Webinaire en Replay - Changement climatique : les leviers d’adaptation pour les céréales
Le changement climatique, au travers de la hausse des températures et des extrêmes climatiques, a des conséquences sur les grandes cultures. ARVALIS travaille depuis plus de 10 ans sur les leviers d’adaptation des céréales, tant au niveau des pratiques culturales que de la génétique avec des investissements majeurs pour le futur.
Depuis 1970, le cycle des céréales d’hiver a diminué de 10 jours en raison d’une augmentation du cumul de températures (+200°C). Sur cette même tendance, d’ici 2050, les récoltes seront probablement avancées de 10-15 jours. Le nombre de jours de gel a diminué, les hivers étant de plus en plus doux. Le nombre de jours d’échaudage thermique a progressé depuis 1970 avec +2 à 5 jours selon les zones, avec une tendance du même ordre pour les projections en 2050.
Concernant l’évolution des cumuls de pluies, la tendance n’est pas aussi nette. Les cumuls restent globalement équivalents, mais avec plus de variabilité avec des périodes d’excès d’eau puis de sec. Les bilans hydriques se dégradent avec des ETP plus élevés, mais le stress subi par la plante n’est pas systématiquement plus important (en particulier en sols profonds).
Autre fait d’importance, la variabilité du climat (excès d’eau, sècheresse, T°C, rayonnement…) est beaucoup plus forte depuis le milieu des années 1990, ce qui se traduit dans les rendements (figure 1). Les records depuis 70 ans sur les paramètres climatiques sont pour la plupart dépassés sur la dernière décennie.
Figure 1 : Evolution du rendement du blé tendre d’hiver en France entre 1960 et 2020, et principaux événements climatiques extrêmes depuis dix ans
En particulier, les dernières campagnes ont vu se multiplier les aléas climatiques.
Les dernières campagnes marquées par des évènements climatiques extrêmes
Différents évènements climatiques ont marqué les dernières campagnes partout en France, du semis jusqu’à la récolte : des sécheresses ou des excès d’eau qui impactent le rendement en provoquant un décalage des dates de semis et/ou de mauvaises conditions de semis, des sécheresses à montaison (mars-avril) qui provoquent des stress hydriques importants, ainsi que des stress azotés liés à une mauvaise valorisation de l’azote entre épi 1 cm et 2 nœuds.
Le risque de gel reste une réalité dans certains secteurs. L’augmentation globale de la température en hiver rend ce phénomène moins fréquent, mais l’accélération du cycle des céréales augmente son impact puisque qu’il a lieu à des stades plus sensibles des céréales.
Enfin, les extrêmes en fin de cycle, avec des canicules ou des excès d’eau et de faibles rayonnements, concernent toutes les régions. Les fins de cycles caniculaires ont un impact variable selon le stade de la céréale au moment de cet épisode climatique, des températures maximales (échaudage si T°C> 30°C) et du rayonnement qui peut compenser en partie la perte liée à l’échaudage en boostant la photosynthèse. L’excès d’eau, quant à lui, peut provoquer une perte de la qualité sanitaire (risques DON, PS, germination sur pied...) et affecter le rendement (PMG et nb grains/épis réduits). Il a un impact négatif partout en France.
Pour atténuer le changement climatique, l’agriculture dispose de nombreux leviers pour stocker et réduire les émissions de carbone, grâce à la mise en place de couverts végétaux, la réduction du travail du sol, un ajustement de dose et le pilotage de la fertilisation par exemple. En ce qui concerne l’adaptation, ARVALIS œuvre sur le plan des leviers à court terme tout autant que sur ceux à long terme (figure 2).
Figure 2 : Les leviers d’adaptation des céréales à paille au changement climatique
Les leviers à court terme : OAD, dates de semis, diversification et génétique
Au-delà des projections climatiques et des adaptations qu’il faudra réaliser dans 20-30 ans, il est nécessaire en premier lieu de s’adapter à la variabilité de l’année, qui est plus forte aujourd’hui. Pour cela, les outils d’aide à la décision font leur preuve, au niveau des prévisions de stades, maladies, azote...
Le réchauffement climatique laisse en tendance un peu de souplesse pour les dates de semis : implantation à l’automne des orges de printemps, décalage des semis de blé tendre et d’orge d’hiver pour gérer des adventices ou pucerons à l’automne, à réfléchir au cas par cas, selon les risques climatiques et parasitaires.
Introduire de nouvelles variétés permet de profiter du progrès génétique (rendement, résistance bio-agresseurs) sans lequel les rendements pourraient régresser. La diversification est de mise avec 4 à 6 variétés sur la sole de blé, en « pur » ou en en mélange. Un nouvel indicateur de stabilité multi-stress des variétés, dans un futur très proche, permettra de privilégier les variétés robustes face aux aléas.
Au niveau de la gestion de l’azote, la réflexion doit se porter sur des pratiques robustes : fractionnement en 4 apports des doses supérieures à 200 unités, formes d’azote moins sensibles à la volatilisation, outil de diagnostic (N-Tester, FARMSTAR…). Enfin, la sortie en 2023-2024 d’un nouvel outil du pilotage intégral de l’azote en temps réel, du tallage à la floraison, sera une petite révolution pour s’adapter au potentiel de l’année, plus tôt dans le cycle et de manière plus souple qu’avec les outils de pilotage actuels.
Les leviers à moyens et long terme : génétique, résilience et accès à l’eau
Des avancées ont été réalisées sur la tolérance génétique aux stress climatiques grâce à de grands projets comme Breedwheat, et différents programmes FSOV associant les obtenteurs et les Instituts.
Au niveau de la tolérance à la carence azotée, une méthode de classification des variétés a été mise au point. Une vingtaine de zones du génome liées à la tolérance à la carence azotée ont été identifiées, mais peu de variabilité est observée dans la génétique française actuelle. Les conclusions sont les mêmes au niveau de la tolérance au stress hydrique. Concernant la tolérance à l’échaudage thermique, les travaux ont mis en évidence une variabilité de réponse des variétés face aux fortes températures et identifié des lignées d’intérêt.
Des progrès ont été réalisés ces dernières années dans le génotypage (analyse du génome), mais les travaux sont assez lourds pour évaluer le comportement des variétés au champ (phénotypage) puisqu’il faut évaluer un grand panel de variétés, à différents moments dans le cycle. C’est pourquoi l’Institut a fait de grands investissements ces dernières années pour préparer l’avenir avec ses plateformes de phénotypage haut débit (figure 3). L’objectif est de mieux caractériser les variétés (parties aériennes et racines) vis-à-vis des stress grâce à des indicateurs issus de capteurs, et aider les semenciers à accélérer le progrès génétique.
Figure 3 : Plateformes de phénotypage haut débit chez ARVALIS
Il est possible également d’aller chercher de la résilience grâce à la fertilité des sols (portance du sol, moins d’érosion, enracinement par exemple). Même si tous les résultats ne sont pas encore disponibles aujourd’hui, il y a de nombreux travaux en cours, tests en grandeur nature, chez les agriculteurs.
Le réchauffement climatique peut ouvrir le champ à de nouvelles possibilités comme plusieurs cultures par an, des évolutions dans les cultures (diversification), des cultures et des couverts multi-services… tout ceci à condition de mener une réflexion sur l’accès à l’eau dans le futur.
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