine l’humidité dans les mains en serrant une poignée de fourrage).
- La récolte en enrubannage n’est pas recommandée dans ces situations, la forte proportion de tiges augmentant le risque de perforations. Si cette solution est retenue, il est préférable d’utiliser une enrubanneuse en continu ou en monoballe sur site de stockage, cela limite les perforations lors de la dépose de la balle sur les chaumes. A minima, utiliser du filet pour plier les tiges récalcitrantes. Autre point de vigilance: il apparaît difficile de réaliser un préfanage jusqu’à 50-60 % de MS comme il est recommandé pour la bonne conservation en enrubannage. La densité des balles (en kg MS/m3) sera certainement faible et conduira à réaliser un nombre important de balles par hectare. Le coût du chantier devient alors très important au regard de la valeur du fourrage.
Que peut-on resemer après une orge ou un blé retournés ?
Les possibilités techniques de resemis sont enpremier lieu dépendantes des possibilités liées aux herbicides appliqués sur la culture à retourner puis, dans un second temps, des potentialités de la culture suivante.
Certaines cultures de printemps peuvent être implantées sans travail du sol particulier, à condition que la biomasse végétale ait été retirée. Dans d’autres cas, le labour est recommandé.
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